Federica Mogherini éconduit le ministre marocain des Affaires étrangères
Par Karim Bouali – Les médias marocains se gargarisent de grands mots sur une rencontre entre le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, et la vice-présidente de la Commission européenne, Federica Mogherini, qui aurait porté sur des «sujets cruciaux».
Or, des sources sûres ont indiqué à Algeriepatriotique que la réunion en question a été décidée sous le sceau de l’urgence par les Marocains. En effet, Rabat, qui peine à imposer ses vues hégémoniques à l’ensemble du continent africain, en dépit de la complicité de Paris, a supplié la Haute Représentante d’adopter la même position que la France qui persiste dans son refus d’admettre la République sahraouie au prochain Sommet UA-UE, au motif que celle-ci «n’est pas souveraine» et «n’est pas reconnue par les Nations unies».
Tout en faisant part de sa préoccupation concernant l’éventuel report, voire l’annulation d’un sommet que l’UE juge crucial pour le lancement d’un véritable partenariat à même de répondre aux énormes défis auxquels elle est confrontée, au même titre que le continent africain – migration, terrorisme, développement, employabilité des jeunes, etc. – Federica Mogherini a rappelé fermement à son interlocuteur la position de principe de l’Union européenne, a encore appris Algeriepatriotique. Federica Mogherini a fait comprendre à l’émissaire dépêché par Mohammed VI que l’Europe «respectera le consensus africain» et qu’«il appartient à chaque organisation – l’UA et l’UE en l’occurrence – d’inviter ses Etats membres sans interférence ou autre démarche qui serait, pour le cas, inappropriée». Une fin de non-recevoir diplomatique a donc bien été signifiée au ministre marocain qui rentre bredouille.
Le second objectif poursuivi par le Maroc à travers cette rencontre consiste à mettre la pression sur la Commission européenne pour que ses négociateurs se montrent plus flexibles et plus expéditifs pour parvenir le plus tôt possible à une rédaction commune du texte de l’échange de lettres portant adoption de l’accord agricole, en tenant compte des stipulations de l’arrêt de la Cour européenne de justice (CJUE) de décembre 2016.
Ces négociations, dont l’objectif est de contourner cet arrêt de la CJUE, ont été lancées en mai 2017, mais elles piétinent pour deux raisons essentielles. D’abord, parce que le Maroc n’a pas été en mesure, jusqu’ici, de fournir des données pertinentes et crédibles sur le fait que l’accord profite réellement au peuple sahraoui – toutes les fermes produisant le melon et les tomates cerises appartiennent à des sujets marocains. Ensuite, la difficulté à trouver des «représentants locaux» crédibles et représentatifs plutôt qu’une assemblée croupion triée sur le volet pour tromper la communauté internationale. Ceci, malgré la complaisance extrême, voire la complicité de la Commission qui s’est engagée à fouler aux pieds les droits international et européen et renier l’arrêt de la CJUE en acceptant d’obtenir le «consentement de la population locale» aux lieu et place du consentement du représentant unique et légitime du peuple sahraoui, c’est-à-dire le Front Polisario.
Pour rappel, le Sommet, dont la tenue est prévue à Abidjan, sera transféré à Addis-Abeba si la Côte d’Ivoire persiste dans son refus d’adresser une invitation à la RASD, conformément aux décisions du Sommet africain de janvier 2017. La date butoir a été fixée au 27 octobre par la réunion extraordinaire du Conseil exécutif du 16 octobre dernier, réunion au cours de laquelle le Maroc s’est retrouvé totalement isolé et délaissé, y compris par les Etats africains qui lui étaient jusque-là très proches.
K. B.
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