Migrants : Macron, l’Alexandre Loukachenko de l’Union européenne ?
Une contribution de Khider Mesloub – Avec la Biélorussie, la France est-elle devenue une filière de migrants, délibérément supervisée pour déstabiliser l’Angleterre ? Dans le prolongement de la guerre du poisson entre la France et l’Angleterre, où à la faveur des tensions post-Brexit chacun des deux antagonistes pêche en eaux troubles pour ne pas être submergé par la tempétueuse crise économique qui secoue les deux pays en plein naufrage institutionnel, tout semble indiquer que les migrants servent d’«arme» de rétorsion au gouvernement Macron. Dans ce contexte très tendu où les dirigeants anglais et français s’étripent comme des poissons pourris, la France, selon les accusations de Londres, instrumentalise la filière des migrants pour faire monter la pression sur le gouvernement Johnson.
Paris et Londres se livrent une bataille de communication et de désinformation, chaque pays accusant l’autre d’être responsable de la dramatique situation des migrants. Dans cette escalade de frictions, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, accuse la France d’organiser et de superviser les déplacements massifs de migrants vers l’Angleterre, au moyen d’embarcations distribuées généreusement par les autorités françaises et, selon la télévision britannique en possession de vidéos filmées sur les plages calaisiennes, sous la bienveillante protection de la police française, plus indulgente avec les entorses à l’interdiction de déplacement des migrants qu’avec les citoyens français traqués et humiliés par une surveillance tatillonne et un traçage électronique inquisitorial.
Dans ce climat d’exacerbation des tensions endeuillé par le naufrage de 27 migrants décédés en tentant de traverser la Manche, Paris menace de laisser le Royaume-Uni se débrouiller seul avec les migrants calaisiens. En représailles, de son côté, Johnson, dans une lettre diplomatiquement peu amène, somme la France de reprendre tous les migrants qui traversent la Manche. En effet, Londres exige l’instauration d’un «accord bilatéral de réadmission» visant à permettre le retour des migrants illégaux qui traversent la Manche en France. S’inspirant des accords de réadmission conclus entre l’Union européenne et la Biélorussie et la Russie, le Premier ministre britannique Boris Johnson a dit «espérer qu’un tel accord puisse être également conclu avec le Royaume-Uni rapidement». «Cette mesure aurait un effet immédiat et réduirait considérablement – voire arrêterait – les traversées, sauvant ainsi des vies en brisant fondamentalement le modèle économique des gangs criminels», a-t-il ajouté. Reste à savoir si Macron acceptera de conclure un tel accord dicté par Boris Johnson. C’est une autre paire de manche. De ce côté-ci de la Manche, dans une France agitée par des insurrections dans ses colonies d’Outre-mer (ou plutôt îles d’Outre-tombe tant leurs habitants noirs sont enterrés vivants par l’Etat français blanc défaillant), la sortie épistolaire de Boris Johnson risque de faire beaucoup de vagues.
A priori, à observer la brutale décision du ministre de l’Intérieur, Darmanin, d’annuler le vendredi 26 novembre la venue de son homologue britannique Priti Patel à la réunion à Calais, dimanche, consacrée au dossier des migrants, Paris ne va pas accéder à la requête comminatoire du Premier ministre britannique. Quant à Macron, depuis Rome où il est en visite, il a indirectement répondu à la fulminante initiative de Johnson : «Je suis surpris des méthodes quand elles ne sont pas sérieuses, nous ne communiquons pas d’un dirigeant à l’autre sur ces questions-là par tweet et par lettres qu’on rend publiques», a-t-il déclaré. En d’autres termes, Macron ne compte pas signer l’accord soumis par Londres. Cette décision de décliner la proposition de Boris Johnson a été confirmée par le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. En effet, il a rejeté vivement, vendredi 26 novembre, le courrier du Premier ministre britannique, qui réclame à la France de reprendre les migrants arrivés au Royaume-Uni. Une lettre jugée «indigente sur le fond et totalement déplacée sur la forme», par Gabriel Attal.
Sans conteste, ces dernières années, l’ignoble instrumentalisation des réfugiés dans le cadre des rivalités entre Etats a pris des proportions inégalées. On se souvient que la Turquie avait menacé d’ouvrir les vannes de l’émigration à la frontière grecque. Au printemps dernier, le régime marocain, sur fond de crise diplomatique avec l’Espagne liée à la question de l’avenir du Sahara Occidental colonisé, surfant sur le chantage migratoire, avait laissé, par représailles, presque 10 000 de ses citoyens – dont beaucoup de mineurs – franchir la frontière avec l’enclave espagnole de Ceuta, dans le nord du Maroc.
Le président turc Erdogan, le roi marocain Mohammed VI, le président biélorusse Loukachenko et le président français Macron sont-ils les nouveaux négriers des temps modernes qui instrumentalisent les migrants, voire supervisent les filières migratoires, à observer les bénéfices respectivement pécuniaires, stratégiques ou politiques (pour Macron les immigrés, en situation régulière ou non, sont devenus une variable d’ajustement électoral, un instrument de division du peuple) qu’ils en tirent ?
