Ferhat Abbas et le Manifeste du peuple algérien
Une contribution de Khaled Boulaziz – Dans quelques semaines de l’année en cours, l’Algérie marquera le 80e anniversaire de la rédaction et diffusion du Manifeste du peuple algérien sous la direction et la plume de Ferhat Abbas.
En effet, au lendemain de l’opération Torch et du débarquement anglo-américain à Alger, Ferhat Abbas rédigea la déclaration du Manifeste du peuple algérien qui fut approuvée par les élus musulmans début février 1943. Les états-majors des forces alliées américains et d’Angleterre à Alger furent destinataires d’une copie fin mars 1943.
L’Algérie devant le conflit mondial : Manifeste du peuple algérien est un jalon dans la longue résistance initiée depuis la prise d’Alger. Sa force réside dans le fait qu’il est une synthèse socio-historique sans concessions sur le colonialisme et un appel sans ambiguïté aux Algériens et Algériennes pour libérer la nation du joug colonial.
Il n’est point excessif de souligner que le Manifeste est le document fondamental du mouvement de libération nationale algérien par excellence. Il marque une escale importante de la lutte anticolonialiste, le prélude d’une ère nouvelle dans le mouvement nationaliste.
Ceux qui eurent par la suite la redoutable tâche de préparer et de déclencher le 1er novembre 54 s’y inspirèrent grandement, en balisant, sans équivoque, l’objectif final de la lutte armée, l’indépendance de l’Algérie.
Epopée prodigieuse d’un homme politique de mesure face à la démesure d’une Histoire hargneuse, inlassable défenseur itinérant aux quatre coins du monde, d’une terrible révolution, Ferhat Abbas n’a consenti à plaider la cause nationaliste qu’après s’être battu, un quart de siècle durant, pour imposer le réformisme et la non-violence, le refus des solutions extrêmes, la volonté et le courage intrépide d’un compromis historique.
Grand humaniste, homme de vaste culture, affable et pétri dans les valeurs universelles du vivre-ensemble, il se désenchantera pour le restant de ses jours des faux slogans, Liberté, Egalité, Fraternité d’une République française assassine suite aux massacres du 8 mai 45.
Pour lui, ainsi que pour bien d’autres Algériens, cette date fut le point du non-retour proclamant la lutte armée comme unique solution afin d’émerger de la longue nuit coloniale.
Ferhat Abbas fut le premier président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) du 9 septembre 1958 au 9 août 1961 dans deux gouvernements successifs. Il passera par la suite le relais à Benkhedda Benyoucef.
Homme de lettres à la plume acerbe et le verbe éloquent, ses interventions au palais Bourbon où il fut membre de l’Assemblée nationale représentant de l’Union démocratique du Manifeste algérien du 2 juin 1946 au 27 novembre 1946, date à laquelle il démissionna, resteront un cas d’école.
Après l’indépendance, il prendra ses distances avec les différents successeurs et dirigeants du pays. Il consacra son temps à l’écriture (voir bibliographie (2)).
La Révolution algérienne n’a été l’œuvre ni d’une élite ni d’une classe mais de tout un peuple ; du simple Chouf dans les mechtas, perché sur les cimes des massifs des Aurès au flamboyant Chérif Guellal, représentant du FLN à New York à l’anglais châtié, discutant de la question algérienne avec les frères Kennedy (1), en passant par Ferhat Abbas et les millions d’anonymes qui ont participé dans l’ombre ; chacun contribua aux sacrifices immenses requis pour que renaisse la nation algérienne de ses cendres.
Si pour certains l’année 1943 fut celle des dupes, pour les Algériens et Algérienne, elle fut celle de l’espoir renouvelé, celle du Manifeste du peuple algérien qui balisa le passage, une fois pour toutes, vers l’inéluctable souveraineté.
K. B.
1- https://www.jeune-independant.net/diplomates-journalistes-artistes-maitres-espions-au-service-de-lalgerie
2- Bibliographie
– Ferhat Abbas : Autopsie d’une guerre ; Sauver l’Algérie de la congolisation ; Demain se lèvera le jour ; La Nuit coloniale ; L’Indépendance confisquée.
– Benkhedda Benyoucef : La Crise de 1962, l’Algérie à l’indépendance.
– Leïla Benammar Benmansour : Ferhat Abbas, l’injustice ; La Crise de l’été 1962.
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