Zefzafi adopte un discours religieux : la révolte du Rif récupérée par les islamistes ?
Portée dans la rue par la mouvance berbériste la plus radicale, le mouvement de protestation qui traverse depuis plusieurs mois la région du Rif au Maroc risque d’être détournée par les islamistes qui s’inspirent des insurrections arabes et seront tentés de rééditer un schéma devenu classique dans la région : canaliser la révolte citoyenne en infiltrant la société civile et en distillant, à petites doses, leurs slogans et leurs mots d’ordre jusqu’à la caporalisation totale.
Des indices montrent que le mouvement rifain «Hirak», à l’instar des mouvements égyptien et tunisien à leurs débuts, peut à tout moment basculer dans la radicalité islamiste. Il y a aussi ce discours équivoque du guide charismatique – actuellement en détention – Mohamed Zefzafi, dont la dimension religieuse reste dominante. En jouant alternativement sur les deux registres – religieux et identitaire –, Zefzafi et les autres porte-voix du mouvement marocain ambitionnent sans doute de «ratisser large» dans une société en ébullition, mais la place qu’occupent les références à la tradition du Prophète et de ses compagnons dans leurs harangues hystériques, et les critiques purement religieuses de la dynastie au pouvoir, trahissent un choix qui risque de peser lourd sur l’avenir du mouvement.
Zefzafi, dans un de ses discours relayés par les réseaux sociaux, reprend à son compte les interprétations chères aux fondamentalistes sur la bonne conduite que doit observer un «émir des croyants», mais ne remet pas en cause la légitimité de cette monarchie fondée sur une prétendue filiation à «ahl el-beyt» (descendance du Prophète QSSL). Il lui demande simplement d’agir comme les quatre califes de l’islam qui, eux, «n’ont jamais abandonné leur peuple». Tout son discours est empreint de hadiths et de versets coraniques pour expliquer la justesse d’un mouvement de désobéissance contre l’«injustice» et la «déviation».
Lorsqu’il évoque l’Algérie, il emprunte ses mots aux vieux discours des islamistes du FIS : «On m’accuse d’être manipulé par les Algériens. Mais, moi, je dis haut et fort ce que le Makhzen n’osera pas dire de l’Algérie. A savoir que le régime algérien est le pire de tous les régimes : il réprime et tue son peuple sans le moindre remord. C’est un régime assassin !». Au sujet du Sahara Occidental, Zefzafi ne nie pas «la marocanité» du territoire. Tout ce qui le gêne, c’est le superlatif «arabe» qui a été choisi par les Sahraouis pour désigner «leur république».
R. Mahmoudi
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