L’article d’un journal suisse sur Mourad Dhina en prémisse à son extradition ?
Par Nabil D. – La Suisse joue un «rôle central» dans la «tentative de retour des islamistes sur la scène publique algérienne», admet le quotidien Le Temps qui fait parler le directeur de recherche à Sciences Po CERI, Luis Martinez, qui appuie son constat sur le fait que la Confédération helvétique «accueille une partie des cadres de Rachad». «Parmi ses dirigeants, on retrouve d’anciennes figures de l’islam politique algérien, ou proches de cette mouvance», précise le journal genevois qui rappelle que le site internet de Rachad «est aussi hébergé en Suisse».
Le chercheur suisse sait que le mouvement classé comme organisation terroriste par les autorités algériennes ne compte, en vérité, que cinq membres, dont trois «résident en Suisse romande». «En particulier l’une de ses principales figures, Mourad Dhina, un ancien dirigeant du Front islamique du salut (FIS)», souligne-t-il, en expliquant que ce «membre du secrétariat de Rachad en est l’une des principales figures» et qu’il «intervient régulièrement au nom du mouvement». Le Temps, cherchant sans doute à absoudre le fondateur du groupe terroriste FIDA, spécialisé dans l’assassinat des journalistes et des universitaires, rapporte qu’il aurait «exprimé des regrets auprès des proches des intellectuels tués par les islamistes durant la décennie noire».
Pour le journal, qui précise que «ni Mourad Dhina ni les deux autres membres fondateurs du Rachad présents en Suisse n’ont souhaité répondre à nos questions», les «prises de position passées» de l’ancien chef terroriste «refont surface dans le débat actuel sur la place de l’islam politique au sein du Hirak». «Durant la décennie noire, Mourad Dhina légitimait alors ouvertement la résistance armée», écrit Le Temps, en ajoutant qu’en 2002 il a été nommé à la tête du bureau exécutif du FIS et qu’«en réaction, le Conseil fédéral lui [a] interdit de faire de la propagande depuis le territoire helvétique et de justifier, prôner ou soutenir l’usage de la violence, sous peine d’être expulsé». Mais le très rusé avocat islamiste de Mourad Dhina, Rachid Mesli, trouvera la parade : faire dire à son acolyte qu’il a «démissionné du FIS […] en invoquant des dysfonctionnements internes au parti».
Le subterfuge a fonctionné, si bien que Le Temps trouve une justification à l’activisme violent du terroriste dont le discours «s’est adouci ces dernières années». Le journal ressort un repentir de l’hôte algérien qui confessait auprès des «impies» français et suisses avoir «péché plusieurs fois par le passé» quand il a fait l’apologie du terrorisme. Une autoaccusation qui ne semble toujours pas suffisante pour juger ce criminel pour avoir encouragé l’assassinat de cent vingt journalistes et de plusieurs dizaines d’intellectuels algériens. D’autant que, explique Luis Martinez, «le choix de la Suisse plutôt que la France [par les anciens du parti fanatique du FIS, ndlr] n’est pas anodin», dans la mesure où la Suisse leur «garantit la sécurité et la liberté».
Ite missa est.
N. D.
Comment (7)