L’avocat général de la CJUE Melchior Wathelet assomme le Maroc
Selon les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) publiées ce mercredi, l’accord de pêche conclu entre l’UE et le Maroc est invalide en raison de son application au Sahara Occidental et à ses eaux territoriales. Il s’agit là d’une nouvelle grande défaite diplomatique du Maroc. «Selon l’avocat général Wathelet, l’accord de pêche conclu entre l’UE et le Maroc est invalide du fait qu’il s’applique au Sahara Occidental et aux eaux adjacentes», a annoncé la Cour européenne de justice dans un communiqué.
Dans ses conclusions présentées à la CJUE, l’avocat général Melchior Wathelet a estimé qu’«en concluant cet accord, l’Union a violé son obligation de respecter le droit du peuple du Sahara Occidental à l’autodétermination».
L’avocat général de la Cour européenne de justice a souligné, en outre, que l’UE a violé également son obligation de «ne pas reconnaître une situation illicite découlant de sa violation et n’a pas mis en place les garanties nécessaires pour assurer que l’exploitation des ressources naturelles du Sahara Occidental se fasse au bénéfice du peuple de ce territoire».
Dans ses conclusions, l’avocat général Melchior Wathelet propose à la Cour de répondre qu’elle est compétente pour apprécier la légalité des accords internationaux conclus par l’Union, qu’une association telle que WSC est habilitée à contester la légalité de l’accord de pêche et que l’accord de pêche n’est pas valide parce qu’il s’applique au territoire et aux eaux du Sahara Occidental.
S’agissant de la possibilité, pour des personnes physiques et morales, d’invoquer les règles du droit international dans le cadre du contrôle juridictionnel d’un accord international conclu par l’Union, l’avocat général considère que les règles du droit international auxquelles l’Union est liée, dont le contenu est inconditionnel et suffisamment précis et dont la nature ainsi que la structure ne s’opposent pas au contrôle juridictionnel de l’acte contesté, doivent pouvoir être invoquées en justice. L’avocat général considère que ces conditions sont remplies en ce qui concerne trois normes du droit international invoquées par WSC : 1) le droit à l’autodétermination, 2) le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles en ce qu’il impose que leur exploitation bénéficie au peuple du Sahara Occidental et 3) les règles du droit international humanitaire applicables à la conclusion des accords internationaux visant l’exploitation des ressources naturelles d’un territoire occupé.
A ce propos, l’avocat général relève que le peuple du Sahara Occidental a été, jusqu’à présent, privé de l’opportunité même d’exercer le droit à l’autodétermination dans les conditions prévues par l’Assemblée générale des Nations unies. Ainsi, le Sahara Occidental a été intégré au Maroc par annexion sans que le peuple de ce territoire ait librement exprimé sa volonté à cet égard.
En 2013, l’UE signait un accord avec le Maroc autorisant les bateaux de pêche européens – la plupart espagnols – à pêcher dans les eaux du Sahara Occidental, actuellement sous occupation marocaine. Un an plus tard, le Front Polisario lançait un recours pour demander l’annulation de l’accord.
Craignant une issue semblable à l’arrêt rendu le 21 décembre 2016 par la CJUE, qui a conclu que les accords d’association et de libéralisation UE-Maroc ne s’appliquent pas au Sahara Occidental, le gouvernement marocain a adopté, en juillet 2017, deux projets de lois visant à redéfinir le domaine maritime du royaume. Il avait procédé ainsi à une annexion unilatérale de la mer du Sahara Occidental afin de s’assurer de garder la mainmise sur les ressources halieutiques sahraouies. La question maintenant est de savoir si l’UE ne cherchera pas encore à se dérober à ses responsabilités.
S. S. et agences
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