Interview – Senouci : «La restitution des crânes n’est pas dans les priorités de Macron»

Les crânes des révoltés de 1849 sont entreposés au Musée de l'homme de Paris. D. R.

L’écrivain algérien Brahim Senouci revient, dans cet entretien, sur la pétition qu’il a lancée en 2016 pour la restitution des crânes de nos aïeux combattants, séquestrés dans les caves du Musée de l’homme à Paris. Ce professeur de sciences physiques à l’université de Cergy-Pontoise regrette que les Algériens ne se réunissent pas autour d’une telle cause, soulève l’opacité qui entoure les démarches des autorités algériennes et craint que cette affaire soit jetée aux oubliettes. Pour ce fervent défenseur de la cause palestinienne et président du conseil d’administration de l’association Génération 2010 qui travaille à l’articulation des mémoires dans l’espace français, l’Algérie n’exerce pas de pression sur le nouveau président français Emmanuel Macron pour faire avancer ce dossier. Le plus inquiétant pour lui est le fait que ces crânes fassent partie des collections nationales, autrement dit du patrimoine de la France.

Vous avez lancé en 2016 une pétition pour la restitution des têtes des résistants algériens détenues par le Musée de l’humanité à Paris. Avez-vous pu atteindre les 35 000 signatures que vous aviez fixé comme objectif ? 

Nous nous en approchons, sans les atteindre toutefois. Cela dit, 30 000 signatures, c’est un résultat appréciable. Ce que je regrette beaucoup, c’est que la majorité des signatures viennent de France. Pourtant, la presse télévisuelle, journalistique, a assuré une très bonne couverture de l’affaire en Algérie. Malheureusement, ceci nous rappelle la gravité de la crise morale que traverse notre pays. Nous ne sommes même plus capables de nous réunir autour d’une cause telle que celle-ci.

Y a-t-il du nouveau dans cette affaire ? Les autorités françaises ont-elles réagi ? Comment ? 

Pas grand-chose de nouveau, hélas. Il y a eu un semblant d’agitation qui s’est traduit par des déclarations enflammées mais sans lendemain des autorités algériennes, par la bouche, notamment, de M. Zitouni, ministre des Moudjahidine. Les autorités françaises s’en tiennent à une déclaration qu’elles répètent à chaque fois qu’elles sont interpellées sur le sujet : l’Algérie, disent-elles, doit demander officiellement la restitution des restes de nos aïeux combattants. Détail particulièrement révoltant, ces crânes font partie des collections nationales, autrement dit du patrimoine de la France, et sont inaliénables. Pour que le processus de restitution puisse être engagé, il faut que l’Assemblée nationale française vote une loi qui sortirait ces crânes desdites collections. Une proposition de loi serait soumise par le gouvernement français au Parlement sur demande officielle de l’Algérie. Les déclarations contradictoires abondent du côté algérien et on ne sait plus très bien si notre gouvernement a formulé cette demande ou non.

La France vient d’élire un nouveau président, Emmanuel Macron. Il s’agit d’un Président qui a qualifié, durant sa campagne électorale, la colonisation de crime contre l’humanité. Pensez-vous qu’il pourrait débloquer cette affaire et permettre ainsi aux Algériens de rapatrier les crânes de ces résistants ? 

Je ne crois pas, hélas, que cela fasse partie de ses priorités, d’autant moins que l’Algérie n’exerce guère de pression sur lui. Il y a autre chose qui m’inquiète. Romain Nadal, du ministère français des Affaires étrangères, a déclaré que cette question devait être traitée dans un cadre large, dans lequel seront examinées les questions mémorielles, notamment celle des disparus «des deux camps». On voudrait noyer le poisson qu’on ne s’y prendrait pas autrement…

Comptez-vous attirer son attention ou attendrez-vous que les autorités algériennes le fassent, à travers le ministre des Moudjahidine qui s’est saisi de cette affaire ? 

Tout se fait dans une opacité de mauvais aloi. Il n’y a plus aucune information officielle. Le temps passe… Il faudrait une campagne de presse en Algérie qui permettrait de réveiller notre peuple de son insupportable léthargie. Il y trouverait l’antidote à son marasme, son anomie, sa haine de soi que le «généreux» colonialisme nous a légués. Oui, il faudrait une interpellation citoyenne de nos gouvernants pour les contraindre à ramener les éléments de notre mémoire indûment séquestrés par l’ancienne puissance coloniale !

