Mohammed VI fait appel à des lobbyistes français pour contrer la CJUE
Par Sadek Sahraoui – Le Maroc fait le forcing pour le renouvellement de son accord de pêche avec l’Union européenne (UE), contesté dans le fond et dans la forme par l’avocat général de la Cour européenne de justice. Il est prévu que l’actuel protocole arrive à échéance le 14 juillet 2018. Mais c’est le 27 février prochain que la Cour européenne de justice sera appelée à statuer sur la validité de l’accord de pêche en question. En attendant, Rabat mène un intense travail de lobbying pour faire pencher la balance en sa faveur.
En plus d’avoir envoyé au début de la semaine à Bruxelles son ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime, Aziz Akhannouch, pour rencontrer plusieurs responsables de la Commission européenne, Mohammed VI s’est offert les services de la filiale bruxelloise du cabinet français de lobbying ESL & Network d’Alexandre Medvedowsky, ESL European Affairs (ESL EA), pour essayer de retourner «l’opinion européenne» en sa faveur. C’est, d’ailleurs, cette même filiale, qui a également des bureaux au Maroc depuis peu, qui a soigneusement préparé le déplacement d’Aziz Akhannouch dans la capitale belge.
Malgré ce renfort, de nombreux observateurs estiment que le Makhzen ne parviendra pas à avoir le dessus sur le Front Polisario, qui exige que le Sahara Occidental ne soit pas inclus dans l’accord de pêche Maroc-UE. «Comme elle l’avait fait pour l’accord agricole en 2016, la CJUE invalidera sans doute l’accord de pêche Maroc-UE, en considérant qu’il ne peut s’appliquer au Sahara Occidental. Son avocat général, Melchior Wathelet, est allé dans ce sens dans son avis – consultatif, mais généralement suivi – du mois dernier. Le Maroc devra donc sans doute renégocier ce texte avec la Commission européenne où siègent ses alliés français afin qu’il inclue le territoire contesté, comme il le fait pour l’accord agricole», soutient le site Africa Intelligence qui rapporte l’information. Comme par hasard aussi, le président de la commission «pêche» au Parlement européen est français et s’appelle Alain Cadec.
La même source ajoute que «pour faire valoir que la pêche sahraouie profite aux populations locales – point-clé pour la conformité des accords au droit européen –, Rabat compte donc s’appuyer sur le ‘‘rapport d’évaluation’’ de l’accord de pêche commandité par la direction de la pêche de la commission aux cabinets F&S Marine, Poseidon Aquatic Resource Management et Megapesca». Publié en septembre dernier, ce rapport bidon, auquel aucun expert sérieux ne peut donner ne serait-ce qu’une once de crédit, souligne que 66% des appuis sectoriels versés par l’UE au Maroc dans le cadre de l’accord de pêche, soit 36,9 millions d’euros, sont allés au Sahara Occidental.
Le site Africa Intelligence soutient que le Makhzen est actuellement «désarçonné par les conclusions de l’avocat général de la CJUE, Melchior Wathelet, qui a recommandé le 10 janvier l’invalidation de l’accord de pêche Maroc-UE», ajoutant que Mohammed VI, qui a enchaîné ces derniers jours les camouflets diplomatiques, cherche des «parades… et des alliés». La même source croit ainsi savoir que le médiatique avocat parisien, Jean-Jacques Neuer, va se placer dans le dossier.
S. S.
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