Les médias dominants occidentaux au service du capital
Une contribution de Khider Mesloub – Les médias «produisent» et commercialisent une marchandise singulière : l’information. Celle-ci doit rapporter revenus et profits aux multinationales des communications. La corporation des médias œuvre dans cette superstructure et sa fonction consiste à réguler le fonctionnement de ce système d’endoctrinement idéologique. Il s’agit, pour ces scribes de l’information, de formater l’opinion publique citoyenne afin d’assurer sa soumission pour tenter de désamorcer les récriminations politiques et annihiler les velléités subversives populaires. S’il faut faire la démonstration de la dévotion servile des grands médias occidentaux, en particulier français, témoignée aux puissants et à l’Etat, le traitement informationnel du mouvement des Gilets jaunes de France aura été la parfaite illustration. Cette dévotion journalistique s’était vérifiée à la faveur de la pandémie de Covid-19 politiquement instrumentalisée, où tous les médias mainstream, ces supplétifs idéologiques du capital, avaient assumé cette fonction de manipulation mentale sans subir aucune pression sur leurs chaînes professionnelles ligotant ordinairement leur liberté d’expression complaisamment surveillée et musclée.
De toute évidence, cette posture obséquieuse des médias mainstream révèle l’asservissement total des appareils idéologiques au capital. Depuis l’école, en passant par le cinéma et la littérature, jusqu’aux médias audiovisuels, internet et les médias sociaux numériques, tous ces appareils idéologiques de façonnement des esprits sont totalement monopolisés par le capital pour lui servir d’instruments de propagande.
En Occident, la majorité des médias est la propriété d’un petit nombre de grands groupes financiers. La corporation médiatique, sectatrice dévote de l’idéologie de la liberté d’information, a tendance à expliquer le dévoiement et la soumission des plumitifs journalistiques par la concentration des entreprises médiatiques : «Dix milliardaires ont pris le contrôle d’une grande partie des médias français. Ces oligarques, venus du BTP, de l’armement, de l’industrie du luxe et de la téléphonie ont accaparé les grands quotidiens nationaux, les chaînes de télévision et les radios pour assoir leur influence. Avec, à la clé, conflits d’intérêts, censures, pressions, licenciements, ingérence malsaine […] Cette concentration des moyens de production de l’information entre les mains de quelques-uns met en péril l’indépendance de la presse dans notre pays. Et porte ainsi atteinte au fonctionnement démocratique. Comment garantir la liberté de l’information et le pluralisme de la presse ?» s’indignait un scribouilleur effarouché officiant au sein d’un organe de propagande français, ayant pignon sur rue et du pognon plein les banques.
Or, comme on va le démontrer, ce n’est pas la monopolisation des médias par quelques groupes capitalistes qui expliquerait l’aplaventrisme légendaire des obséquieux journaleux des médias mainstream, jamais à court d’idées complaisantes pour se vendre aux plus offrants, ni en défaut de flexibilité professionnelle courtisanesque pour se plier devant les puissants.
De fait, les médias opèrent ouvertement comme des organes du pouvoir financier et de l’Etat capitaliste. Il faut préciser que l’affairement servile des officiants médiatiques n’est pas télécommandé d’en haut, depuis le propriétaire milliardaire ou étatique jusqu’au banal chef de service journalistique. Il est l’œuvre de clercs totalement acquis à la défense de l’ordre existant dominant. Pour décrocher un emploi dans ces grandes entreprises de fabrication de la marchandise informationnelle maquignonnée et corrompue, ne serait-ce que comme pigiste, il faut avoir le profil de l’emploi : posséder la foi démocratique capitaliste chevillée au corps (prosterné), croire aux mascarades électorales, partager les valeurs bourgeoises libérales et impérialistes, être pétri de «la fibre patriotique occidentale» belliciste. En résumé, avoir une personnalité servile et une âme vile. Aussi, assuré de recruter des agents formatés selon ces valeurs dominantes libérales bourgeoises, quel besoin le milliardaire (l’Etat), propriétaire de médias, aurait-il de manœuvrer ses valets journalistiques ? Ils lui sont instinctivement dévoués. Souvent, avec un zèle fanatique. Comme l’illustre actuellement le traitement de l’information de la pandémie et de la guerre en Ukraine.
