Hypocrisie politique
Par Sadek Sahraoui – La 14e Conférence des ministres des Affaires étrangères du Dialogue des 5+5, dont les travaux se sont tenus dimanche à Alger, est un très bel exemple d’hypocrisie politique. Malgré les divergences de fond qui les opposent, les participants à cette rencontre ont, en effet, réussi le pari difficile d’afficher un consensus de façade sur des dossiers aussi sensibles que la question des migrants irréguliers, la lutte contre le terrorisme, la lutte contre le trafic de drogue ou la problématique du développement.
Le contenu de la longue déclaration finale de l’événement, auquel a même participé le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, donne même l’impression que tout ce beau monde sont les plus grands amis du monde. Le constat amène, d’ailleurs, à penser que les «5+5» sont venus à Alger, non pas pour tenter régler les problèmes mais pour montrer plutôt qu’il était possible pour des représentants de pays qui ne s’entendent pas beaucoup de s’assoir autour d’une même table, de se donner de chaudes accolades et de se quitter dans la bonne humeur.
L’exercice n’a pas dû, néanmoins, être facile pour Abdelkader Messahel, qui n’a jamais caché que les quantités astronomiques de résine de cannabis avec lesquelles le Maroc inonde l’Algérie lui causent des cauchemars. Il n’a certainement pas été aisé pour lui, non plus, d’engager une réflexion sur l’«avenir commun» alors que le Maroc vient de se voir offrir par la France un satellite espion de 500 millions de dollars dont la seule finalité est d’épier jour et nuit les moindres faits et gestes de l’Armée algérienne. Drôle de manière, en effet, de préparer l’avenir et de jeter les jalons d’une prospérité partagée. Alors, ne parlons même pas du conflit du Sahara Occidental que la France contribue à faire perdurer.
Même constat s’agissant de la question des migrants illégaux. Le problème est, actuellement, perçu par nos partenaires européens comme une patate chaude qu’il faut absolument refiler aux pays du Sud. A ce propos, on parle, d’ailleurs, de pression des Européens pour que l’Algérie, la Tunisie, la Mauritanie, le Maroc et la Libye mettent en place avec les membres du G5 Sahel le même type de forum que celui qui les lie actuellement aux pays de l’Europe occidentale. Ils nous demandent, en somme, de mettre sur pied une sorte de 5+5 Maghreb-Sahel.
Malgré tous ces coups bas, l’Algérie a montré qu’elle ne désespérait toujours pas de pouvoir ramener un jour à la raison ses partenaires des 5+5. C’est bien. Mais l’espoir de l’Algérie ne peut être recevable qu’à la condition aussi que Paris et Rabat cessent de miser sur des politiques du pire au Maghreb.
S. S.
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