Coup d’éclat pathétique ou coup d’Etat politique ?
Par Mesloub Khider – D’aucuns affirment que le pouvoir, face à la contestation populaire de la rue, a reculé. Certes il a reculé, mais juste la date de sa fin qu’il tient à pérenniser à tout prix, pour continuer à siphonner les derniers deniers publics «claniquement» privatisés.
Ainsi, par un tour de prestidigitation pathologiquement pathétique, le régime opaque caporalisé a procédé subrepticement à un coup d’Etat politique déguisé en coup d’éclat pathétique, poétique, annoncé par une missive rédigée dans un style littéraire où l’envolée lyrique le dispute aux épanchements intimes cliniques ; les effusions personnelles le disputent aux confusions politiques. De l’aveu de Bouteflika, il n’a jamais songé se présenter à sa propre succession. Succéder à sa présente propre personne. Sa probité intellectuelle plaide pour sa gouverne, étant entendu que sa gouvernance préside avec probité morale.
D’autant que, eu égard à son état fragile, il n’a plus, selon ses aveux, la capacité physique de diriger son Etat tout aussi fragilisé. Pour preuve de son honnêteté intellectuelle, il déclare, dans son émouvante lettre larmoyante de vérité morale et de virilité politique, avoir décidé ne pas candidater à la magistrature suprême et d’annuler la prochaine élection présidentielle. Par cet aveu de son incapacité médicale à briguer un cinquième mandat, lors de l’élection prévue initialement le 18 avril prochain, Bouteflika confesse ainsi ne plus être en mesure de remplir dès lors ses fonctions présidentielles à compter de cette date. La logique voudrait qu’il se démette de ses fonctions, en raison justement de son état de santé.
Mais, avec ce régime, la logique perd sa raison. Mais pas la raison d’Etat.
Ainsi, en démocrate fièrement assumé, Bouteflika vient de prendre la résolution la plus arrangeante, la moins dérangeant, pour le régime. En républicain patenté, Bouteflika n’a jamais été tenté par la monarchie. Juste par l’accommodation de la Constitution pour «monarchiser» sa présidence républicaine. Aujourd’hui, pour pérenniser sa monarchie républicaine ou sa république monarchique, il décrète surseoir sine die l’élection présidentielle pour mieux assoir définitivement sa présidence. C’est ce qui s’appelle, dans la logique bouteflikienne kafkaïenne, s’assoir sur le pouvoir du peuple, s’assoir sur les revendications du peuple. C’est ce qui s’appelle aussi siéger à vie sur son fauteuil monarchique présidentiel. Présider «monarchiquement» sans lever un jour le siège du pouvoir.
En attendant cette arlésienne élection présidentielle, le peuple peut toujours continuer à valser dans la rue. Le pouvoir n’est pas près de se faire valser. Le peuple peut continuer à chanter poétiquement à tue-tête. Le régime n’est pas près de se laisser tuer politiquement la tête de son pouvoir.
Le peuple peut continuer à peupler la rue de son pouvoir de protestation. Il n’est pas près de peupler le pouvoir par sa domination. A moins que le peuple se résolve à ruer dans les brancards, pour mettre définitivement ce pouvoir au rancart.
M. K.
Ndlr : les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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