Ruse électoraliste
Par Mrizek Sahraoui – A mesure qu’approche l’échéance des élections municipales, prévues le 15 mars prochain, et de la présidentielle devant se tenir en avril 2022, se dissipe le brouillard qui, d’ordinaire, entoure tous les scrutins en France. Progressivement, Emmanuel Macron met en place une stratégie visant à imposer une bipolarisation de la vie politique entre son parti, LaREM, et le Rassemblement national, le parti d’extrême droite.
Le contexte s’y prête : la gauche est en lambeaux et la droite se cherche un leader charismatique capable de mettre de l’ordre dans la chapelle, de redorer le blason terni par des responsables passés maîtres dans l’art de se servir au lieu de servir. Les Républicains sont aussi en campagne de (re)conquête des militants et des sympathisants tous partis se réfugier ailleurs en attendant des jours meilleurs ou la venue d’un nouveau messie. Les autres partis, excepté la France Insoumise, qui donne de la voix sans trop convaincre, ceux-là font partie du décor pour ne pas dire de l’histoire.
C’est donc le temps des manœuvres pour Macron qui vient de (re)sortir le sujet à valeur électoraliste ajoutée : «La reconquête républicaine et la lutte contre le séparatisme islamiste», (son) plan de lutte contre les communautarismes dévoilé mardi dernier dans un quartier populaire de Mulhouse, à vrai dire un clin d’œil à la droite dure tentée par l’aventure du Rassemblement bleu Marine.
Rejouer le scénario de 2017, qui avait vu Emmanuel Macron, un candidat anguillomeux sorti de nulle part, affronter avec succès Marine Le Pen, une candidate qui s’était révélée novice pour l’exercice, malgré plusieurs années de pratique politique aux côtés de son père, une telle situation donc offre, à première vue, une chance au Président sortant de rempiler.
En théorie seulement car, tout d’abord, nous ne sommes plus en 2017, année du sceptre de l’originalité, ensuite le Rassemblement national n’est pas forcément le Front, alors même que celui-ci a toujours gardé le logotype de la flamme bleu-blanc-rouge. De plus, si Marion Maréchal Le Pen, la nièce du patriarche largement plébiscitée, bien plus que sa tante, se mettait de la partie, les chances d’Emmanuel Macron s’en trouveraient de ce fait bien diminuées.
Comme les soucis viennent toujours en escadrille, disait Chirac, en Allemagne la ligne qui sépare le parti d’extrême droite et les partis de gouvernement vient d’être allègrement franchie après l’élection du président de la région de Thuringe (centre-est) grâce aux voix de l’AFD, Alternative pour l’Allemagne, une situation inédite depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans toute l’Europe, les partis d’extrême droite prospèrent à l’ombre d’une Union qui se meurt après que les Britanniques ont fait le choix de l’autarcie. Cerise sur le gâteau, la cote de popularité du Président français vient d’atteindre le seuil d’alerte de 76% d’opinions défavorables, selon les dernières estimations, des études à peine commentées par les éditorialistes, parangon de flagornerie, qui ont substitué à l’approche holistique de l’information l’argumentation propagandaire macroniste.
Il n’a sûrement pas échappé à Emmanuel Macron qu’à présent se joue en Europe une musique qui sonne plus comme une oraison funèbre aux partis traditionnels que l’Ode à la joie.
M. S.
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