Féminicide : concept idéologique de victimisation féministe
Par Mesloub Khider – «La perversion de la cité commence par la fraude des mots», (Platon). «Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté», (Confucius). La classe dominante, faute de révolutionner les forces productives atones pour nourrir l’humanité, transforme constamment sa sémantique pour alimenter le peuple en souffrance de termes euphémistiques censés moderniser la société, moyen lexical littéralement créatif pour tenter de perpétuer son système moribond. Ainsi, pour mystifier le peuple, elle fabrique à profusion de nouveaux termes pour doter la réalité effroyablement délabrée et vétuste d’un langage prétendument moderne. Cette novlangue a pour dessein de reconfigurer la même misère par l’esthétisation lexicale, de régénérer artificiellement la même réalité par les mots. Au lieu de soigner les maux elle préfère créer de nouveaux mots pour maquiller les maux. Cette chirurgie esthétique lexicale tente de redonner une nouvelle jeunesse à une réalité tailladée par les injustices sociales, entaillée par la lutte des classes.
Ce n’est pas le lieu ici d’inventorier l’ensemble des néologismes euphémistiques, souvent inventés pour atténuer ou mystifier une réalité effroyablement épouvantable. Pour détourner la réalité, contourner un problème, la classe dominante se paye de(s) mots. Elle préfère dire «croissance négative» pour éviter le terme de récession. Technicienne de surface au lieu de femme de ménage. Facteur se dit aujourd’hui préposé aux postes. L’aveugle, un non-voyant ; le sourd, un non-entendant ; un coiffeur, un visagiste capillaire ; un chômeur, un demandeur d’emploi. Le terme bourgeois a été banni du langage (car il fait sale. Effectivement, le bourgeois est moralement sale). Prolétaire est devenu une honte, une insulte (on avait «salaud de pauvre», on aura bientôt «canaille de prolétaire»).
Dernière lubie des lexicographes du sérail journalistique et universitaire féministe, sous l’effet de la féminisation de la modernité, l’invention du terme «féminicide», pour qualifier les assassinats de femmes par leurs conjoints. Camus a écrit que mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. Les mots ne sont jamais neutres, plus particulièrement de nos jours, avec la féminisation de la langue : les mots se sont mis à porter la culotte pour habiller la réalité de termes enrobés de connotations féministes. Ainsi, sous l’effet de l’efféminisation de la société, par la grâce d’une opération lexicale féministe, on est passé de la qualification de crime conjugal ou passionnel à l’appellation «féminicide».
Que désigne en vérité ce nouveau vocable ? Confectionné avec le mot femme et le suffixe «-cide» (du latin caedere, qui signifie tuer), ce néologisme désigne le meurtre d’une femme «en raison de son sexe». Ce mot féminicide ne figure pas dans tous les dictionnaires du fait de sa définition controversée. Au reste, en matière juridique, le concept n’existe pas en droit pénal. Le droit utilise le concept d’«homicide conjugal» pour caractériser ce type de crime, commis aussi bien par le conjoint ou la conjointe. En vérité, le vocable féminicide est une notion politique, idéologique. En effet, ce néologisme a été forgé à la faveur de l’invasion indécente de l’idéologie impérialiste féministe. Amorcée ces trente dernières années, cette entreprise de fabrication idéologique conceptuelle s’est appuyée sur une abondante littérature sociologique féministe. Pour légitimer l’usage du concept de «féminicide», des psychanalyses et des sociologues, intellectuellement émasculés et politiquement castrés, prétendent que les motivations profondes des meurtres commis par un homme ou une femme seraient diamétralement différentes. Comme le certifient doctement certains idéologues universitaires féministes : si «les hommes tuent pour garder les femmes, les femmes tuent pour se débarrasser des hommes. Il y aurait donc deux profils complémentaires de criminels passionnels : le macho féminicide et la femme battue qui tue. Dans l’enchaînement des faits, tout commence par la violence masculine…».
