Slogans contre laïus
Par Karim B. – Les slogans pertinents et percutants scandés par les étudiants les mardis et l’ensemble des citoyens les vendredis sont des réponses intelligentes aux sermons redondants et menaçants prononcés par le chef d’état-major à l’intérieur d’une caserne. Leur contenu révèle le fossé qui sépare un peuple à l’avant-garde de la lutte pour ce qu’il considère être le recouvrement d’une indépendance confisquée depuis 1962 et un régime obtus et arrogant qui se croit investi d’une mission divine au point d’accaparer les commandes du pays ad vitam ad æternam.
Devant des officiers en treillis, assidus, un calepin ouvert posé sur la tablette écritoire et un stylo à la main, Gaïd-Salah débite inlassablement ses mêmes évidences, en faisant changer les mots par des synonymes pour donner l’illusion d’une évolution dans l’esprit de ses hypnagogiques dissertations. Dans ses causeries, il n’y a pourtant rien à noter, rien à souligner, rien à retenir. Faites de mots creux, ses conversations sont un prêchi-prêcha qui, par son caractère récidivant, ont fini par exaspérer les citoyens.
Choix maladroit des mots, approche martiale, niveau de langue rudimentaire, le conciliabule de Gaïd-Salah s’effiloche à chaque fois devant la réponse cinglante des manifestants qui lui rétorquent qu’il parle dans le vide, quand bien même une poignée de chaînes de télévision aux ordres s’échinent à porter sa voix aphone hors de la forteresse qu’il veut ériger entre le peuple et son armée.
En face, le hirak redouble d’ingéniosité et de créativité, usant de formules inventives, mêlant sarcasme et bon sens, sagesse et fermeté, patience et détermination. Quelques mots, quelques traits concentrent toute une philosophie, tout un programme politique, tout un choix de société, le tout convergeant vers la même conviction : le système archaïque doit être éradiqué sans violence et le mouvement lancé il y a six mois se poursuivre stoïquement jusqu’au triomphe du droit.
K. B.
Comment (13)