L’échange avec Boumediene révélé par Valéry Giscard d’Estaing avant sa mort
Par Kamel M. – Valéry Giscard d’Estaing déclarait, en août 2019, que le président Houari Boumediene «n’a jamais été remplacé par quelqu’un de son envergure» depuis sa mort, en décembre 1978. S’exprimant dans un entretien accordé au neveu de François Mitterrand, Frédéric, et diffusé sur la chaîne parlementaire LCP, l’ancien Président français décédé mercredi soir à l’âge de 94 ans s’était remémoré un échange qu’il avait eu avec Boumediene alors que l’avion militaire qui le transportait survolait la Corse.
«Boumediene tombe malade et part se faire soigner à Moscou. Il faisait son trajet en avion militaire algérien et il revenait vers l’Algérie. Je ne sais pas pourquoi il avait fait un trajet qui le faisait passer au-dessus de la Corse, territoire français, dans un avion militaire qui ramène le Président Boumediene qui est malade et qui rentre chez lui. Il prend la route, la meilleure, et s’il doit traverser le territoire français, il le fait», avait expliqué Valéry Giscard d’Estaing qui avait dû faire face à une réaction hostile de ses collaborateurs, à l’époque, selon Frédéric Mitterrand. «Vous prenez la décision devant des gens un peu rechignés quand même parce que vous les en avez informés», avait-il commenté.
Et l’ancien Président de répondre par l’affirmative. «Oui, absolument. Alors, à ce moment-là, Boumediene m’envoie un message remarquable – qu’il y aurait dans les archives quelque part, je ne l’ai pas. D’habitude, on envoie des messages banals mais, là, c’était une lettre qu’il a écrite, un message extraordinairement chaleureux disant qu’il était très touché par mon geste que, d’ailleurs ceci voulait dire que nous allions pouvoir ouvrir un nouveau chapitre beaucoup plus positif dans les relations [franco-algériennes] et que, dès son arrivée à Alger, il s’y consacrerait», avait confié le prédécesseur de François Mitterrand. «La lettre était très émouvante et forte», avait-il commenté.
Frédéric Mitterrand avait décrit un Président Boumediene «différent des autres», qui «parlait peu français», «avait un physique austère» et «appartenait à la mouvance tiers-mondiste qui était très importante à l’époque». «On n’était pas dans ce discours des Français qui disaient que nous avons des relations privilégiées ou dans ce discours amer de certains dirigeants algériens qui s’exprimaient en français comme des Français, on était dans un autre univers, c’était donc difficile de l’apprivoiser», avait argué l’ancien ministre de la Culture.
«Non, au contraire», avait alors répondu Valéry Giscard d’Estaing, parce que, avait-il expliqué, «il y a avait moins le poids du passé, en fait». «J’ai l’impression que Boumediene s’était dit, au fond, ça se passe comme ça doit se passer ; c’est comme ça que ça doit se passer. C’est-à-dire deux hommes qui se respectent, qui savent qu’il y a des souvenirs naturellement difficiles, voire même très douloureux, mais deux hommes qui se respectent et qui se conduisent en conséquence. Il a y avait un rapport, je ne peux pas dire chaleureux, mais très correct. Et, au fond plutôt que l’hypocrisie de façon très générale, moi j’aime assez ce qui est correct», avait assuré l’ancien Président français qui était connu pour sa grande proximité avec le régime monarchique de Rabat.
K. M.
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