Indirectement, ces plumitifs féminisés perpétuent les stéréotypes de la femme faible, vulnérable, soumise, toujours victime de la violence masculine en raison de sa faiblesse congénitale (voire du fait de sa complaisante résignation à la violence endurée avec son masochiste acquiescement). Mais surtout, du fait de sa sensibilité infantile, elle serait incapable de commettre des violences (sic), encore moins de se muer en meurtrière sinon pour se défendre contre le méchant homme machiste. C’est une éternelle victime, que la société doit protéger, au même titre qu’un enfant. Dans notre société surprotégée, quand on parle de la femme, c’est toujours comme un être singulier, comme une personne infériorisée, distincte de l’homme. Ironie de l’histoire, le meilleur allié du patriarcat, c’est le féminisme.
Si le concept de féminicide existe depuis plusieurs décennies, il n’a pas la même acception idéologique propulsée par les féministes hystériques. Selon l’OMS, le féminicide est défini comme le meurtre d’une ou plusieurs femmes du fait de sa condition féminine. Dans l’optique criminologique de l’OMS, le concept inclut également les homicides commis par une femme sur une autre femme en raison de la qualité féminine de la victime. En l’espèce, le sens n’est pas restrictif. Contrairement à la définition tronquée des féministes doctrinaires, définition réélaborée dans les laboratoires médiatiques efféminés pour servir leur propagande victimaire
Aussi, selon l’acception objective de l’OMS, le féminicide se définirait comme un meurtre perpétré par tout homme misogyne et phallocrate qui voue une haine inexpiable aux femmes. On a affaire à une espèce de psychopathe mû par un instinct pathologique de massacrer la gente féminine. On est loin du pauvre conjoint qui, à la suite d’une annonce de rupture conjugale ou autre motif, par désespoir, commet l’irréparable : tuer sa femme (qu’il a aimée des années durant, comme il a aimé d’autres femmes). Contrairement aux assertions féministes pétries d’idéologie revancharde «masculinophobe», il s’agit en l’espèce d’un crime passionnel, qu’aux Etats-Unis on désigne sous l’appellation de violences domestiques (les hommes sont aussi victimes de cette violence).
Force est de constater que, dans une optique manichéenne où les femmes sont toujours des victimes et les hommes des oppresseurs, l’usage du terme féminicide est employé et encouragé par les féministes pour singulariser ces homicides. Selon ces féministes bourgeoises, parler de féminicide, c’est transformer un fait divers en fait social. Cette lecture «genrée» d’un homicide est une entreprise idéologique destinée à assigner un caractère social, de surcroît spécifiquement féminin, à un fait divers sociétal. Cette lecture genrée dégénérée est le complément de la conception dominante consistant à réduire les phénomènes sociaux et politiques éminemment humains à des faits divers insignifiants. De fait, par cette entreprise de manipulation idéologique féministe, on politise un fait divers mais on dépolitise un fait social. Voire on l’ignore.
La preuve : que des millions de femmes soient réduites à la misère, soient exploitées dans les entreprises, doivent élever durement seules leurs enfants, en d’autres termes qu’elles meurent à petit feu à cause du système capitaliste «prolétairicide» n’offusque aucunement ces féministes bourgeoises. Pour ces féministes, la cause de ces millions de femmes assassinées socialement ne mérite aucune attention, aucun combat. Pour les féministes, l’ennemi, c’est l’homme et non pas le capitalisme. C’est la raison pour laquelle le capital aime et protège les féministes.