On se rappelle qu’à l’époque de l’URSS les pays frères d’Europe de l’Est étaient qualifiés de satellites du Kremlin. Or, de nos jours, les pays occidentaux atlantistes peuvent être, à leur tour, avec leur subordination vilement assumée, de pays satellites de Washington. Avec leur suivisme obséquieux, les journalistes occidentaux, notamment européens, métamorphosés en supplétifs propagandistes de l’OTAN, versent dans un aplaventrisme professionnel indécent.
En effet, devant le narratif informationnel propagandiste et belliciste fabriqué par les Etats-Unis, tous les journalistes occidentaux s’inclinent servilement pour le relayer avec obséquiosité. La ligne éditoriale occidentale est dictée par Washington. Aujourd’hui, inclination éditoriale illustrée notamment lors de la pandémie, confirmée avec la guerre en Ukraine, tous les médias européens s’alignent sans discussion, ni distanciation sur le narratif politique, diplomatique et économique des Etats-Unis. Les pays occidentaux ne cessent de répéter à l’envi ne pas participer à la guerre en Ukraine. Or, à observer leur implication dans le traitement de l’information rapportée avec un parti pris partisan et belliciste, on croirait qu’il s’agit de leur guerre. L’information en Occident s’est métamorphosée en arme de propagande au service de la guerre impérialiste orchestrée et attisée par les Etats-Unis et l’OTAN, leur bras armé.
L’ironie de l’histoire, c’est que, actuellement, sur les questions relatives à la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, la liberté d’expression est mieux assurée et respectée dans les pays du «Tiers-Monde», notamment par les médias algériens, en particulier Algeriepatriotique et Le Quotidien d’Oran, qui relaient avec objectivité les informations en provenance de chaque protagoniste dans le cas de la guerre ukrainienne, et ouvrent régulièrement leurs colonnes à des confrontations de points de vue divergents dans le cas de la pandémie.
Une chose est sûre, il est de peu d’intérêt de constater que dix milliardaires contrôlent 80% des moyens d’information-propagande-aliénation en France (comme dans d’autres pays occidentaux). Seraient-ils cinquante, le résultat serait le même. Et rien ne changerait en termes d’autocensure que s’imposent journalistes et directeurs de rédaction pour conserver leur emploi, servir leurs maîtres.
Sans conteste, comme on l’a analysé dans notre précédente contribution «La médiacratie ne règne plus sur l’esprit des peuples», publiée le 6 août 2022 dans Algeriepatriotique, les dernières illusions sur la prétendue liberté de la presse ont volé en éclats. Et les journalistes, définitivement éclaboussés. Le peuple ne croit plus ces menteurs professionnels stipendiés. Les médias eux-mêmes ont pris conscience de cette discréditation, disqualification, cette débâcle éthique et déontologique.
En France, cette crise de confiance s’explique, selon la majorité des personnes sondées, par le manque d’indépendance des journalistes vis-à-vis du pouvoir politique et économique. Environ deux tiers de l’opinion publique française jugent que les journalistes ne sont pas indépendants, ni du pouvoir politique, ni du pouvoir économique. Un véritable climat de défiance s’est manifesté vis-à-vis du gouvernement et des journalistes.
Pour mieux éclairer notre étude, décortiquons la mission politique, idéologique et sociale des médias mainstream. Le rôle des médias, de gauche comme de droite, est crucial dans les sociétés occidentales urbanisées – multiethniques – criminalisées – pathologisées – communautarisées –, densément peuplées, soumises à de fortes tensions économiques (chômage et pauvreté), sociales (réduction des services sociaux), criminelles (drogues, délinquance, vols et crimes contre la personne).
Au milieu de cette confusion sociétale, les médias sont une source d’insécurité et de chaos supplémentaire, en même temps d’agent d’endoctrinement et d’obscurcissement de la réalité, l’une de ces fonctions rendant les autres possibles et nécessaires.
