Les confessions de Xavier Driencourt : «Les Algériens savent nous faire plier !»
Par Abdelkader S. – Xavier Driencourt s’est résigné à revenir sur son double passage à Alger dans un livre qui vient de paraître aux éditions de L’Observatoire et qu’il a intitulé L’Enigme algérienne : chroniques d’une ambassade à Alger. S’il a tergiversé avant l’écriture de ses mémoires d’ambassadeur dans notre pays, c’est, explique-t-il, parce qu’il appréhende la réaction que son ouvrage susciterait auprès des autorités algériennes. «J’imagine qu’à Alger ces quelques souvenirs et les remarques qui suivent seront analysés, commentés et critiqués sans doute», anticipe-t-il. «J’ai, bien sûr, en tête les réactions lors de la publication des Mémoires de mon prédécesseur, Bernard Bajolet, et des quelques phrases extraites de son livre. J’avais été amené à préciser, comme certainement le fera mon successeur, que ces mémoires n’engageaient pas les autorités françaises, seulement leur auteur», avertit-il.
«Tout ce qui s’écrit sur l’Algérie, surtout à Paris, et qui pourrait, peu ou prou, ne pas être en harmonie avec ce qui s’énonce à Alger est a priori suspect et ne reçoit pas l’imprimatur. L’ambassadeur de France sera peut‑être convoqué, on lui demandera si c’est la France qui s’exprime à travers son prédécesseur, la presse se déchaînera et on activera les réseaux sociaux», prédit-il encore, non sans cette suffisance propre aux officiels français lorsqu’il s’agit de parler de l’Algérie, nonobstant une haute considération que l’ancien ambassadeur dit porter pour les Algériens dont il «admire le courage, la gentillesse, la combativité et la ténacité». «Ils l’ont d’ailleurs montré pendant les longues années de lutte contre la France», rappelle-t-il.
Les Algériens «savent faire plier leurs interlocuteurs, dont nous sommes évidemment», admet-il, en faisant sienne la déclaration d’un ministre algérien – dont il tait le nom – qui lui faisait savoir que les Algériens connaissent les Français bien mieux que les Français ne connaissent les Algériens. «Cela fait leur force, ils sont capables de nous mener où ils veulent, car eux connaissent nos usages, s’approprient nos codes, lisent nos pensées, anticipent nos réactions», appuie-t-il, avant de renchérir : «La relation avec eux est une épreuve permanente, seul compte le rapport de force.» «Cela, je l’ai appris parfois à mes dépens», confesse-t-il. «Je connaissais la difficulté de ce pays, la vie austère de la capitale, la très grande complexité de la situation politique interne depuis l’AVC du président Bouteflika en 2013 et, bien sûr, l’immense solitude d’un ambassadeur de France en Algérie», écrit Xavier Driencourt qui a dû quitter l’Algérie à la demande expresse des autorités algériennes en raison de son implication «assumée» dans le mouvement de contestation populaire du 22 février 2019.
Le prédécesseur de l’arabisant François Gouyette confirme ce que tout le monde sait. «Sans aller jusqu’à reprendre la formule de François Mitterrand en 1954, l’Algérie, c’est la France ; l’Algérie, je le dis après presque huit années passées là‑bas, c’est effectivement de la politique intérieure française autant que de la diplomatie.» C’est que pour les Français, l’Algérie est aussi importante que l’Allemagne, en termes d’histoire commune et de partenariat économique. «Maurice Gourdault‑Montagne, secrétaire général lorsque je me trouvais moi‑même à Alger, mais aussi ami d’enfance, rappelait que pour la France et sa diplomatie, deux pays comptaient particulièrement, pour des raisons différentes évidemment : l’Allemagne et l’Algérie, et qu’il fallait être attentif à nos relations avec ces deux grands partenaires», explique-t-il.
Le diplomate français, pour lequel l’Algérie est une «équation difficile», tant, signale-t-il en page liminaire, «tout le monde s’y intéresse mais personne n’y comprend rien», note que le représentant du Quai d’Orsay dans notre pays «est l’un des trois ambassadeurs à être appelé, dans son décret de nomination, haut représentant de la République française». Il précise, enfin, qu’au Maghreb seul l’ambassadeur à Alger est haut représentant.
A. S.
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