L’Algérie et la Tunisie tentent de dissuader les harraga par une fatwa
Par R. Mahmoudi – Fruit d’un travail de coordination entre les deux pays ou pure coïncidence, deux fatwas au même contenu déclarant haram (illicite) l’émigration clandestine ont été promulguées quasi simultanément par les autorités religieuses en Algérie et en Tunisie.
En Algérie, c’est le Haut Conseil islamique, présidé par l’ex-ministre Bouabdallah Ghlamallah, qui a pris l’initiative de promulguer ce décret, justifié par la hausse alarmante du nombre de victimes enregistrées chez les jeunes Algériens harraga qui tentent de rejoindre la rive nord de la Méditerranée en empruntant des embarcations de fortune. Annoncée jeudi, cette fatwa a été aussitôt cautionnée par le ministère des Affaires religieuses et des Wakfs, qui a suggéré aux imams d’en parler lors du prêche du vendredi.
Mais le ministre Mohamed Aïssa a minimisé l’impact de cette fatwa, en déclarant qu’il ne fallait pas se contenter d’un simple décret mais qu’il fallait sensibiliser les jeunes et les aider à se prendre en charge, tout en imputant ce phénomène à l’influence des réseaux sociaux ainsi qu’au «défaitisme alarmiste que développent certaines personnalités de l’opposition». Selon lui, redonner espoir aux jeunes est l’unique solution à cette tragédie.
Cette fatwa a suscité des réactions immédiates chez les internautes algériens qui, pour la plupart, jugent inefficaces, voire décalées, des procédures «moralisatrices» qui ne cherchent pas les causes profondes du problème.
En Tunisie, la même fatwa a soulevé des réactions autrement plus violentes dans l’opinion publique. D’aucuns jugent l’avis émis par le mufti de la République, Cheikh Othmane Bettikh, «non conforme à l’esprit du Coran et de la sunna», en arguant que rien dans les textes fondateurs de l’islam n’interdit «al-hijra» pour fuir l’adversité ou des conditions de vie intenables. Certains le traitent même d’«hypocrite», en lui rappelant ses prises de position ambigües sur certains sujets controversés, comme l’égalité entre l’homme et la femme en héritage, et une fatwa qu’il avait promulguée, il y a quelques mois, décrétant haram les manifestations et les protestations de rue.
R. M.
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