En tout état de cause, depuis deux ans, au moment où des milliards d’individus étaient confinés chez eux, interdits de voyager du fait des fermetures des frontières, où des centaines de millions de personnes étaient surveillées et contrôlées par la police, en France, les migrants continuaient à rentrer librement sur le territoire hexagonal, à croire qu’ils bénéficient de passeports diplomatiques délivrés par les autorités françaises (Loukachenko devrait saisir le Conseil de sécurité de l’ONU pour diligenter une enquête internationale sur l’acheminement des milliers de migrants vers la France, pour être aussitôt convoyés vers le Pas-de-Calais, la frontière).
De même, au moment où chaque Français ne pouvait circuler aisément du fait des restrictions de déplacement, on apprend que les migrants calaisiens, tous les jours, sur des embarcations onéreuses équipées de moteurs performants, traversaient la Manche au nez et à la barbe des forces de l’ordre françaises, sans subir le moindre contrôle ou encourir quelque arrestation.
Ainsi, depuis le début de l’année, plus de 18 000 migrants ont réussi à effectuer la traversée jusqu’en Angleterre (31 500 ont tenté de traverser la Manche). Cela représente deux fois plus que sur l’ensemble de l’année 2020. Huit fois plus qu’en 2019 (2 300). Trente fois plus qu’en 2018 (600). Comment expliquer cette flambée de propagation de migrants vers l’Angleterre depuis trois ans, autrement dit opérée sous la présidence de Macron ?
Le mois dernier, en trois jours, les autorités anglaises avaient secouru 1 400 migrants tentant la traversée de la Manche. Autrement dit, certains jours, des centaines de migrants embarquent dans des canots pour atteindre l’Angleterre. Dans un pays soumis à la surveillance de masse, au traçage électronique, au contrôle policier, de tels déplacements ne peuvent passer inaperçus, échapper à la vigilance des forces de l’ordre. D’autant plus que la mécanique est parfaitement rodée, connue des autorités françaises. La nuit, un groupe de 10 à 50 migrants embarquent à bord de canots de type zodiac. Comment expliquer que chaque semaine des centaines d’embarcations sillonnent librement, depuis la France, la Manche ? Comment expliquer que ces traversées ne cessent d’augmenter ?
Curieusement, pour endiguer le problème des migrants calaisiens, selon les autorités françaises, «le meilleur moyen, c’est d’ouvrir des voies légales pour permettre à ces personnes de déposer une demande d’asile au Royaume-Uni». Quand le président Loukachenko formule la même proposition à l’Union européenne pour régler la question des 2 000 migrants actuellement amassés dans des campements improvisés à la frontière de la Pologne, les dirigeants occidentaux l’accusent aussitôt d’instrumentaliser les migrants et le menacent de sanctions.
La politique migratoire de la Grande-Bretagne est plus humaine que celle de la France. Notamment en matière de droit d’asile. Le directeur général de l’association France Fraternités, Pierre Henry, joignant sa voix à l’hystérique discours antibritannique répandu par les médias français, en fustigeant la politique migratoire de l’Angleterre, indirectement, reconnaît que cette dernière accorde plus aisément le droit d’asile aux migrants que la France raciste : «Drame attendu. Nous savions tous qu’un tel drame pouvait survenir. Depuis le début de l’année, il y a eu 30 000 tentatives de passage par la Manche depuis Calais et l’ensemble du littoral. La politique qui est menée par la Grande-Bretagne est une politique honteuse et profondément hypocrite. Pourquoi ? Parce que sur ces 30 000 tentatives de passage, environ 15 000 ont abouti. Ces personnes ont pu déposer l’asile et 50% d’entre elles ont obtenu l’asile. Ce qui signifie qu’aujourd’hui la politique menée par la Grande-Bretagne, et d’une certaine manière acceptée par la France, aurait pu se régler autrement et notamment par l’ouverture d’une voie de migration légale.» Ce sinistre personnage reproche à la Grande-Bretagne d’avoir régularisé la moitié des 30 000 migrants envoyés par la France, qui, elle, refuse toujours d’octroyer le droit d’asile aux milliers de migrants amassés dans des campements indignes du Pas-de-Calais.
Enfin, pour conclure, selon les informations, le président Macron, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne en janvier prochain, alors que les Européens souffrent de la crise économique et sanitaire, veut réformer les textes relatifs à l’espace Schengen. La France, après avoir durci considérablement les conditions d’octroi des visas aux pays du Maghreb, compte soumettre à ses partenaires l’application du principe de la non-admission à l’intérieur de l’espace Schengen, autrement dit à l’intérieur même des frontières de l’Union européenne. La non-admission, cela veut dire considérer que tout migrant interpellé dans les pays de l’Union européenne, le long des frontières internes, sont considérés comme n’y ayant jamais mis les pieds. Cette mesure impliquerait la réintroduction des contrôles systématiques aux frontières, à l’intérieur de l’Union européenne pour, bien sûr, garantir la libre circulation des Européens, mais filtrer et empêcher les migrants de s’installer.
Comment va-t-on procéder pour reconnaître et contrôler les migrants extra-européens ? Bien évidemment, par l’accentuation des contrôles au faciès. Autrement dit, seuls les «basanés» et les noirs seront fréquemment contrôlés pour vérifier s’ils sont en situation régulière. C’est l’instauration ou (l’accentuation) du racisme institutionnel appliqué par les forces de police.
En résumé, la réforme de Macron revient à signifier à toutes les personnes non européennes : Restez chez vous, crevez chez vous !
K. M.
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