Macron blinde sa démocratie tyrannique avec un débat national caporalisé
Par Mesloub Khider – S’il fallait une preuve sur la nature foncièrement fallacieuse et élitiste de la démocratie bourgeoise, elle nous est administrée par les récents événements initiés par le mouvement des Gilets jaunes. Et corrélativement par les manipulations machiavéliques du gouvernement de Macron.
Depuis le début novembre 2018, à la suite de la décision du gouvernement Macron d’instaurer la taxe sur le carburant, une majorité de la population française a décidé d’entrer dans la résistance. Pour protester contre la promulgation des multiples taxes prévue pour le 1er janvier 2019, de nombreux citoyens ont revêtu un gilet jaune, cet accessoire obligatoire de sécurité, en signe de ralliement contre la politique fiscale du pouvoir de Macron. Au départ, le mouvement agglomérait un collectif d’automobilistes mécontents. En effet, l’initiative n’avait aucun caractère politique. Mais au fur et à mesure de l’évolution de la protestation, le mouvement a pris une dimension sociale et politique contestataire protéiforme manifeste. Voire subversive, insurrectionnelle.
Graduellement, à la contestation contre la taxe sur le carburant est venue se greffer d’autres revendications inattendues. En l’espace de quelques jours, la protestation s’est amplifiée, massifiée. Notamment par l’occupation de centaines de ronds-points et de multiples axes routiers aux fins de bloquer l’économie pour faire plier le gouvernement Macron. Subséquemment, des ronds-points provinciaux, la contestation s’est étendue à la capitale par la programmation de manifestations permanentes organisées chaque samedi.
Dès les premières manifestations, le mouvement des Gilets jaunes a subi une épouvantable et sanglante répression. Bilan : des milliers de manifestants arrêtés, des centaines traduits en justice, certains d’office emprisonnés, des milliers de personnes blessées, une centaine gravement estropiée.
Pour apaiser la tension sociale, le président Macron est intervenu à la télévision pour annoncer quelques mesurettes à destination de la frange précarisée française et un moratoire sur les taxes censées entrer en application le 1er janvier 2019. Néanmoins, le mouvement des Gilets jaunes maintient sa contestation, sa pression. En dépit de la répression et de la manipulation médiatique, le mouvement ne faiblit pas.
Au reste, après deux mois de lutte, aucune des principales revendications des Gilets jaunes n’a été satisfaite.
En revanche, les deux institutions répressive et politique de l’Etat, les forces de l’ordre et les représentants municipaux, ont vu leur prestige rehaussé. Les premiers ont obtenu une substantielle augmentation de leurs émoluments. Les seconds ont vu leurs pouvoirs honorifiques redorés par la grâce présidentielle.
Au final, après deux mois de protestation amorcée par le mouvement des Gilet jaunes, les deux instances triomphantes au cours de cette révolte sociale sont les policiers et les maires.
Aujourd’hui, Macron, pour étouffer la contestation, a institué un «débat national». Cette initiative consultative est la plus importante imposture de l’histoire. En effet, toute la classe dirigeante française s’enorgueillit de cette consultation «démocratique». Mais, à bien observer objectivement le déroulement réel de ce «débat national» ébauché à la hâte par le pouvoir, on relève qu’il s’agit d’une véritable mystification politique.
En fait de débat national avec les citoyens, on assiste plutôt à des rencontres mondaines entre mandarins du pouvoir. Entre les grands marquis gouvernementaux et les petits barons municipaux.
Ces mondanités officielles sont organisées sans la participation du peuple, tenu violemment à distance par les forces répressives étatiques.
Pourtant, c’est le peuple jaune en révolte qui réclamait la convocation d’une consultation citoyenne pour débattre de ses multiples revendications sociales, économique et politique. Macron, au lieu d’accéder à la requête légitime du peuple par l’ouverture d’un débat démocratique réunissant le peuple «jaune», il a subrepticement court-circuité l’initiative du peuple. Il l’a souverainement ignorée.
In fine, au lieu de débattre directement avec le peuple à l’origine de la revendication consultative, Macron a convoqué les maires pour les inviter à participer au débat national. Or, les maires n’ont jamais rien réclamé. Encore moins ils n’ont exprimé la moindre revendication sociale, économique et politique pour le peuple. Des décennies durant, ces nobliaux ont régné dans leur circonscription sans se préoccuper des conditions socio-économiques de leurs administrés. De même, le pouvoir a toujours méprisé ces officiers municipaux. Du reste, lors du dernier congrès des maires, Macron les a gratifiés de son souverain dédain par son absence à leur kermesse communale. Mais, rebondissement tactique majeur, aujourd’hui, il tente de ressusciter leurs pouvoirs honorifiques par l’organisation de ce débat national inoffensif.
Dans le cadre de son débat national organisé dans son royaume, en grand «démocrate», Macron se déplace secrètement, escorté par une armada de forces de l’ordre chargées de maintenir à distance le peuple, dans certaines communes désignées pour accueillir les cénacles des notabilités politiques. Dans ces coteries mondaines, le roi Macron règne souverainement sur ses suzerains municipaux. Ses paroles sont religieusement écoutées. Ses discours sont servilement acclamés. Aucune note discordante dans ce concert politique symphoniquement bien orchestré par le grand amateur de flûte, Macron, ce joueur de pipeau.