Hani Abdi

Comment (8)

    Anonymous
    18 mai 2017 - 12 h 00 min

    Ne soyons pas naïfs et
    Ne soyons pas naïfs et arrêtons de regarder la France.
    Le premier coup de fil de Macron a été réserve pour le Bâtards du palais de la drogue.

    Bekaddour Mohammed
    18 mai 2017 - 3 h 30 min

    @ » Il y a autre chose qui m
    @ » Il y a autre chose qui m’inquiète. Romain Nadal, du ministère français des Affaires étrangères, a déclaré que cette question devait être traitée dans un cadre large, dans lequel seront examinées les questions mémorielles, notamment celle des disparus «des deux camps». »
    ——————————————————————————- : Et Senouci pour réagir mentionne le poisson (Relire l’interview)… La faune aquatique comporte les requins, d’une part, et les questions mémorielles imposent la totalité de cette histoire là, donc à partir de 1830, d’autre part, en y ajoutant toutes les erreurs, et les injustices encore en cours, faute d’une occasion qui dénoue. Derrière Romain Nadal on devine les Pieds Noirs, pour lesquels La Guerre se limite uniquement au tronçon final 1954-1962, ils vivent leur mal, celui d’une disparue de leur camp, « L’Algérie française »… Politiquement, il faut un Houari Boumédiène, voire un Abdelkader, des hommes qui n »émietteraient pas La Question. Désert !

    Martyr
    17 mai 2017 - 15 h 19 min

    il fallait s’y attendre, en
    il fallait s’y attendre, en 2005, il a fallu que des intellectuels bougent en France pour que les responsables algériens des mois plus tard dénoncent la loi Douste-Blazy sur les bienfaits de la colonisation.

    Vision
    17 mai 2017 - 15 h 00 min

    Ce qui gouverne ne les
    Ce qui gouverne ne les concerne pas , n’attender rien d’eux c’est aux peuple tout entier de se mobiliser les media sont museler ou complice . Vous voyez bien ont nous insulte de partout aucune reaction de leur part se silence veut tout dire, ils mangent avec eux et tout leur bien financier et immobilier sont en france ils sont tenus en lesse comme des toutous tant qu’ont les degages pas rien ne changeras

    Mello
    17 mai 2017 - 14 h 48 min

    Oui une campagne de presse
    Oui une campagne de presse pour reveiller notre peuple de son inssuportable lethargie. Deux entites ,presse et peuple ,qui se complaisent dans cette attentisme moribond. La presse ne fait rien pour faire bouger les lignes,de peur d’etre definitivement mise au placard. Pourtant ce placard existe bel et bien pour cette presse qui n’arrive pas a enlever les oeilleres plcees par ce pouvoir corrompu et corrupteur. Le peuple, lui ne peut voir que ce qu’on lui montre. L’histoire est trop importante pour pouvoir la porter au niveau du citoyen.
    Ces cranes sont une propriete de l’Algerie, gardes au niveau des caves du musee de l’homme a Paris. Ils y seront le temps qu’il faudra, ils sont bien gardes, mais ils finiront par etre restitues par un gouvernement democratique elu par la majorite du peuple Algerien. Si par maheur, ils venaient a etre restitues, ils finiront, avec ce pouvoir, au fond de l’oued El harrach.

    selecto
    17 mai 2017 - 14 h 43 min

    Bonjour, un gouvernement qui
    Bonjour, un gouvernement qui n’a pas protesté contre le faite qu’un ministre Algérien à savoir Grine a été obligé de baisser son pantalon à l’aéroport d’Orly et le Maroc viole notre consulat et déchire notre drapeau prouve l’une des deux choses:
    Ou bien les membres de ce gouvernement ne sont pas d’origine algérienne et n’ont aucune attache à l’histoire de l’Algérie ou des descendants de traitres tenu par des chantages des services français qui font d’eux ce qu’ils veulent.

    nifnif
    17 mai 2017 - 14 h 25 min

    ils nous humilient chaque
    ils nous humilient chaque jour, heureux les martyrs qui n’ont rien vu!

    Ihmel
    17 mai 2017 - 14 h 24 min

    qu’attendre de coopérants qui
    qu’attendre de coopérants qui ne sont en mode de gérance d’un pays encore sous tutelle de l’ancienne puissance coloniale? Il faut juste chercher où vivent des enfants de hauts responsables au ministère des Moudjahiddine pour tout comprendre

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