Péché
Par Sadek Sahraoui – Sans doute, jamais un entraîneur de football n’a autant réussi que Rabah Madjer à faire consensus contre lui en un laps de temps aussi court. Du statut de star incontestée et incontestable du football algérien, il a en effet dégringolé à une vitesse vertigineuse au rang d’usurpateur. Le survol rapide de la presse nationale et des réseaux sociaux laisse même penser qu’il fait partie actuellement du groupe de personnes les plus honnies du pays.
L’opinion l’abhorre non pas parce que l’équipe nationale ne gagne plus depuis qu’il a pris les rênes. Non ce n’est pas du tout cela. Dans leur immense majorité, les Algériens savent que le parcours d’une équipe est fait de victoires et de défaites. Cela, ils le comprennent très bien. Ils le comprennent, même si plus que d’autres fans en Afrique, les Algériens détestent perdre. Ce que les Algériens refusent d’accepter, c’est que leurs représentants les humilient et intentent à leur dignité. Car c’est de cela dont il s’agit.
L’équipe nationale sous la houlette de Rabah Madjer n’a pas perdu parce qu’elle a croisé le fer avec des équipes plus fortes qu’elle. Non, pas du tout. Les Verts ont mordu la poussière, car ils ont fait preuve d’un amateurisme et d’une faiblesse déconcertants. Pis encore, ils se sont inclinés face à des équipes très moyennes, pour ne pas dire faibles, sans même se battre. Pour les Algériens, il s’agit là de la pire des offenses, car l’image autant que l’honneur du pays s’en sont trouvés atteints, écornés.
Madjer et ceux qui ont pensé à lui confier les destinées de l’équipe nationale ont probablement très vite oublié qu’à chaque rencontre, fut-elle amicale, les couleurs du pays sont en jeu et que la défaite n’est permise qu’à la seule condition que l’on ait au préalable tout donné. La défaite n’est tolérée qu’à la seule condition que l’on meurt les armes à la main. Ce n’est qu’à ce prix là que les Algériens pourront peut-être se montrer indulgents et compréhensifs.
Au lieu de cela, l’équipe nationale a été encore une fois la risée de la planète football. Pour un peuple chez qui la culture des valeurs de résistance, de détermination et d’effort est sacrée, il s’agit bien évidemment là d’un grand péché. Le constat prend tout son sens quand on sait qu’en Algérie, le football est avant tout une religion.
S. S.
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