Contribution – Nicolas Sarkozy ne parlait que de l’Alger colonial associé à Camus
Par Al-Hanif – Totalement réfractaire aux attaques ad hominem et encore plus allergique à l’écume médiatique qui s’empare de n’importe quel sujet pour le faire mousser, je me sens insulté, dans ma dignité d’Algérien, par l’ambivalence de cette présentation : «J’aurais aimé naître à Alger» attribuée à l’ancien président français.
A-t-on seulement saisi qu’il ne parlait, cet ennemi atavique de l’Algérie, que de l’Alger colonial associé à Albert Camus ? Et qui résumait toute son animosité par cette formule – si l’on en croit des propos rapportés par Le Canard enchaîné – à son ancien ministre des Affaires étrangères lors d’une visite d’Etat en Algérie : «T’es sérieux Bernard ! Avec tout ce qu’on leur a laissé et tu veux en plus qu’on s’excuse !» Ce même ministre des Affaires étrangères aux thèses étranges sera décrété persona non grata chez nous, pour avoir publiquement rêvé à la disparition biologique de tous les dirigeants algériens et en se faisant pyromane des révolutions colorées.
La fascination de Sarkozy pour Albert Camus est ancienne et il avait déjà envisagé de transférer les cendres de ce dernier au Panthéon pour les faire reposer aux côtés des mânes de Victor Hugo, Alexandre Dumas et Emile Zola. En hommage à l’écrivain certes, mais plus encore à l’Algérie française dans une dernière tentative d’uchronie, ou de relecture de la thèse des «bienfaits de la colonisation». Nostalgérie quand tu nous tiens et ne nous lâche plus !
Adepte forcené des coups politiques et du marketing mémoriel, il tentera dès son élection de proposer à tous les écoliers de CM2 l’adoption d’un enfant juif assassiné par les nazis. A cette occasion, la psychanalyste Madeleine Natason écrivit : «C’est comme coller à chaque écolier un fantôme dans le dos.»
Tournant le dos à la République laïque qui ne choisit pas ses enfants, il insulta par ce projet controversé et halluciné la mémoire des 11 000 enfants juifs massacrés par la haine antisémite nazie en les inscrivant dans une relecture de l’histoire visant à faire de la terrible Shoah (plus de six millions de personnes exterminées pour le seul fait d’être juif) et de l’extermination des juifs la centralité de la Deuxième Guerre mondiale.
L’islamophobe Eric Zemmour sera parmi les rares intellectuels français à s’insurger contre cette vision de l’histoire qui transformait un conflit entre empires coloniaux, séquelle de la Première Guerre mondiale, en moment paroxystique de l’affrontement entre le bien et le mal. Et c’est tout à l’honneur de l’Association des déportés d’Auschwitz que d’avoir fait capoter ce projet en dénonçant l’instrumentalisation cynique du drame effroyable qui aurait imposé une dictature de l’émotion et l’aurait emporté sur une conception claire et solide de ce que furent les intentions et la matrice idéologique du projet génocidaire en surfant sur la vague émotionnelle.
Une parente d’élève écrivit au Président, qui s’était mis en tête de codifier les activités pédagogiques des écoles de la République, que «sa fille ne croulera pas sous le poids de votre culpabilité ou de vos obédiences». Les anticorps sains de la société civile eurent le dernier mot dans ce dossier.
Sur la vénalité du personnage – qui se serait fait offrir les 3 millions d’euros des frais de divorce avec Cecilia Sarkozy par l’émir du Qatar –, sa boulimie pour l’argent et les honneurs, beaucoup reste à dire.
Oui, Alger est incontournable, mais pas pour les raisons invoquées.
Sarkozy a intégré dernièrement le conseil d’administration d’Accor, premier groupe hôtelier au monde et premier investisseur privé français en Algérie. Implanté à travers ses enseignes à Alger, Oran, Constantine et Tlemcen, Accor est aussi partenaire du groupe Mehri et voit dans le potentiel touristique algérien (notamment au Sud) un vecteur de croissance inégalé dans cette partie du monde. L’homme du Qatar à qui il a donné les clés du Paris Saint-Germain, en rejoignant le groupe Accor, n’a fait que suivre son compère Nawaf Ben Jassim Ben Jabor Al-Thani, actionnaire majoritaire et président du fonds d’investissement qatari.
La lecture du livre Une France sous influence de Vanessa Ratignier et Pierre Péan (Fayard, septembre 2014) éclairera bien des arcanes.
Sa visite à Alger en compagnie de l’escort girl Rachida Dati me laisse un gout amer, surtout quand cette dernière fait de l’Algérie bashing sa carte de visite. Et j’avais commis il y a quelque temps un texte intitulé «Rachida Dati et la naïveté algérienne».
L’homme du karcher, mais surtout de l’Otan, ne fait-il aucun cauchemar en évaluant son action en Libye ? Ses états d’âme, ses joggings, son bouclier fiscal pour ses amis les riches, son tropisme ethnique, ses Rolex, sa femme chanteuse aphone, ses chiens de garde, ses groupies et sa haine de l’Algérie ne méritent pas les gros titres de la presse nationale.
Ce plein de fausses informations nous transforme en chiens de Pavlov, nous dessine un vrai cauchemar et un monde totalement rempli au point qu’il n’y reste aucune cervelle à l’abri de la désinformation. La foule trahit le peuple !
A.-H.
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