Elizabeth Aubin a la fiole : les Etats-Unis menacent-ils l’Algérie ?
Une contribution de Saadeddine Kouidri – Lors de sa conférence de presse, le lundi 21 novembre, l’ambassadrice états-unienne à Alger semble avoir voulu «dicter» aux autorités algériennes la diversification de leurs achats du matériel militaire car il est à dominante russe. Est-ce au hasard du calendrier que, le lendemain, elle a été reçue par le Premier ministre ?
Un ambassadeur est aussi un promoteur des produits de son pays. Les Etats-Unis sont de loin les premiers exportateurs d’armements dans le monde. Sachant que l’Algérie a doublé le budget de l’ANP en 2023 provoque un nouveau challenge à l’ambassadrice qui est : comment tirer profit des 12 milliards de dollars qui ont été alloués à la défense ? Pour cela, elle ne vante pas les armes de son pays, elle ne parle pas des lois du marché dont la concurrence, elle dénonce le manque de diversité chez les Algériens en ce qui concerne l’achat des armes et s’immisce dans des affaires qui ne la regardent pas. Elle nous rappelle l’une des caractéristiques du pouvoir états-unien qui est que rien ne lui est interdit quand il s’agit de son intérêt. S’il ne peut pas vendre ou acheter un produit, il se donne le droit de s’en accaparer ou de l’imposer dans ce cas.
L’autorité politique est toujours associée à un pouvoir auxiliaire. Le premier que nous connaissons est celui des sorciers. Il semble plus efficace que les religions et les idéologies puisqu’on y revient. Les technologies de l’influence communément qualifiées de sciences de l’information et de la communication ont leurs propres langages, leurs propres signes qui mélangent le réel et le virtuel jusqu’à créer leurs hiéroglyphes. Montrer une fiole et faire croire qu’elle représente un danger, pour la démentir après l’anéantissement d’un pays millénaire ou qualifier Israël de pays démocratique et le faire croire à des millions de gens relève de la sorcellerie.
La stratégie des suprématistes est de soumettre tous les Etats nations à leurs désidératas. C’est élémentaire que pour vaincre l’autre, il faut commencer par affaiblir sa défense.
Pour l’Irak, leurs sorciers avaient inventé la fiole d’anthrax que Colin Powell avait présentée comme preuve de l’armement de destruction massive de Saddam à l’ONU. De l’Irak à la Syrie, en passant par la Libye, ils poursuivent la destruction de tous les pays qui ne s’alignent pas avec eux, en priorisant les pays qui ont d’importants gisements d’hydrocarbures. C’est en poursuivant ce but, mis en sourdine quelques mois par Poutine, et sa guerre de libération préventive, et deux ans par le Covid, que leur sorcière vient révéler qu’il y a dans sa fiole de l’armement russe pour relancer l’offensive du monde occidental, en montrant que l’Algérie est alignée sur le camp ennemi des «libertés».
Le 5 février 2003, le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, brandit à l’ONU une fiole d’anthrax pour prouver la présence d’armes de destruction massive en Irak et démontrer la nécessité d’intervenir en Irak, assurant qu’il n’y avait «aucun doute que Saddam Hussein a des armes biologiques et la capacité d’en produire rapidement davantage». C’est pour ça que nous avons fait cette guerre à Saddam, disaient Bush et ses valets, sauf la France !
Elle était contre la guerre en Irak, non par principe, mais pour la galerie puisque en tant que membre du Conseil de sécurité, elle avait le droit de veto. En sus, tout discours contre la guerre après la résolution 1441 du Conseil de sécurité de l’ONU voté le 8 novembre 2002 pour désarmer l’Irak , qui était un blanc-seing aux Etats-Unis pour faire la guerre. Tout discours pour la condamner, après cette résolution, était utopique, à l’image de celui de Villepin aux Nations unies quand on sait qu’une résolution de l’ONU permet l’envoi de troupes sous le commandement américain.
Le président Chirac était incapable de s’opposer au leader de l’impérialisme états-unien, surtout qu’il savait, puisque trois mois auparavant, le Congrès des Etats-Unis avait voté à l’unanimité le soutien au président Bush s’il décidait d’entrer en guerre.
Face à Bush, Chirac n’était qu’un exécutant, à l’image de l’officier qu’il était quand, appelé de l’Armée coloniale française, il ne s’était pas démarqué des tortionnaires comme l’avaient fait le général Jacques Pâris de Bollardière et son adjoint lors de notre Révolution par leur démission qui a entraîné leur incarcération ou à l’image de ces milliers de jeunes appelés qui désertent pour ne pas être complices de la colonisation.
La fiole d’anthracite de Colin Powell n’est qu’un remake du mensonge de l’ambassadrice April Glaspie auprès de Saddam à qui elle aurait donné le feu vert pour l’occupation du Koweït. Cette autre sorcière a été capable de ramener l’Irak aux années 1919-20, sauf qu’à la place des chars anglais il y avait les chars états-uniens en 2003-2004 (promotion de l’armement oblige).
Dans sa conférence, l’ambassadrice américaine affirme que les Etats-Unis «partagent la même vision avec l’Algérie sur le Sahara Occidental en soutenant la solution politique sous les auspices des Nations unies et l’envoyé personnel de son secrétaire général Staffan de Mistura». Est-ce aussi un hasard que la prise de fonction du nouvel ambassadeur Puneet Talwar au Maroc coïncide, à quelques jours près, avec la rencontre d’Antonio Guterres avec le roi ?
La mission du nouvel ambassadeur ne serait-elle pas d’affaiblir l’autorité de De Mistura, surtout lorsque le roi, lors de cet entretien, lui rappelle la position officielle du Maroc sur le Sahara sans changer un iota. On peut croire que Guterres a été ensorcelé jusqu’à remettre la cause sahraouie dans la gueule du loup. D’Alger, l’ambassadrice, elle, qui dénonce la longue durée du problème sahraoui, sait qu’il a été décidé de l’éterniser, mais pour l’intérêt de son pays ; d’Alger, elle partage la vision de l’Algérie, ou du moins elle nous brouille naturellement pour nous faire croire qu’on partage la même vision. Elle nous prend pour cet hurluberlu de Saddam à l’écoute d’April.
S. K.
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