Le professeur Mebtoul alerte sur les annonces farfelues de certains ministres
Par Nabil D. – «Certains dans l’euphorie, épaulés par des soi-disant experts organiques, pour reprendre la formule du philosophe italien Gramsci, ont avancé le chiffre de 10 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures fin 2023, sans ventiler la structure en valeur et en volume par produits et sans dresser la balance devises en soustrayant le montant des subventions et des matières premières importées en devises», déplore le professeur Abderrahmane Mebtoul. «Or, développe-t-il, en 2022, selon les statistiques officielles de la Douane, 60 à 70% proviennent des dérivés d’hydrocarbures qui ont connu une flambée de prix au niveau international, donnant, en additionnant les hydrocarbures bruts, semi-brut et les dérivés, 98% des entrées en devises du pays.»
«Certains ayant déformé les propos du président de la République qui s’en est tenu à des orientations ont avancé le doublement des exportations de gaz (100 milliards de mètres cubes gazeux), oubliant qu’en 2022 la consommation intérieure approche les exportations actuelles vers l’Europe pour 2023, alors que, sous réserves de certaines conditions réalisables, cela pourrait être entre 2025 et 2027», corrige l’économiste. «Face au processus inflationniste non maîtrisé, ce qui a poussé le président de la République à réagir fermement au dernier Conseil des ministres, avec les mêmes pratiques du passé, comment aussi ne pas rappeler que, vers la fin des années 1980 et après la grande pénurie que connaissait le pays conséquemment à la crise de 1986, à la Télévision officielle, un ministre avançait avec assurance que le marché était saturé, selon les données en sa possession, ce à quoi la journaliste lui rétorqua en lui demandant s’il avait fait le marché un jour en lui rappelant que les citoyens ne se nourrissaient pas de chiffres», relève l’ancien ministre délégué au début des années 1990.
«Comment ne pas se rappeler également qu’un ministre déclarait officiellement en 2002 qu’en Algérie il n’y a pas de pauvres mais des nécessiteux, et cette image de la Télévision algérienne en 2015 où, à une question sur le taux de chômage, un autre ministre affirmait que les enquêtes le situaient à moins de 5% et mettait l’Algérie au même niveau que les pays développés ?» insiste le professeur Mebtoul, qui met en garde contre le manque de planification stratégique et l’absence d’un système d’information fiable en temps réel qui peuvent «occasionner à l’Etat des pertes se chiffrant en dizaines de milliards de dollars et favoriser la mauvaise gestion et la corruption».
«Il s’agit de ne pas confondre le Tout-Etat, solution de facilité des bureaucrates en panne d’imagination, avec l’importance de l’Etat régulateur stratégique en économie de marché, mais qui suppose un degré de compétences élevé pour réguler, dans un monde en perpétuel mouvement et dont les effets des tensions géostratégiques actuelles augurent de profonds bouleversements dans les années à venir», conclut-il, non sans inquiétude quant à la légèreté dont des responsables font preuve et qui a provoqué l’ire du président de la République insatisfait par l’apathie qui caractérise un certain nombre d’entre eux.
N. D.
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