Monsieur Normalisation ami du Maroc : la face cachée de Meir Ben-Shabbat
Par Sabri Oukaci – Le 22 décembre 2020, le roi du Maroc, Mohammed VI, a donc reçu en son palais royal de Rabat Jared Kushner, le conseiller principal et gendre du président américain sortant, Donald Trump, ainsi que son assistant et représentant spécial pour les négociations internationales, Avrahm Berkowitz, et, enfin, Meir Ben-Shabbat, conseiller à la Sécurité nationale d’Israël.
Au cours de cette rencontre, à laquelle assistaient Adam Seth Boehler, PDG de la société de financement du développement international des Etats-Unis, Fouad Ali El-Himma, conseiller et ami d’enfance du roi, ainsi que Nasser Bourita, le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine, et des Marocains résidant à l’étranger, le roi s’est dit satisfait de la décision du Président américain sortant de reconnaître la marocanité du Sahara Occidental contre l’établissement par le Makhzen de relations officielles avec l’Etat d’Israël.
S’adressant à Meir Ben-Shabbat, dont les origines sont marocaines, le roi a souligné les liens particuliers avec la communauté juive marocaine, et notamment ses membres occupant des postes de responsabilité en Israël.
Pourtant, les sujets du royaume, joyeux d’entendre Meir Ben-Shabbat s’adresser à eux en arabe dialectal marocain, n’ont jamais été réellement informés de qui était véritablement ce haut fonctionnaire du Shin Bet, le redoutable service de sécurité intérieure israélien, en charge du contre-espionnage.
Avant d’être nommé conseiller à la Sécurité nationale, le 13 août 2017, par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et ainsi pouvoir superviser les accords de normalisation d’Israël avec les pays arabes, à savoir les Emirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc, Ben-Shabbat avait pour mission, pendant plus de 20 ans, de contrôler la bande de Gaza en Palestine occupée et combattre le mouvement de résistance palestinien Hamas.
Le Shin Bet s’est ainsi spécialisé dans l’assassinat de militants de la résistance palestinienne, recourant le plus souvent à des missions d’attentat à la bombe dans les centres de population palestiniens, qu’on a voulu vainement faire croire ciblés, réussissant ainsi à élever ces opérations au rang de politique gouvernementale.
Par ailleurs, c’est Meir Ben-Shabbat qui avait personnellement dirigé le Shin Bet à Gaza lors de l’opération militaire Plomb durci en 2008-2009, opération, rappelons-le, vivement dénoncée par l’opinion internationale au vu de l’armement israélien prohibé utilisé par Tsahal, mais surtout de par le nombre de victimes civiles parmi les Palestiniens, et qui avait dépassé 1 350 morts, dont plus de 410 enfants et 100 femmes, et plus de 5 200 blessés, sans oublier la crise grave humanitaire induite.
A la fin de l’année 2008, le quotidien israélien Haaretz avait expliqué que le lancement de cette opération avait été précédé d’une campagne de «désinformation» de la part de l’état-major israélien afin de «tromper et induire en erreur l’opinion publique» et qui «a pris le Hamas par surprise et a permis d’accroître de manière significative le nombre de ses victimes durant les bombardements». C’est Meir Ben-Shabbat qui a dirigé la direction cybernétique du Shin Bet ainsi que sa direction nationale spécialisée dans l’espionnage, le rendant responsable des virulentes campagnes de propagande et de déstabilisation antipalestinienne.
L’opinion publique marocaine ne le sait pas, mais si leur monarque a longuement plébiscité dans le palais royal de Rabat celui que les services israéliens identifient par la lettre M à cause des restrictions imposées par la censure militaire, c’est pour tenter de donner une certaine légitimité à Meir Ben-Shabbat, qui ne fait point l’unanimité au sein des hauts gradés des services de sécurité de son propre pays.
Alors que la mission du chef actuel du Shin Bet, Nadav Argaman, devrait arriver à échéance en mai 2021, de hauts fonctionnaires du Shin Bet, affectés par des fuites organisées, ont menacé de quitter l’agence si le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, devait nommer son ami, confident et conseiller à la Sécurité nationale, Meir Ben-Shabbat, nouveau directeur de l’agence !
«Si le Premier ministre Netanyahu nomme Meir Ben-Shabbat à la tête de l’agence, ce sera pour des raisons personnelles et non professionnelles», avait déclaré une source aux médias. «Ben-Shabbat n’est pas apte à diriger l’agence pour des raisons professionnelles. Si Ben-Shabbat est nommé à la tête de l’agence, nous démissionnerons.»
Une carrière finalement bien controversée et un parcours sujet à débat quant à ses responsabilités dans des actes criminels contre des citoyens palestiniens.
On se demande dès lors comment le roi Mohammed VI, président du Comité Al-Qods, crée par l’Organisation de la conférence islamique, peut expliquer à ses sujets comment il a pu imposer à son Premier ministre islamiste, Saâdeddine El-Othmani, de signer une feuille de route avec Meir Ben-Shabbat concernant… la stabilité dans le Moyen-Orient !
Il n’est pas sûr que la population marocaine, profondément attachée à la cause palestinienne, puisse réagir sereinement aux prochaines provocations meurtrières israéliennes contre des civils, encore moins tolérer la traîtrise d’un régime qui accepte de négocier avec les assassins de Palestiniens innocents.
S. O.
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