Le peuple insulté
Par M. Aït Amara – Depuis le début des manifestations pacifiques contre le cinquième mandat, des analystes d’ici et de là-bas affirment que le peuple algérien a «brisé le mur de la peur» pour faire entendre son opposition à la persistance du président Bouteflika à vouloir se maintneir au pouvoir.
Accuser les Algériens de s’être abstenus d’occuper la rue parce qu’ils auraient eu peur est une double ignominie à l’égard du peuple lui-même et des membres des services de sécurité, eux aussi issus du peuple. L’insinuation est sournoise, car elle laisserait entendre que l’Algérien serait un citoyen docile et que sa police serait un instrument malléable à merci entre les mains du plus fort. Ces «analystes» effacent d’un revers de main et de façon malintentionnée sa lutte acharnée et ininterrompue pour le recouvrement de ses droits dès le lendemain de l’indépendance chèrement acquise jusqu’à ce jour. De l’été de la discorde aux manifestations contre le cinquième mandat, en passant par Octobre 1988 et le Printemps amazigh, les Algériens se sont toujours révoltés contre ce qui leur a paru être injuste.
Comment un peuple qui a affronté vaillamment et seul une décennie noire marquée par des massacres épouvantables commis par des hordes sauvages à la solde d’officines étrangères peut-il avoir peur de quelque autre menace ? C’est armé de sa patience légendaire que le peuple a pris sur lui de supporter les errements et les erreurs des pouvoirs successifs, préférant tourner le dos au dévoiement politique que de l’affronter pour éviter au pays de plonger dans l’inconnu.
Non, le peuple algérien n’a pas «brisé le mur de la peur» car ce mur n’a jamais existé chez lui depuis nos ancêtres touareg dont les gravures sur les roches du désert, traces indélébiles, jusqu’aux manifestations de ces derniers jours. Il ne s’est jamais plié à un quelconque diktat, et son silence ne peut être interprété autrement que comme un sang-froid et un stoïcisme doublés de sagesse et de retenue.
Ce serait insulter son courage légendaire et son intelligence transcendante que de dire le contraire.
M. A.-A.
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