Ainsi, Macron proclame organiser le plus grand «débat national» dans le cadre de la démocratie participative. Comment peut-il mentir avec autant d’aplomb, de manière éhontée. Peut-on parler de débat national quand le peuple est absent de la consultation, banni des discussions ? Quand le peuple est maintenu militairement à distance des assemblées consultatives exclusivement réservées aux sommités politiques ? Quand le peuple est souverainement méprisé par ces bandits municipaux et gouvernementaux ? Quand les questions débattues sont éloignées des préoccupations et revendications du peuple ? Quand le débat est verrouillé, cadenassé ? Quand ce débat national intervient dans un climat répressif policier extraordinairement sanglant ?
De fait, avec cette imposture de débat national imposé par le pouvoir aux maires, cela revient à jouer un match de football sur un terrain de tennis, avec des équipes constituées de tennisman, avec les règles de jeu inhérentes au tennis. Nous sommes là en présence d’une confusion des rôles, d’une incohérence organisationnelle délibérément troublante, d’un brouillamini compétitif volontairement combiné, d’une machination sciemment ourdie.
En effet, le peuple exigeait de coordonner et d’organiser ses revendications dans le cadre d’une structuration populaire, au sein d’une collectivité citoyenne innovante, sous le contrôle d’une instance dirigeante élue et révocable. Mais le pouvoir lui confisque cette initiative par l’imposition d’un débat national élitiste diligenté et régenté par la caste gouvernementale et municipale. Par ce captieux débat national, la classe dirigeante française impose son univers mandarinal politicien dominant, dicte ses règles d’organisation. Notamment par la prescription de quatre thèmes fixés à cette supercherie consultative : 1. la transition écologique ; 2. les fractures sociale et territoriale ; 3. le pouvoir d’achat, les conditions de vie, la justice fiscale ; 4. la participation citoyenne.
Par conséquent, elle dépossède le peuple de son pouvoir embryonnaire politique décisionnel et de ses massives revendications authentiquement sociales, économiques et politiques.
A l’évidence, si débat national authentique il doit y avoir, c’est au peuple de l’organiser, sur son espace politique populaire, avec ses réglementations distinctives horizontalement démocratiques, dans le cadre exclusif de ses propres revendications politiques. Car, initialement, ni le gouvernement Macron ni les maires n’ont jamais inscrit dans leur programme politique une telle résolution démocratique. Macron n’a pas été propulsé au sommet de l’Etat pour accorder davantage de pouvoir au peuple par l’instauration d’une démocratie participative. C’est tout le contraire.
C’est le peuple jaune en révolte qui a impulsé une telle proposition originale. Aujourd’hui, par l’action concertée machiavélique du pouvoir, le peuple est dessaisi de son projet. Expulsé du débat national. Militairement banni des centres urbains où se déroulent ces fallacieuses consultations. Férocement réprimé lors de ses diverses manifestations et protestations contre cette pantalonnade consultative.
Quoi qu’il en soit, drôle de «débat national démocratique» où son promoteur présidentiel se déplace escorté par des escadrons constitués de milliers de gendarmes et de policiers. Où il ne rencontre jamais le peuple. Où sa mission se cantonne à pontifier dans ces conclaves municipaux avec des maires triés sur le volet. Sur des questions sélectionnées préalablement par le roi Macron.
Au demeurant, lors de ces consultations macroniennes effectuées dans des communes désignées pour organiser le débat national, le peuple est cantonné à l’écart de ces palaces de bavardage bunkérisés. Qui plus est, des barrages sont dressés à 10 km à la ronde pour éviter tout contact avilissant entre le roi Macron et «son» peuple. Les contrôles d’identité sont systématiquement opérés.
A l’évidence, ce «débat national» s’apparente davantage à une démonstration de force, à une opération militaire en vue de rétablir l’ordre vacillant, pilotée par le chef d’état-major Macron, qu’à une «consultation citoyenne». Sous couvert de débat national, Macron tente de régénérer l’union nationale. Après la nation sabrée, l’heure est à l’union sacrée. Même Goebbels, ministre de propagande d’Hitler, n’aurait pas osé une telle imposture. Une telle manipulation politique.
A la vérité, comment le peuple pourrait-il envisager participer à la supercherie d’un débat national taillé sur mesure pour le roi Macron ? Débat national actionné par la classe dirigeante arrogante française cornaquée par le nouveau despote de l’Elysée. Débat national animé par d’impuissants vassaux municipaux et de serviles députés stipendies. De surcroît, couvert par des chaînes d’information enchaînées au pouvoir, déchaînées contre le mouvement des Gilets jaunes.
Comment le peuple pourrait-il envisager dialoguer avec un gouvernement coupable de répressions sanglantes, d’arrestations massives de manifestants, de l’emprisonnement de centaines d’entre eux ? Avec un régime inféodé aux puissances financières ? Avec un président résolu à démanteler le système de protection sociale, à anéantir les services publics, à pulvériser le code du travail, à alourdir les taxes ? Un président déterminé à maintenir le cap de sa politique capitaliste ? Même au prix du naufrage social de tout le peuple.
Un président qui, depuis le début du mouvement, a ignoré et méprisé les Gilets jaunes, mais s’apprête à accueillir au château de Versailles ses frères de classe, les grands patrons du monde, dans le cadre de la deuxième édition du sommet Choose France. Aussi, Macron va-t-il leur donner «des gages» sur le fait que le cap ne changera pas à l’issue du grand débat national, en dépit de la gronde sociale.
De fait, entre le peuple et la classe dirigeante, nous sommes en présence de deux logiques (politiques) antinomiques. Autrement dit, de deux projets politiques radicalement opposés. Plus clairement encore, de deux classes aux intérêts radicalement antagoniques.
M. K.
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