L’armée italienne s’apprête à déployer une «mission militaire» en Tunisie
De Rome, Mourad Rouighi – Depuis son apparition sur la scène politique italienne, le Mouvement des 5 étoiles s’est fait par ses éléments de langage le porte-voix d’une opposition nette aux fondements idéologiques et philosophiques de la démocratisation des peuples par voie militaire.
La guerre en Libye, qui a été imaginée par les tenants d’une forme de messianisme démocratique doublée d’une attention aussi intéressée qu’obsessionnelle pour la région Mena, a eu pour effet, selon les dirigeants de ce parti, et dont est issu le président du Conseil, Giuseppe Conte, d’incendier la région, de la déstabiliser pour les années à venir et de stopper nets son intégration économique, son essor social et son développement humain.
D’autres, moins liés par les contraintes de la fonction, dénoncent souvent l’action nocive de pyromanes-pompiers qui, sous couvert de tropisme démocratique et mus par des égos démesurés, continuent d’essaimer mort et destruction aux quatre coins du globe.
C’est donc partant de ces idées, constitutives de sa formation politique, que la ministre de la Défense, Elisabetta Trenta, elle aussi membre des 5 étoiles, est revenue sur les dégâts causés par la guerre en Libye, en fustigeant ceux qui n’ont pas voulu écouter les mises en garde des sages d’Europe.
Et c’est au terme d’une semaine dense en événements et, notamment, de l’attentat de Tunis, la recrudescence de la question des migrants et l’aggravation de la situation à Tripoli que la ministre italienne a voulu, le temps d’un point de presse improvisé au Centre des hautes études de défense, tracer les contours de la stratégie de son pays sur des questions aussi stratégiques que la sécurité en Méditerranée, la lutte contre le terrorisme et la gestion du dossier des migrants, par ailleurs toutes liées à l’après-guerre en Libye.
Et surprenant son auditoire, la ministre a d’emblée envisagé l’installation d’une mission militaire italienne en Tunisie et de déplacer des troupes dans le sud du pays pour mieux sécuriser cette parcelle de la Méditerranée.
«Il est clair que la menace nous vient aujourd’hui du sud (de la Méditerranée, ndlr), nous devons donc transférer troupes et moyens pour épauler les forces militaires tunisiennes, tant face au terrorisme que pour endiguer la déferlante des migrants», a-t-elle déclaré.
«La géopolitique a beaucoup évolué ces dernières années et continuer d’aligner nos troupes au nord comme si de rien n’était, de crainte d’une agression venant de l’est, n’a plus aucun sens. Le danger doit être compris, analysé et affronté, notamment par l’envoi d’une mission militaire en Tunisie», a-t-elle ajouté.
De même, sur son compte Facebook, Elisabetta Trenta a voulu préciser que depuis des semaines, le gouvernement italien travaille en étroite collaboration avec de hauts représentants des gouvernements du Maghreb pour lancer des projets de coopération et de support avec les forces armées et de police de ces pays.
«Plus particulièrement en Tunisie, bientôt nous aurons une mission militaire italienne opérationnelle, où seront engagées nos troupes côte à côte avec les forces armées tunisiennes», a indiqué la ministre italienne.
Une annonce qui est loin d’avoir surpris les experts à Rome, qui estiment que ce pays est plus nécessiteux que d’autres d’une aide logistique urgente et, notamment, au niveau de la sécurisation aérienne de son territoire.
Cela dit, une nouvelle approche, celle de l’Italie, probablement concertée au préalable au sein de l’Otan, qui participe de la nécessité de fournir à la Tunisie l’assistance militaire requise pour parer au risque de voir ce pays sombrer face aux multiples défis auxquels il devra faire face. Les 73 kilomètres qui séparent l’île italienne de Pantelleria de la ville tunisienne du Cap Bon expliquant et justifiant le reste.
M. R.
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