Etats et économie en déroute, misère et guerres en route
Par Mesloub Khider – L’Occident a bon dos ! On peut, à bon compte, le rendre comptable de tous les crimes perpétrés dans le monde, l’accabler de tous les péchés. Et particulièrement aux heures sombres de l’histoire. Surtout comme actuellement, quand les pays vivent des moments de crises politiques et économiques graves.
La «bouc-émissairisation» va bon train. Chaque pays du Sud, pour se dédouaner de sa gabegie et son impéritie, incrimine l’Occident. Chaque pays du Sud, confronté à des crises économique et politique, s’absout de sa responsabilité. Tous les Etats du Sud, du tiers-monde, pour justifier la dégradation des conditions de vie de leurs populations respectives (et certainement pas respectueuses à leurs yeux), accusent l’Occident d’être responsable de leur sous-développement.
Et les intellectuels organiques officiant au service de leurs Etats respectifs du Sud se chargent servilement et fructueusement de cette basse besogne d’embrigadement idéologique menée à l’endroit des masses populaires pour les arrimer et les asservir davantage à leurs potentats inamovibles.
Et à force de matraquages doctrinaux et de maquillages de la réalité, les plumitifs de service réussissent grandement leur entreprise de conditionnement mental.
Par ces récurrents réquisitoires portés uniquement contre l’impérialisme occidental, on parvient ainsi à blanchir l’Etat de son propre pays. A cautionner par cécité ou complicité les pires mesures économiques, les pires attaques antisociales, les pires massacres commis par l’Etat de son pays contre son peuple.
Aussi, on aboutit à soutenir ses politiques belliqueuses. A justifier son armement outrancièrement indécent eu égard à la misère de l’immense majorité de sa population. A couvrir ses entreprises idéologiques d’endoctrinement nationalistes et chauvines. A légitimer sa domination dictatoriale sur le pays. A l’aider à obtenir l’adhésion des masses opprimées à ses politiques antisociales. A dédouaner ses sanglantes répressions exercées contre sa population. A valider ses falsifications historiques du récit national. A soutenir ses entreprises de négation identitaire culturelle et linguistique des membres minoritaires de ses citoyens souvent réprimés pour cause de revendications permanentes de leurs droits. A passer sous silence son rôle au service des dominants, les puissances impérialistes.
En résumé, à entretenir l’illusion de l’Etat neutre au service de toute la société, au service des intérêts généraux de toute la population.
En réalité, de tout temps, par ses fonctions intrinsèquement répressives et oppressives, l’Etat est toujours au service de la classe dominante.
En outre, contrairement à ce qu’on croit, dans cet univers dominé par le capitalisme mondialisé, tous les pays sont impérialistes. Ils sont tous portés par la même logique impérialiste. Particulièrement dans cette période de crise économique aiguë. Chaque pays, grand ou petit, est travaillé par cette irrépressible et impérieuse nécessité d’envahir un autre pays plus faible (le Vietnam a envahi le Cambodge, l’Irak a envahi le Koweït, aujourd’hui, la Turquie se livre à des incursions en Syrie, etc.), pour résoudre à sa manière les contradictions de classes, le besoin de capital et d’espace vital, pour détourner son peuple de ses préoccupations politiques et économiques vitales et l’entraîner à des occupations belliqueuses.
La résurgence du nationalisme et du populisme ne s’explique pas autrement que par les menées guerrières actuelles et futures. Chaque Etat blinde idéologiquement sa population pour la préparer aux confrontations armées. Et l’augmentation exponentielle des dépenses militaires dans tous les pays nous conforte amplement dans notre analyse. Les budgets de l’armement explosent au même rythme que nos conditions de vie implosent. Certes, le capital se livre une guerre économique inter-impérialiste exacerbée. Mais la guerre qu’il mène contre les conditions de vie des peuples est encore plus cruelle et sanglante. Et le premier à la diriger contre nous est notre propre Etat, notre gouvernement national, succursale du capital mondial. Chaque Etat fait intégralement partie du gouvernement capitaliste mondial.
Chaque décision économique est l’émanation directe de la direction collégiale du capital international.
L’indépendance économique est une illusion, une imposture. D’ailleurs, pour ce qui est de l’Algérie, à économie mono-industrielle, le pays est totalement tributaire de ses exportations pétrolières. Ce n’est pas l’Etat algérien qui fixe ni la quantité de barils à vendre ni son prix. Ces paramètres sont déterminés par le marché qui dicte ses lois.
Intégrée dans une économie capitaliste mondialisée, l’Algérie est confrontée aux mêmes enjeux stratégiques de l’offre et de la demande, en œuvre dans tous les pays. Sa marge de manœuvre en matière de développement économique est fortement limitée, restreinte.
Aujourd’hui, plus que jamais, aucun Etat ne mérite notre confiance. Jamais dans l’histoire contemporaine, les pays n’ont été gouvernés par des dirigeants aussi irresponsables que dangereux, aussi incapables qu’inutiles, aussi ridicules qu’insignifiants, aussi incultes qu’immatures.
Jamais ils n’ont sabordé leur pays avec tant de cynisme, au nom de la raison économique capitaliste, soucieuse seulement de sacrifier tous les acquis sociaux, exception faite des capitaux acquis par les dirigeants, toujours insuffisants, selon ces requins de la finance, adorateurs du billet vert (et non du Livre Vert).
De surcroît, ils sont tous, du Nord au Sud et d’Est à l’Ouest, à divers titres et à différents échelons, responsables de la misère actuelle, des famines, de la crise économique, du chômage, du délitement des liens sociaux, de la déliquescence des valeurs morales, de la décomposition de la société à l’échelle de la planète, des terrorismes, de leurs financements, des guerres permanentes, des exodes massifs, de l’émigration, des génocides humains (Rwanda, Yougoslavie, etc.) et culturels (massacres et disparitions des diverses et variées cultures millénaires).
Partout, les puissants despotes politiques nous infligent leurs dictatures tentaculaires. Les seigneurs de l’économie et les maîtres de la finance nous imposent le dénuement, la misère, la clochardisation de nos conditions d’existence. D’Alger à Caracas, en passant par Athènes et Dakar, nos dirigeants dictent les mêmes mesures d’austérité, imposent des réformes inhumaines. Jamais ils n’ont été autant unis et solidaires dans leur détermination à nous faire payer leur crise. Et jamais les peuples opprimés n’ont été autant désunis que divisés dans leur combat pour riposter aux attaques dirigées contre leurs conditions de vie ou plutôt de survie.
Ils semblent soumis à la résignation et résignés à la soumission.
M. K.
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