Edwy Plenel : «Israël m’espionnait pour le compte de l’Etat voyou du Maroc»
Par Mohamed K. – Le fondateur de Mediapart a révélé qu’Israël l’a espionné pour le compte du régime dictatorial de Rabat. Dans un entretien à France TV Info, Edwy Plenel a notamment indiqué que, selon des recoupements effectués par ses soins, il s’avère que l’espionnage de son téléphone via le système Pegasus «a suivi le retour d’un bref séjour au Maroc» où il avait pris la défense des militants du mouvement populaire du Rif qui avaient subi des peines de prison «tout à fait injustes». «Cet espionnage, a-t-il expliqué, a correspondu à ce qui se passe aujourd’hui au Maroc, c’est-à-dire des attaques contre la presse indépendante et contre des journalistes dont nous sommes partenaires.»
Edwy Plenel a ajouté que, suite à une enquête menée par sa collègue Lenaïg Bredoux sur le chef des services de renseignement marocain, celle-ci a été «repérée par cet Etat autoritaire». «Notre hypothèse […], c’est que cet espionnage avait pour but de voir comment nous travaillions» sur les questions liées aux dérives sexuelles dans ce pays. D’après le journaliste français, les services marocains voulaient utiliser les reportages de Mediapart sur les violences sexistes et sexuelles «comme une sorte de cheval de Troie pour monter – ce qui est fait actuellement au Maroc – contre des opposants, contre des journalistes, contre des défenseurs des droits humains, de fausses histoires qu’on instrumentalise pour mettre en prison des gens, pour porter atteinte à des droits fondamentaux.»
«C’est très grave», s’est indigné Edwy Plenel qui a fait savoir qu’il a demandé à ses avocats d’étudier les suites judiciaires à donner à ces dépassements. «Je pense que les autorités de notre pays ne peuvent pas rester indifférentes», a-t-il noté, en soulignant, dans le sillage de cette affaire qui a fait un grand bruit, qu’Israël «vend [le logiciel espion] contre espèces sonnantes et trébuchantes à des Etats voyous qui l’utilisent de manière très vaste contre la presse indépendante, contre les activistes, pour faire du renseignement tous azimuts», au lieu de «l’utiliser contre des terroristes, contre des criminels».
«Sur les 50 000 numéros obtenus par Forbidden Stories [un consortium de journalistes qui a mis à nu ce scandale, ndlr], 10 000 ont été exploités par le Maroc. Et, aujourd’hui, la situation des droits humains est évidemment problématique», s’est insurgé l’auteur de Pour les musulmans, un essai contre l’islamophobie. «On ne peut pas laisser un pays étranger, une puissance étrangère espionner des citoyens français sans que l’autorité publique de notre pays réagisse», a-t-il dénoncé, en estimant que «sur les relations avec le Maroc, […] la puissance publique française doit faire les remontrances qui s’imposent et en tirer des conclusions, de la même manière qu’elle doit dire des choses à l’Etat d’Israël».
M. K.
Comment (24)