L’économiste Smail Goumeziane critique le plan d’action du gouvernement
L’éminent économiste Smail Goumeziane analyse le plan d’action du gouvernement et livre ses observations critiques. Dans un long texte publié par le site du FFS, cet ancien ministre et auteur de plusieurs livres relève les points faibles de ce plan censé redresser les finances publiques et donner un nouveau souffle à l’économie productive afin de réduire la dépendance de l’Algérie aux exportations en hydrocarbures.
Smail Goumeziane qualifie d’emblée ce plan d’action du gouvernement d’Abdelmadjid Tebboune de «pâle synthèse et copie de deux documents adoptés par le gouvernement Sellal avant l’aggravation de la crise». Il estime que «le gouvernement s’enferme dans une logique de croissance pour mieux ignorer toute démarche en termes de développement». Goumeziane argumente en soulignant que «même lorsque la croissance s’est améliorée dans le pays (tout au long des années d’embellie pétrolière), celle-ci n’a jamais entraîné le développement mais plutôt favorisé, outre l’effondrement des activités productives nationales, les inégalités et autres injustices sociales».
Dictées par le FMI
Pour lui, une stratégie de diversification de l’économie nationale ne peut avoir de sens que si elle s’inscrit dans une stratégie nationale de développement dont l’élaboration démocratique reste à faire. Aussi Smail Goumeziane estime-t-il que la «politique budgétaire rénovée» proposée par le gouvernement n’a qu’une seule ambition, «FMI et Banque mondiale oblige, celle de préserver les équilibres financiers du pays». Autrement dit, le gouvernement ne se soucie pas des autres équilibres économiques et politiques.
Abordant le volet relatif à la réforme fiscale, Smail Goumeziane assure que «le gouvernement ne semble préoccupé que par les sacro-saints équilibres financiers de court terme». Pour lui, «son objectif est de couvrir les dépenses de fonctionnement par les recettes issues de la seule fiscalité ordinaire». Le pire est que, dira-t-il, le gouvernement fixe à 11% la croissance annuelle des recettes ordinaires sans préciser comment il compte les atteindre. Smail Goumeziane considère ainsi que le gouvernement pêche par son manque de clarté.
L’illusion de l’impôt
«On parle de mieux recouvrer la perception de la TVA, de réduire les exemptions fiscales, de réviser les barèmes d’imposition sur le patrimoine, de renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales… Tout cela est gentiment dit mais ne se traduit par aucun objectif chiffré», relève cet économiste selon lequel «les enjeux se chiffrent ici en dizaines de milliards de dollars d’impôts non recouvrés, de fraude et évasion fiscales, et autres revenus non déclarés de l’économie informelle». Pour lui, «il s’agit d’une véritable guerre fiscale, certes, menée avec des moyens démocratiques, qu’il faut engager, eu égard aux objectifs du développement (dont la politique fiscale est un instrument privilégié), aux besoins et attentes des opérateurs productifs concernés, et ne pas se contenter d’un simple dépoussiérage pour préserver les équilibres financiers».
Smail Goumeziane critique aussi l’approche du gouvernement par rapport aux subventions. Ce même gouvernement parle, ajoute cet économiste, de son objectif visant à réduire celles (les subventions) ne générant aucune retombée positive pour l’économie de la société». Mais il est presque impossible d’identifier scientifiquement cette retombée positive. «Il eut été plus judicieux de parler de celles qui génèrent, à l’évidence des effets négatifs, voire catastrophiques, sur le développement du pays. Et pas seulement au niveau des subventions», soutient Smail Goumeziane.
Les fameux IDE
«Que dire, par exemple, en termes de dépenses publiques, des projets industriels ou infrastructurels publics dont les surcoûts avérés se chiffrent en milliards de dollars ? Et qui se traduisent par autant de transferts “non sociaux” et pour le moins opaques vers des destinations privées, nationales ou étrangères ?» s’interroge cet ancien ministre qui critique également la focalisation du gouvernement sur les fameux Investissements directs étrangers (IDE), ignorant les capacités d’investissement locales et, plus encore, celles de la diaspora vivant à l’étranger. Il dit ne pas comprendre également pourquoi le gouvernement continue de s’accrocher, vaille que vaille, à la règle du 51/49. Autre point relevé par cet économique : le développement du tourisme comme substitut au pétrole.
La blague du tourisme
Le plan d’action du gouvernement considère que le tourisme va constituer une alternative à la dépendance aux hydrocarbures. «Ce programme aurait été celui de Sellal, on aurait crié à la blague (un peu d’humour ne fait pas de mal). Mais non, c’est bien Tebboune qui l’affirme et annonce, pour cela, la mise en œuvre de divers plans et mesures. En rappelant, au passage, les clichés éculés sur l’Algérie balnéaire, thermale, montagneuse et désertique…», commente Smail Goumeziane, pour lequel ce programme, qu’il qualifie de plutôt catalogue, montre une fois encore que le gouvernement méconnaît la réalité du tourisme.
Pour Goumeziane, «le tourisme peut être, certes, un instrument de développement mais il est le plus souvent un des résultats du développement. En tout cas, il n’est jamais une alternative au développement des activités productives, extractives ou autres».
Hani Abdi
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