Paradoxalement, par leur action d’«essentialiser» les meurtres des femmes, par leurs mobilisations exhortant les pouvoirs publics à protéger les femmes, à voter des lois spécifiques pour les femmes, elles perpétuent le schéma patriarcal qui infériorise et infantilise la femme. Par leur politique féministe essentialiste, elles détachent les femmes de leur communauté humaine universelle pour les assigner à des statuts particuliers inférieurs, réduites à une minorité à protéger. Ce féminisme bourgeois cultive une politique victimaire. En réalité, ce féminisme hystérique, favorisé par le capital, s’intègre dans le processus de désagrégation de la communauté humaine en de multiples segments : ethniques, religieux, communautaires, identitaires, dans le dessein de briser l’élément essentiel social, l’appartenance de classe. En lieu et place de la lutte des classes sont ainsi favorisés la lutte des races, les conflits de religions, la guerre des sexes, les tensions communautaires. Pour le grand profit du capital qui peut continuer à nous livrer sa guerre sociale en paix.
Loin de nous l’idée de nier l’explosion de la violence commise contre les femmes par leurs conjoints, en particulier la multiplication des assassinats des femmes ; il convient néanmoins de replacer cette violence et ces meurtres dans le contexte actuel du développement exponentiel de la violence protéiforme, générée par le système capitaliste en plein putréfaction (comment définir et qualifier ces meurtres de masse perpétrés fréquemment par des jeunes à peine pubères, dans la plus grande démocratie du monde, les Etats-Unis, mais aussi dans de nombreux pays civilisés occidentaux ?).
De manière générale, le meurtre d’une femme commis par son conjoint est souvent motivé par la jalousie ou la décision de rupture conjugale. Ainsi, la motivation première plonge ses racines dans la nuit des temps : la jalousie. La rupture conjugale initiée par la femme suscite également chez certains hommes une réaction de refus violent en raison de leur esprit de possessivité, vestige psychologique des anciennes sociétés archaïques patriarcales. Pour ces hommes, le sens de la propriété a toujours dominé leur relation avec la femme (ce phénomène est un reliquat des modes de production archaïques fondés sur la force physique qui disparaît peu à peu avec la robotisation-numérisation de la production). Mais ces deux facteurs millénaires n’expliquent pas la récurrence des actuels meurtres des femmes commis par leurs conjoints. De surcroît, il existe également de nombreux hommes assassinés par leurs épouses, mais minorés par les médias. Les homicides conjugaux remontent à l’origine de l’humanité.
Au reste, l’instinct meurtrier, rarement étudié ni évoqué, est bien ancré dans la psyché des êtres humains (ex-chasseurs). Instinct régulièrement réactivé sous l’effet de graves crises civilisationnelles ou lors des guerres, dans lesquelles le meurtre est officiellement légitimé. On l’oublie souvent : les périodes de guerres ou d’agitations-réactionnaires terroristes transforment l’homme et la femme en êtres sanguinaires, capables des pires barbaries (Daesh, décennie noire en Algérie). Au nom de quelle valeur humaine les meurtres commis lors des guerres sont-ils tolérés, légitimés, encouragés par les Etats, tandis que ces mêmes Etats, en période de «paix», condamnent fermement les mêmes personnes coupables de meurtres ? La violence étatique est légitimée en toute circonstance… car c’est sur cette violence que s’érige le pouvoir de la classe dominante, les rapports sociaux d’exploitation. Sans cette violence étatique légitime, aucune société de classe (autrement dit, aucune classe dominante) ne survivrait vingt-quatre heures.
Au reste, des études canadiennes récentes ont démontré que 80% des hommes et 60% des femmes ont déjà pensé au cours de leur existence à tuer quelqu’un. Toutefois, entre l’homme et la femme, la différence est purement temporelle : chez la femme son envie de meurtre ne dépasse jamais quelques secondes, tandis que chez l’homme elle dure des heures. Cette différence s’explique par la phylogenèse : l’homme a toujours été un prédateur-chasseur, c’était son occupation principale dans la famille, au sein de la tribu.
