Politique éducative : la réforme du système scolaire repose sur un «cadrage stratégique»
La politique éducative en Algérie repose sur un «cadrage stratégique» des opérations à entreprendre jusqu’en 2030 pour assurer la continuité de la mise en œuvre de la réforme du système scolaire, dont le principal objectif est un enseignement de qualité, indique un document du ministère de l’Education nationale.
Ce document, intitulé «Politique éducative», cerne, «dans une démarche de visibilité et de lisibilité», les problématiques posées à l’école algérienne et reprend, «en les mettant en perspective», les recommandations des deux conférences nationales d’évaluation de la réforme organisées en 2014 et en 2015.
«(…) tous les systèmes éducatifs dans le monde sont entrés dans une phase de bouleversements, eu égard à la nature des transformations sociétales et la rapidité des innovations scientifiques et technologiques de la société contemporaine», a relevé la ministre de l’Education nationale, Nouria Benghabrit, dans l’avant-propos, mettant ainsi en exergue le caractère impératif de la réforme menée depuis 2003.
Dans l’introduction du document, il est noté que les travaux des conférences nationales d’évaluation de la réforme du système scolaire ont été précédés par une «large consultation» des membres de la communauté éducative qui ont formulé «pas moins de 400 propositions ayant alimenté les ateliers thématiques des deux conférences nationales». Parmi les principales recommandations de ces deux conférences il y a celle de relever le défi de la qualité en faveur du plus grand nombre d’élèves possible.
«Il s’agit de faire accompagner le processus de démocratisation de l’enseignement par celui de la qualité» pour remédier à certains dysfonctionnements, tels que la déscolarisation (touchant en particulier la tranche d’âge 6-15 ans) et le taux d’échec et de déperdition (touchant surtout les garçons dans le cycle moyen).
Les deux conférences ont pointé aussi «la faiblesse des résultats au baccalauréat, avec une moyenne de 45-50% de réussite ces dernières années, soit en deçà des objectifs fixés par la Loi d’orientation». Pour expliquer ces dysfonctionnements, le document cite, entre autres, la surcharge d’élèves dans les classes, le déficit en qualification professionnelle des enseignants, la quasi désaffection de l’option d’orientation scientifique -et surtout technologique-chez les parents et les élèves, la désorganisation du temps scolaire (en principe, 36 semaines d’enseignement au minimum) induite par les grèves successives et l’allègement des programmes scolaires.
Il cite, dans le même ordre d’idées, la pratique «anti-pédagogique» du seuil des programmes (âtaba) dans le secondaire, et ce, pendant 7 années consécutives (2008-2015), conduisant à «la suppression de concepts et de savoirs structurants de certaines disciplines scolaires : physique, maths, philosophie, et qui sont d’indispensables prérequis pour poursuivre des études dans l’enseignement supérieur».
Situant la genèse de ce processus de redéploiement du système scolaire, le document rappelle qu’une Commission nationale de la réforme du système éducatif (CNRSE) a été installée en 2000, avec une lettre de mission du président de la République à ses 150 membres. Il rappelle, également, la promulgation, en janvier 2008, de la Loi d’orientation sur l’Education nationale. Cette Loi précise les missions de l’école en matière de valeurs : affirmation de la personnalité algérienne et consolidation de l’unité de la nation par la promotion et la préservation des valeurs en rapport avec l’islamité, l’arabité et l’amazighité, la formation à la citoyenneté et l’ouverture et l’intégration au mouvement universel de progrès.
Evoquant les acquis de la réforme, le document cite, entre autres, un taux de scolarisation des enfants âgés de 6 ans qui est passé à 98%, avoisinant les normes internationales, relevant qu’en 2014, le secteur de l’éducation représentait 16% du budget national, ce qui le place en deuxième position des priorités budgétaires après la défense nationale. Cependant, force est de constater, est-il observé dans le document, que le système scolaire «peine à s’adapter aux normes internationales en termes de management pédagogique et administratif». Cela peut s’expliquer, en partie, par une «crise de croissance caractérisée» : reprise du taux de natalité dès 2005, un rythme intensif, certes, mais encore insuffisant de réalisation d’infrastructures scolaires et augmentation importante du nombre des personnels, particulièrement les enseignants.
Réforme de l’école : trois défis à relever
Sur la base de ce constat, le document mentionne trois défis à relever. Le premier est celui de la refonte pédagogique, «clef de voûte de la réforme, parce qu’elle s’adresse au niveau micro de l’amélioration du fonctionnement de l’école ».
Cette refonte confère, d’abord, une «portée axiologique importante» au recadrage stratégique sur la dimension nationale dans les curriculums et manuels scolaires, impliquant une mise en conformité des contenus d’enseignement avec la Loi d’orientation sur l’éducation nationale.
«Au plan éducatif, il s’agit de faire prendre conscience de l’appartenance à une identité historique collective, commune et unique consacrée officiellement par la nationalité algérienne», énonce cette loi. D’autre part, la refonte pédagogique tend à rompre avec la méthode de transmission des connaissances par l’enseignant et à leur exclusive restitution par l’élève (mémorisation/restitution), une pratique qui «étouffe l’éveil de l’intelligence chez l’élève» et devant laisser place à de nouveaux comportements, notamment «une participation active de l’élève qui contribue ainsi à son propre apprentissage».
Le 2e défi à relever est celui de la bonne gouvernance. A cet effet, le document relève la densité du système scolaire algérien, soit des effectifs de plus de 8 millions d’élèves et 700 000 fonctionnaires, d’où la nécessité «d’instituer des mécanismes d’autorégulation et de promouvoir de manière constante le dialogue et la concertation au sein de la communauté éducative». C’est dans cet esprit que les partenaires sociaux ont adhéré à une charte d’éthique du secteur de l’éducation pour la stabilité du secteur. «C’est par le respect de l’éthique que se réalisent les conditions préalables à la réussite de la réforme : stabilité, confiance et sérénité», souligne le document.
Le ministère note, par ailleurs, que la modernisation de la gestion du secteur implique l’emploi intelligent des technologies de l’information et de la communication (TIC) qui peuvent apporter une «plus-value en temps et en efficacité».
Le troisième défi porte sur la professionnalisation des personnels par la formation. Il question, à cet égard, de réviser les cahiers des charges des Ecoles normales supérieures (ENS) pour les adapter aux réels besoins du futur enseignant et de le former sur le plan académique et de l’outiller dans des domaines importants tels que la psychopédagogie, la pédagogie pratique, la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, etc.
R. N.
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