Ouyahia s’allège
Par Kamel Moulfi – Continuant le processus commencé avec l’annulation de la date de la tenue de la tripartite et sans attendre de faire adopter son plan d’action par les députés, Ouyahia abroge deux autres décisions prises par Tebboune : il n’y aura pas d’inspection générale auprès du Premier ministère et la prérogative concernant la délivrance des licences d’importation est rendue au ministère du Commerce.
Le nouveau Premier ministre refuse de s’alourdir de charges dont voulait et pouvait s’occuper Tebboune, qui cherchait à mieux contrôler le monde des affaires et en avait fait sa mission prioritaire. Ouyahia n’a pas les mêmes motivations et donc pas de temps à consacrer à de telles tâches. Il ne faut pas oublier qu’il est secrétaire général du RND et que, jusqu’à preuve du contraire, il est engagé dans des luttes politiques partisanes qui exigent un minimum de disponibilité.
Affublé auprès de l’opinion publique algérienne du titre peu élogieux d’«homme des sales besognes», autrement dit celui qui endosse les mesures impopulaires dont il n’est pas l’auteur – comme la première d’entre elles, les ponctions sur les salaires des travailleurs, qui lui colla cette réputation – Ahmed Ouyahia va-t-il se résigner à faire ingurgiter une nouvelle fois des pilules amères à la population ? Une action contreproductive pour un dirigeant politique qui attend son tour depuis au moins trois mandats présidentiels, et ce moment approche inexorablement.
Nombre d’observateurs pensent que l’enjeu pour Ouyahia reste l’échéance de 2019. Or, il n’aura pas droit à la «précampagne présidentielle déguisée» qu’il aurait animée dans le pays profond, à la faveur des élections locales du 23 novembre 2017 (comme il l’a fait pour les législatives de mai 2017). De plus, il sera empêtré dans les procédures liées à l’adoption de la loi de finances 2018 dans un contexte social peu propice à la sérénité et qui le met en confrontation directe avec les multiples attentes de la population.
Le Premier ministre est dans une position peu confortable : il doit donner des gages au monde des affaires qui a fait partir Tebboune et, en même temps, ne pas s’aliéner la population qui avait, en quelque sorte, plébiscité ce dernier en l’encourageant dans sa démarche moralisatrice. Pour le moment, les premières décisions d’Ouyahia, sans effet significatif, si elles font croire qu’il s’attelle à «effacer» ce qu’a fait son prédécesseur, n’ont-elles pas pour but, en réalité, d’épargner le temps «précieux» du secrétaire général du RND ?
K. M.
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