Marché de dupes
Par Sadek Sahraoui – Certains médias ont saisi l’opportunité du passage du directeur général de la prévision et des politiques au ministère des Finances, dans une émission de la Radio nationale, destinée à faire le point sur la situation financière du pays, pour remettre sur le tapis la question des transferts sociaux de l’Etat et des subventions.
Croyant certainement bien faire, des journalistes n’ont donc pas hésité, à l’occasion, à reprendre en chœur une vieille revendication de certains milieux d’affaires défendant l’idée que le salut de l’Algérie et de son économie se trouverait dans la suppression des subventions. Une certaine presse, à force de ressasser cette litanie, a d’ailleurs fini par convaincre une partie de l’opinion que les problèmes du pays découlent effectivement de la trop grande générosité de l’Etat vis-à-vis de la population. En contrepartie de la mise à mort de l’Etat providence et de l’abandon de la politique de soutien des prix, elle préconise de dédommager les couches vulnérables, en leur octroyant une sorte de compensation financière ou, à la limite, des bons d’achat comme cela se fait dans certains pays pauvres. Le procédé, soutient-on, permettrait de faire gagner au Trésor public 3 à 4 milliards de dollars chaque année.
Quatre milliards de dollars suffiront-ils vraiment à réduire notre déficit budgétaire ? Permettront-ils à l’économie algérienne de rattraper celle de la Corée du Sud qui a exporté en 2018 pour 600 milliards de dollars de marchandises ? Assurément non. Et puis, mettre sur la table la question de la suppression des subventions et, donc, celle d’un retour à la réalité des prix doit impliquer automatiquement que soit posée aussi la problématique des salaires des Algériens. Des salaires qui se trouvent être les plus bas du Maghreb.
Ne pas le faire serait injuste d’autant qu’il y a déjà une injustice face à l’impôt à la base. En fait, la solution que préconisent les partisans de la suppression des subventions est un marché de dupes doublé d’un faux débat. Heureusement que les autorités ont décidé d’y réfléchir à deux fois avant d’ouvrir le dossier des transferts sociaux.
En réalité, la solution ne consiste pas, au nom de la rationalisation des dépenses, à appauvrir les Algériens. Il faut plutôt penser à leur offrir les moyens de créer davantage de richesses. Il est certain que cela une fois fait, les 4 milliards de dollars dont il est question aujourd’hui donneront l’impression d’être une broutille. Et c’est ce qu’ils sont réellement, surtout pour un peuple qui a pendant longtemps manqué de tout.
S. S.
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