Comment expliquer ce fléau ? Les meurtres des femmes commis par leurs conjoints auraient-ils réellement augmenté ces dernières années ou serait-ce seulement l’effet de leur visibilité médiatique ? Quoi qu’il en soit, en cette période de crise économique et sociale profonde, les causes majeures de ces meurtres tiennent au développement de l’anomie générée par le capitalisme, à l’expansion des comportements déviants et immoraux (chaque individu isolé, endoctriné, est converti en narcissique potentiellement prédateur et criminel, plutôt qu’en fraternel camarade solidaire). Mais surtout à l’explosion de la misère sociale, à la désagrégation des statuts maritaux, à l’éclatement des liens familiaux, au délitement des valeurs morales, à l’expansion de la paupérisation. Les médias contaminés par l’idéologie féministe éludent cette variable sociologique : nombre de meurtriers sont au chômage. Or, sociologiquement, toute séparation conjugale induit une déchéance sociale et financière. Dans les situations de séparation problématique, ces deux facteurs concourent souvent à l’aggravation de la déstabilisation psychologique, favorisant ainsi la commission de l’homicide. Autre point important à souligner : la majorité des divorces sont demandés par les femmes. Cette initiative est perçue comme une trahison de la part du conjoint abandonné, particulièrement l’homme vulnérable imprégné de valeurs archaïques patriarcales. Pour lui, il s’agit d’un «coup de poignard dans le dos». Il se sent meurtri. Sa raison d’être (sa femme qu’il a déifiée) tue leur amour. Sa raison est aussi atteinte par ce coup mortel conjugal. Aussi, inéluctablement, décline-t-elle, dépérit-elle, s’altère-t-elle. Il vit la séparation comme un meurtre perpétré par sa conjointe. Dès lors, livré, dans sa brutale solitude, à ses démons intérieurs, il rumine la vengeance.
En outre, dans une société urbanisée aux liens sociaux totalement déficients, dominée par l’individualisme, la perte de son unique partenaire sociale (conjugale) assurant la préservation d’une relation humaine, provoque inévitablement des réactions de panique, de détresse, des sentiments abandonniques. La peur angoissante d’être réduit à la solitude, dans un univers violent tenaillé par l’adversité, le sentiment de déréliction, de honte sociale et d’échec conjugal, expliquent également le passage à l’acte meurtrier.
Qu’il soit clair : on tente d’expliquer et non de justifier ces barbares assassinats de femmes et, surtout, de bien identifier la source de cette déviance sociale car il n’est pas dans les projets de la nature humaine de s’autodétruire.
Par ailleurs, dans une société urbaine capitaliste individualiste, marquée par l’amenuisement des relations sociales, la complication de tisser des liens d’amitié et la difficulté de nouer une nouvelle relation conjugale, la perspective de cette solitude sociale et conjugale, doublée d’une misère sexuelle, est terriblement angoissante pour nombre d’hommes vulnérables confrontés à une rupture conjugale brutale. Sans omettre la dégradation de la situation financière provoquée par la séparation maritale, la rupture des liens avec leurs progénitures, vécue comme une amputation parentale, un déni de paternité. Tous ces facteurs anxiogènes participent à la dégradation psychologique de certains hommes vulnérables, à l’enchaînement pathologique et criminologique de la situation conjugale marquée par la rupture.
En tout état de cause, la question des homicides des femmes n’est pas un problème féminin (féministe) mais un dramatique problème de société (encore une fois, il n’est pas dans les projets de la nature humaine de s’autodétruire : le ver n’est pas enfoui dans la tête de l’homme mais tapi dans le giron de cette société capitaliste criminogène). Aussi les féministes ne contribuent-elles nullement, par leurs gesticulations stériles et leur combat sectaire, à féconder le débat, à sensibiliser l’ensemble des membres de la communauté humaine à cette cause sociale universelle. Mais plutôt à en brouiller le sens par leur sémantique tirée par les cheveux, tressée idéologiquement sur mesure par les féministes pour isoler la femme de l’homme, son compagnon égal et vice-versa.
M. K.
Comment (30)