Un toit pour Bachir
Par Lina S. – Bachir a eu un AVC dans la nuit alors qu’il dormait dans un réduit asphyxiant sous l’escalier d’une bâtisse Place du 1er-Mai, à Alger. Mais ce n’est pas le manque d’oxygène qui a failli l’emporter dans son sommeil. Travaillant loin de son épouse et de ses deux enfants qu’il a laissés à Jijel et pour lesquels il se sacrifie pour leur assurer le minimum vital, il avait fermé l’œil sur une nouvelle frustration.
Avant de se rendre dans sa chambre de fortune, il regardait les informations qui relayaient en boucle les déclarations triomphalistes du ministre de l’Habitat annonçant avec fracas la distribution de 50 000 nouveaux logements. Bachir en est à son quatrième, cinquième ou énième dossier, tous les précédents ayant été «égarés» par l’administration à Jijel.
Bachir voit les logements lui filer sous le nez à chaque distribution surmédiatisée depuis de longues années. Il ne comprend pas comment des cités entières, à Jijel, sont noires de monde l’été et deviennent fantomatiques les neuf autres mois de l’année. Il ne comprend pas pourquoi, lui, l’enfant de Jijel, dont les enfants, brillants élèves qui cumulent les meilleures notes à l’école, ne puisse pas bénéficier de ce que l’Etat appelle un «droit». Un droit pour l’obtention duquel ce père de famille exemplaire n’arrive pas à se frayer un chemin au milieu d’une mafia aux bras longs qui détourne les logements au profit d’indus attributaires.
Hier, il l’a échappé belle. Au dénuement a failli s’ajouter la disparition d’un père qui se bat comme un lion, supportant l’avanie, l’éloignement, la privation pour nourrir ses enfants dont il est en train de faire des cadres exemplaires pour l’Algérie de demain avec un maigre salaire, une volonté de fer et un patriotisme qui résiste à toutes les injustices, armé d’un courage inouï.
Bachir, nous sommes de tout cœur avec toi.
L. S.
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