Frankenstein et ses groupes terroristes
Par Hocine-Nasser Bouabsa – A contrario de ce que le mainstream atlantiste essaye de fait croire depuis plus de 50 ans, il est admis et reconnu publiquement depuis quelques années que les «groupes terroristes répondent à un agenda tactique de mercenariat mercantile, aux ramifications étatiques diverses», comme l’écrit Monsieur Arab Kennouche dans sa contribution. On peut même avancer que les groupes terroristes ont été, et sont, fabriqués encore comme des petites armées au coût très minime pour reconquérir les pays qui se sont libérés du joug colonial dans les années 1940-60, tout en évitant aux armées des pays développés les pertes humaines qui auraient fait monter leurs opinions publiques contre l’interventionnisme agressif et croissant que ces pays ont enclenché depuis le président Reagan.
Mais qui sont donc ces ramifications étatiques ? Sans se tromper, on peut citer, par exemple, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Arabie Saoudite, la Turquie, le Qatar, les Emirats, le Pakistan et même le Maroc. Chacun de ces pays utilise ses propres «groupes terroristes» pour son propre agenda et ses propres intérêts nationaux. Et il se trouve que les intérêts des uns ne sont pas toujours compatibles avec ceux des autres. D’où les guerres intestines permanentes entre les «groupes terroristes» qui ne font qu’obéir aux ordres de leurs géniteurs.
Que les troupes de ces «groupes terroristes» aient été délocalisées du Levant vers l’Afrique du Nord et le Sahel n’a rien d’étonnant. Car leur mission en Syrie ou en Irak – où elle a atteint partiellement ses objectifs, entre autres : la destruction complète de l’Irak et la Syrie – s’est trouvée empêtrée dans des développements négatifs inattendus, qui pourraient exterminer ces «groupes terroristes». D’où la nécessité pour leurs géniteurs de leur trouver un refuge. Ce refuge se trouve, aux yeux des atlantistes, en Libye et dans les pays du Sahel pour deux raisons : 1- il existe déjà des «infrastructures d’accueil». 2- Leur agenda prévoit des transformations majeures dans la région d’Afrique du Nord et du Sahel.
En raison de ses richesses énormes (hydrocarbures, minerais et agriculture saharienne), sa position géostratégique dominante et sa dimension territoriale, l’Algérie sera évidemment très concernée par ces transformations. La très grande majorité des Algériens est consciente des dangers, impacts et enjeux existentiels et se pose une question légitime : l’Algérie est-elle globalement bien préparée pour se défendre et défendre ses intérêts vitaux dans la région ? Pour répondre à cette question, il serait d’abord nécessaire de procéder à un genre d’analyse Swot socio-économique, politique, géostratégique et militaire dans le cadre des transformations que la région est supposée connaître dans les deux décennies prochaines. C’est le travail de plusieurs groupes de travail et de spécialistes, auxquels on devrait aussi assigner la tâche de guider et formater un débat national sur la défense nationale et l’apport quotidien des citoyens pour la soutenir. On peut y débattre la pertinence du verrou constitutionnel qui interdit le déploiement de l’ANP en dehors des frontières nationales. Jusqu’à ce jour, ce verrou a été bénéfique puisqu’il permet de refuser toute demande extérieure.
Ce matin, j’ai lu la contribution d’Al-Hanif – Pierre et le loup et le message subliminal, dans laquelle est écrit «fort heureusement…, le petit Pierre (en proto Sidna Youssef) surpassait en intelligence et en ruse tous les adultes, grand-père et chasseurs compris et lancés à la poursuite du loup. Prenant acte que la peur n’évitait pas le danger, il le confronta et captura le canidé…». Deux mots clés résument le caractère de l’enfant Pierre : l’intelligence et le courage. C’est grâce à ces deux qualités humaines que l’enfant Pierre a pu capturer le loup. Elles font partie de l’arsenal de ce qu’on appelle le soft power. Ce terme récent est utilisé en stratégie militaire pour qualifier une nouvelle approche de défense qui englobe tous les mécanismes et moyens de défense nationale qui ne nécessite et n’utilise pas la force des armes militaires.
Chaque pays a ses propres ingrédients. L’Algérie n’est ni la Russie, ni l’Iran. Elle a ses propres atouts et contraintes. Elle est à 100 km de l’Europe et, surtout, elle partage aussi le destin de 5 millions de femmes et hommes avec un autre pays clé en Europe, en l’occurrence la France. Cette proximité humaine et géographique avec l’Europe est plus un atout qu’une contrainte. Il faut apprendre à l’utiliser et s’en servir. Elle est plus efficace que toutes les armes de destruction massive car elle rassemble les peuples plus qu’elle ne les divise.
Parmi les outils du soft power, il y a la communication, qu’on doit maîtriser sans tomber dans le ridicule (comme le font nos voisins de l’Ouest) pour donner une perception positive du pays aux yeux des autres peuples. Mais le plus important réside dans la mise en place d’un système éducatif moderne et compétitif, de la maternelle jusqu’à l’université. C’est une condition sine qua non pour la réussite de toute stratégie de défense nationale.
Sur le terrain, l’immigration clandestine est devenue un facteur de déstabilisation alarmante, dont souffrent aujourd’hui nos compatriotes du sud plus que ceux du nord. L’Etat doit compléter en urgence l’arsenal juridique relatif au droit d’asile et l’immigration clandestine. Il doit criminaliser tous les actes illégaux liés à ce fléau qui mine la sécurité nationale.
Qui dit immigration, dit aussi insécurité et famine. Dans ce sens, l’Algérie doit continuer à soutenir les pays de la région du Sahel dans leurs efforts de développement.
H.-N. B.
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