De l’être en résine à l’homme résigné
Par Mesloub Khider – Nos véritables ennemis sont embusqués derrière notre propre conscience mécaniquement programmée à nuire à notre authentique être. Les premières Bastille à abattre sont enfouies en nous.
On croit l’humain fait de chair et d’os. Mais, en vérité, à voir sa posture toute de soumission, son élastique inclination politique, sa malléable mentalité, sa plastique docilité, sa flexibilité économique, sa façonnable psychologie, sa ductile personnalité, on comprend vite que l’homme est fabriqué à base de résine. Cette matière très fluide et visqueuse, utilisée pour la fabrication de divers produits, est réputée pour sa plasticité, sa malléabilité, sa manipulation.
Cet homme en résine se résigne à toutes les résignations. Ainsi réduit à une matière malléable à souhait, l’homme a fini par se confondre avec la résignation, cette prédisposition au fatalisme, au fondamentalisme oblatif, à l’intégrisme de la prosternation, à la religion des soumissions, au culte des allégeances, au fétichisme de l’obéissance.
Décharné de son humanité, l’homme moderne s’est réincarné en cette matière visqueuse de la résignation se pliant à toutes les autorités, ces entités vicieuses capables de toutes les atrocités, gouvernant avec une démoniaque perversité.
Maintenu dans les ténèbres de l’ignorance de son humanité, l’homme est devenu la proie de la servitude volontaire. Il s’est intronisé esclave de sa soumission. Couronné maître de son esclavage. Elu Dieu de sa résignation. Sa personnalité se confond avec la résignation. Il a déifié la résignation. Il est à la fois le créateur et la créature de la résignation. De la soumission. Le prophète de la religion de la résignation. De la soumission.
Il a fini par s’aveugler. Du moins sa cécité ne s’applique que sur sa personne, ses intérêts, ses droits, ses besoins, obscurcis et obstrués par sa résignation, perçus avec le regard programmé de «son» Etat, la vue mystifiée de son éducation, les jumelles idéologiques de ses ennemis étatiques et patronaux.
Ainsi, à force de résignation, cet homme est devenu aveugle. Pour guider sa vie, il est contraint de s’aider des lunettes idéologiques de ceux qui décident à sa place. De se munir de la canne prescriptive de ceux-ci pour s’orienter dans les dédales de sa vie précarisée, les méandres de son existence mortuaire. Cette canne normative lui sert de guide. Ou, plutôt, c’est elle qui le mène comme bon lui semble, dans les directions balisées par les maîtres d’œuvre de l’idéologie dominante, les architectes du capital, les détenteurs du pouvoir.
Son horizon est tracé depuis le berceau jusqu’à la tombe. Pour notre homme en résine pétri de résignation, il ne conçoit pas d’autres voies à son existence, une autre alternative à sa vie. Point de salut en dehors des sentiers battus, pour notre homme humainement abattu. Cette homme résigné à qui on a planté des panneaux indicateurs dans le cerveau pour qu’il ne dévie pas de voie existentielle, n’emprunte pas d’autres chemins de la vie, ne bifurque pas vers des horizons débarrassés des codes de conduite édictés et dictés par la police de la pensée, cette force servante de l’ordre établi, des conventions sociales, des normes dominantes.
Pas question de changer de direction. D’emprunter les chemins du salut. D’orienter sa vie selon ses besoins. Les réflexes de la résignation ont creusé leurs sillons dans son comportement asservi. La routine de la réglementaire conduite résignée poursuit sa route dans son cerveau lobotomisé. L’habitude de la servile attitude ne connaît pas de lassitude, en dépit de la platitude existentielle de notre homme résigné, cet être résigné tout désigné à se complaire dans sa morne vie.
Sa vie est un éternel stationnement sur la même place de vie de parking, enfoui dans les sous-sols de l’existence réfractaire à la lumière du soleil de la vie, rétive aux immensités de l’espace politique libre, aux grandes entreprises sociales égalitaires, aux grandes évasions émancipatrices humaines, aux salvatrices délivrances collectives.
M. K.
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