De manière générale, l’activité médiatique comporte de multiples facettes. D’une part, les médias diffusent une vision du monde – celle de la classe dominante –, c’est leur première activité principale. Par cette activité, ils conditionnent la conscience collective et individuelle à accepter ce monde capitaliste tel qu’il est, avec ses valeurs marchandes, son esprit de prédation, son culte de la compétition et de la performance, son apologie de l’idéalisation des célébrités riches.
De surcroît, les médias à la solde ont pour mission d’exhiber sans vergogne les bas-fonds du monde sombre, l’envers du décor de la belle société civilisée normative : le monde du lumpenprolétariat, des SDF, de la pauvreté et de la criminalité vénielle, le monde interlope du vol à grande échelle, du blanchiment d’argent, du crime organisé qui alimentent les rubriques faits divers. Cette outrancière médiatisation de cette criminalité protéiforme vise à susciter la psychose «sécuritaire» mais, surtout, à accréditer le mythe de la fonction protectrice de l’Etat capitaliste érigé au service de toute la population : l’Etat démocratique totalitaire, avec ses forces de répression, ses palais de justice, ses prisons et son armée, assure votre protection, braves citoyens (sic), propagent à longueur de diffusion informationnelle les médias. Et non la sécurité et la tranquillité des classes possédantes.
L’autre activité des médias consiste à soutenir les contestations sociétales contre le système (cela est permis et encouragé à titre individuel), mais en respectant les règlements et les lois – c’est-à-dire l’ordre public –, autrement dit la dictature du capital. Les médias mainstream couvrent chaque jour les multiples lilliputiennes protestations parcellaires féministes, syndicalistes, environnementalistes, gauchistes, communautaristes, raciales, etc.
L’autre activité des médias consiste à exhiber la vie somptueuse des personnalités riches et célèbres. Il s’agit d’étaler leur fortune, leur aisance et l’abondance de leurs biens obtenus grâce à leurs «efforts» exceptionnels, personnels et professionnels, ayant permis leur ascension sociale et leur intégration dans le système capitaliste, ce magnifique système économique offrant à chacun la chance de s’enrichir, comme par hasard toujours les mêmes : les déjà riches.
Enfin, sans conteste, l’activité fondamentale des médias du capital est de mystifier la réalité afin d’en rendre la lecture complexe, de rendre le monde (la société, l’économie, la politique, l’idéologie) incompréhensible et opaque. Les médias imposteurs, avec leur habituelle vision policière ou psychologisante de l’histoire et des faits sociaux, accomplissent cette mission de déformation de la réalité en présentant toute activité humaine, particulièrement les activités économiques, politiques, idéologiques, diplomatiques, judiciaires, comme étant le fruit soit du hasard, soit la résultante de la subjectivité de tel ou tel individu – génial ou caractériel – (l’imprévisible Poutine ou l’irascible Kim Jong un, ou le doctrinaire Khamenei). Mais jamais comme le produit des lois imparables de l’économie, de la sociologie et, surtout, de la lutte des classes.
Par le travail manipulatoire opéré par les médias inféodés au capital, la société est délibérément complexifiée, enrobée dans une opacité politique machiavélique. Ce travestissement de la réalité a pour dessein d’éviter que les «citoyens» accèdent à la compréhension authentique des lois dialectiques régissant l’ensemble de la société déchirée par des antagonismes de classe. En lieu et place, les médias proposent des rumeurs, des allégations, des «Fakes news» et des complots machiavéliques, ourdis dans l’antichambre des puissants, conduisant chacun à spéculer sur tel ou tel dirigeant (le Jupiter arrogant Macron, l’imprévisible Poutine, Biden le sénile, etc.). En lieu et place d’une conception matérialiste de l’histoire des évènements, les médias colportent une vision policière, où chaque fait social est perçu par le petit trou de la serrure «décervelante» et débilitante.
