Des intellectuels lancent un appel pour la libération des détenus rifains du Hirak
Par Houari Achouri – Une année s’est écoulée depuis le déclenchement dans la région du Rif, au nord du Maroc, du Hirak, mouvement de contestation sociale contre l’injustice que la population subit de la part du pouvoir. La réponse du Makhzen a été une féroce répression policière qui a envoyé en prison les animateurs du Hirak où ils ont été soumis aux pires sévices. Au Maroc même et à l’étranger, cette répression a provoqué un élan de solidarité avec les Rifains et de protestation contre les arrestations, qui s’est manifesté de diverses formes.
En France, le club Mediapart vient de publier un appel lancé par l’écrivain et poète marocain Abdellatif Laâbi, signé par plus de 150 personnalités, en soutien au Hirak du Rif, appelant à la libération des détenus politiques de ce mouvement social. Les signataires de cet appel dénoncent «la dérive sécuritaire des autorités marocaines et la répression qui n’a cessé de s’abattre sur les protestataires du Rif» et exigent «la libération de tous les détenus de ce mouvement citoyen qui a ouvert au peuple marocain une nouvelle voie dans son combat pour la dignité, la justice sociale et la démocratie».
L’appel décrit comment «le pouvoir a été rattrapé par ses vieux démons, ceux qui avaient servi à martyriser le peuple marocain et ses forces vives sous le règne précédent» et énumère les méthodes répressives» : «Usage systématique de la violence contre les manifestants, arrestations arbitraires, enlèvements, usage de la torture (avéré et confirmé dans plusieurs cas), menaces de viol, condamnation à de lourdes peines de prison y compris pour des mineurs, violation des droits de la défense, emprisonnement de prévenus et de condamnés dans des établissements pénitentiaires très éloignés de leur lieu de résidence, etc.» A ces méthodes s’ajoute, dans le pur style manœuvrier du Makhzen, les mensonges véhiculés par la propagande, via les médias officiels, relayée, à l’étranger, par la «clientèle» habituelle qui vise à discréditer le Hirak. On sait qu’un des thèmes de cette propagande est l’accusation portée contre les animateurs du Hirak d’être manipulés par l’Algérie, avec des allusions directes au séparatisme. Or, ce sont les conditions de vie de toute une population marginalisée socialement qui sont à l’origine de la longévité du Hirak et non pas une quelconque manipulation extérieure.
Ceux qui connaissent le Maroc savent que, depuis longtemps, le Rif ne bénéficie d’aucun développement économique, et sa principale ville, Al-Hoceima, s’en ressent particulièrement. La population vit dans une précarité dont elle ne voit pas la fin et, pire, en plus des conséquences du sous-développement, elle subit les discriminations du pouvoir.
Abdellatif Laâbi rappelle le fait qui a été à l‘origine du Hirak : «Le 28 octobre 2016 à Al-Hoceïma, chef-lieu de la région, la mort du marchand de poissons Mohcine Fikri, broyé dans une benne à ordures alors qu’il tentait de sauver sa marchandise confisquée, ‘jugée impropre à la consommation’, et ce en présence des agents d’autorité qui avaient ordonné ladite confiscation.» Mais ce fait, qui met en lumière l’extrême pauvreté des populations dans beaucoup de régions du Maroc, n’a été que le déclencheur d’une explosion sociale qui couvait de longue date dans le Rif.
H. A.
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