Quand Darwin insuffle le Capital
Une contribution de Saadeddine Kouidri – On dit que le capitalisme est présent depuis trop longtemps. La première raison de cette pérennité est qu’il arrive à naturaliser les injustices et les dominations, tout en les réactualisant. Il a cette capacité grâce à l’utilisation des sciences dont la principale aujourd’hui est l’interprétation des premiers travaux de Darwin sur la nature publiés dans son livre intitulé Les Origines des espèces par ses idéologues, ses savants et ses communicants. Le livre publié en Angleterre en 1858 où le biologiste introduit son concept de la sélection naturelle. Ce n’est que dix ans après qu’il applique ce concept à l’homme dans son livre La Filiation de l’homme. Dans ce long intermède entre ses deux livres d’autres savants et philosophes ont cru bon d’appliquer la sélection naturelle à l’homme à la satisfaction des idéologues de l’Empire britannique pour leurs stratégies de conquêtes et de domination des peuples où ils appliquent depuis des siècles leur civilisation de «la loi du plus fort est la meilleure», cette loi de la jungle, qui répond aux observations scientifiques du biologiste dans le milieu animal.
Avant d’appliquer la sélection naturelle à l’homme, Darwin nous explique l’évolution de la nature où il rejoint Marx quand il dit qu’aussi longtemps qu’existent des hommes, leur histoire et celle de la nature se conditionnent réciproquement, en précisant qu’il existe une différence avec l’animal. Elle est dans la capacité de l’homme de produire ses moyens d’existences.
La pratique de cette capacité fait naître la rationalité, alliée à l’évolution des instincts sociaux, qui va naturellement prémunir crescendo l’homme de la loi du plus fort jusqu’à inverser la sélection naturelle. L’instinct maternel par exemple va pousser l’animal à protéger ses petits. Cette protection, pour être efficace, va pousser les loups, par exemple, à créer la meute pour mieux se défendre. Des exemples dans le quotidien pendant des millions d’années, l’héritage aidant, vont renverser la sélection naturelle synonyme de l’élimination du plus faible pour tendre à la protection du plus faible par le plus fort. Le Capitalisme et son Eglise ne l’entendent pas de cette oreille.
L’évolution, qu’observe Darwin et d’autres naturalistes, mène les sciences à mettre en cause la Création. Cette remise en cause n’est pas acceptée par l’Eglise, en principe par toutes les religions, sauf que depuis le XVIe siècle, la seule idéologie des conquêtes, des dominations et des injustices est celle du Capitalisme adossée à l’Eglise. Cette remise en cause va mettre en mouvement les idéologues de l’Empire. Je cite trois exemples d’entre eux. Celui de Spencer Herbert avec son «Darwinisme social» qui, dans ses écrits, juxtapose les malheurs sociaux qui jalonnent l’histoire de l’industrie victorienne avec les perturbations de la nature. L’eugénisme, la théorie de l’élimination artificielle, des plus faibles, de l’autre, de Galton qui donnera le nazisme plus tard. «La nouvelle synthèse» sociobiologique de Wilson en 1975 pour redonner de la crédibilité au système états-unien de domination mondiale après son revers au Vietnam. Tous les trois et d’autres impulsent les sciences sociales pour justifier les injustices et les dominations en référence au concept de Darwin, celui de la sélection naturelle.
Le point commun de la colonisation à l’apartheid, en passant par le sionisme reste le racisme. Rachida Brahim nous donne un exemple de cette arme létale, largement utilisée contre les émigrés et les pauvres, qui est institutionnalisée clandestinement en France. Elle nous dit que dans les archives du ministère de l’Intérieur datant des années 1970, par exemple, on voit qu’entre le témoignage des personnes violentées et les comptes rendus envoyés à l’Algérie, les faits sont écrits par des policiers, des préfets et des hauts fonctionnaires de l’immigration, de manière à gommer toute trace de racisme. Ils classent ces violences racistes dans celles du droit commun, liées à des rixes sous l’effet de l’alcool, des vols, des règlements de comptes entre Maghrébins… Initialement, mon travail de thèse, ajoute Rachida, devait porter uniquement sur 1973. Et en regardant les archives, en interviewant les gens, en fait, c’était 1975, 1978, 1982, 1985, 1993… Ça ne s’arrêtait jamais.
Il y a aujourd’hui encore une volonté obstinée de nier cette violence contre l’émigré, à la fois raciste et systémique, qui dure depuis de longues années et qui remonte à la période coloniale… Lorsque les victimes cherchent justice, une autre violence arrive. Pour peaufiner cette violence, la droite française se sert de la mémoire.
Les émigrés sont face au trauma colonial qui reste actif et qui est sans cesse alimenté à défaut d’avoir été dénoncé. Ce traumatisme est accentué par le déni, des luttes politiques et syndicales que complète la tentative de faire de «la guerre d’Algérie», une histoire d’une France victorieuse sur la Révolution algérienne et sur toutes les résistances africaines. Macron, par exemple, baratine l’Algérie pour faire l’histoire dans le sens d’officialiser le déni. La preuve, il ne parle jamais avec son historien de la Révolution armée algérienne mais de la guerre d’Algérie, comme un épisode de l’histoire de France.
Le seul fait du pouvoir de l’ex-colonisateur d’avouer son crime, le déni de la victoire des luttes d’indépendance et particulièrement celle de la Révolution armée sur le colonialisme de peuplement de l’Algérie estomperait ce trauma de l’écrasante majorité des émigrés et accentuerait celle de la minorité, les collabos, les harkis, ces traîtres à la terre de leurs ancêtres. Il ne le fera pas, et il ne pourra jamais le faire, parce que son système politique ne fait que réactualiser les injustices et les dominations. La France écrit son histoire en gommant ses défaites face au Mouvement de libération nationale. Elle nie plus que tout la première victoire des Algériens qui est dans la survie du peuple face au génocide de la colonisation de peuplement.
Zelenski en Ukraine ou Salvini en Italie rappellent Abassi Madani en Algérie ou Trump aux Etats-Unis. Ils signent la victoire des élections populistes et, sous leurs masques de clowns, ils épatent la galerie pour que les maîtres du monde puissent continuer à voler et à dominer les peuples.
Il faut rappeler que les ancêtres des états-uniens sont des aventuriers et des marginaux qui fuyaient leurs pays. Pour Darwin, les premiers arrivants dans ce pays sont des émigrants turbulents, souvent indésirables en Angleterre, qui s’embarquèrent alors avec un reliquat de barbarie et Patrick Tort de préciser que les Etats-Unis sont une nation fondée par les repris de justice encadrés par des pasteurs. Depuis, leur immoralité a fait un come-back dans le monde qu’ils avaient laissé derrière eux. On retrouve aujourd’hui de semblables aventuriers à la tête de l’Europe et ses alliés qui font la guerre à la Russie.
S. K.
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