Les médias mainstream proposent de supputer sur les manies et les travers des célébrités. Ces journalistes appliquent au monde de la politique, de l’économie et de l’idéologie les recettes de la morale vulgaire, de l’idéalisme, de la psychologie de comptoir. Ainsi, Macron serait arrogant, expliquant son dédain pour le peuple. Remplacez Macron par Mélenchon ou par Marine Le Pen, et vous changerez de régime, suggèrent subrepticement les médias à l’étroitesse d’esprit criante de vacuité intellectuelle et historique. Or, Mélenchon comme Marine Le Pen appliqueront, dans l’éventualité de leur propulsion au sommet de l’Etat capitaliste, la même politique antisociale et belliciste dictée par le capital. Voilà à quoi se réduit l’activité idéologique des grands médias de droite comme de gauche.
De manière générale, on distingue trois catégories de médias. Pour accomplir ce travail de fragmentation sociologique (les médias subdivisent le lectorat en fonction de sa catégorie sociale), de mystification, de conditionnement et d’aliénation idéologique, les médias se répartissent en trois catégories.
En premier lieu, il y a la presse de divertissement. Ces médias «people» ont pour fonction de divertir et d’anesthésier le public en vue de lui permettre de s’évader dans les rêves d’un monde spectaculaire idyllique, qui sera accessible probablement dans une autre vie. La presse people est le nouvel opium du monde occidental chloroformé : cet «opiacé médiatique», consommé sans modération sur fond de publicités alléchantes de vies paradisiaques illusoires, a remplacé la religion.
En second lieu, il existe la presse d’information au service du capital. Ces médias de «formatage» idéologique adjoignent à la fonction «people» des prétentions déontologiques à informer objectivement sur l’actualité et des ambitions savantes à analyser scientifiquement les informations. Cette prétention analytique se déploie notamment sur les plateaux télé des chaînes d’information en continu colonisées par une armée de pseudo-experts et de généraux en costume-cravate, animés par un racisme occidental décomplexé et un esprit belliciste hystérique.
En vrai, ces médias ont pour mission de façonner l’opinion publique aux fins de susciter son adhésion aux différentes politiques antisociales et impérialistes des gouvernants, mais surtout d’entretenir la résignation des classes populaires à leurs misérables conditions de vie. Pour ce faire, ces médias sollicitent les services des experts autoproclamés, des analystes stipendiés et des universitaires affidés, dans le dessein d’emberlificoter l’opinion publique, de pérenniser l’aliénation du peuple.
En outre, il existe une troisième catégorie de médias, destinée à l’élite intellectuelle, politique et patronale. Ces médias rigoureux méritent d’être lus car ils analysent consciencieusement la conjoncture économique, politique, internationale, militaire, aux fins d’informer «scientifiquement» la classe capitaliste et ses commis politiciens. Ces médias «d’influence» donnent le ton aux grands patrons et orientent leurs décisions. En vrai, le grand capital et ses saltimbanques politiciens ne disposent pas d’une grande marge de manœuvre. Il faut le rappeler, les lois implacables de l’économie politique capitaliste s’imposent à eux comme à tout un chacun. Mais les puissants milliardaires et leurs fonctionnaires financiers disposent du pouvoir d’accélérer ou de ralentir l’évolution de la crise, voire de la prolonger, quitte à l’amplifier. Ce à quoi nous assistons actuellement avec la flambée de l’inflation, l’interruption des chaînes d’approvisionnement, du fléchissement du commerce international.
Enfin, il existe également une autre catégorie de médias, que nous n’avons pas intégrée à notre taxonomie informationnelle, à savoir la presse électronique libre et la presse révolutionnaire. En rupture radicale avec les valeurs politiques de la pensée dominante et les catégories marchandes de la société bourgeoise, cette presse électronique indépendante est évidemment, du fait de sa faiblesse financière, très peu visible, voire méconnue. Parce qu’elle ne se plie pas aux normes médiatiques mercantiles, cette presse numérique libre ou révolutionnaire est vilipendée, ostracisée ou boycottée par les médias mainstream, mais également par la presse de gauche comme de droite.
K. M.
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