Collusion fatale
Par R. Mahmoudi – Le quotidien espagnol El Pais vient de révéler que l’imam de la mosquée de Ripoll, le Marocain Abdelbaki Essatti, accusé d’être derrière les attentats de Barcelone et Cambrils le 18 août dernier, a travaillé comme informateur auprès des services de renseignements espagnols. Selon le journal madrilène, cet imam avait été approché par le Centre national de renseignement (CNI) alors qu’il purgeait une peine de prison pour trafic de drogue, de 2010 à 2014.
Le journal indique que des sources au sein des services secrets espagnols reconnaissent cette collaboration et expliquent que ce genre de contacts «fait partie des protocoles habituels». «Pour obtenir des informations pour la lutte antiterroriste, il est normal de se tourner vers les personnes qui peuvent détenir ces informations et les prisons sont pleines de gens qui coopèrent», cite El Pais.
Ces révélations confirment une tendance générale chez les différents services de renseignements européens, qui consiste à banaliser une collusion suspecte, jamais dénoncée par les politiques, avec des jeunes radicaux reconnus pourtant souvent comme étant prêts à passer à l’acte. En somme, ces services étaient bien conscients de «travailler» avec de dangereux terroristes. C’est exactement ce qu’a révélé la presse française à propos de Mohamed Merah, le célèbre «loup solitaire» qui a tué, en mars 2012, sept personnes à Toulouse et Montauban.
Au lendemain des attentats – qui n’étaient même pas reconnus au début comme tels –, les porte-parole des services de sécurité avaient seulement reconnu l’avoir «fiché» et suivi pendant toutes ses «pérégrinations» au Pakistan et au Moyen-Orient, avant d’avouer qu’ils avaient envisagé sérieusement de le recruter, un mois avant qu’il ne passe à l’action. Deux arguments aussi obscurs qu’invraisemblables ont été avancés par les officiers du renseignement français pour justifier cette démarche qui s’avérera fatale. Selon eux, «il fallait crever l’abcès, car il restait trouble», alors que son caractère dangereux n’avait pas encore paru évident, et «exploiter son esprit curieux et voyageur».
Combien sont-ils ces pigeons voyageurs ?
R. M.
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