Quand la transfiguration du peuple algérien s’opéra par le Hirak
Une contribution de Khider Mesloub – Rien ne laissait présager l’amorçage de cette étincelle frondeuse anti-Bouteflika qui allait embraser la société algérienne, transmuer le peuple algérien, transporter d’allégresse rebelle l’Algérie, baptisée à juste titre «Révolution joyeuse», tant elle enchantait et émerveillait le monde entier par la noblesse de ses manifestations hebdomadaires pacifiques, sa dimension politique débonnaire, sa configuration processionnelle festive.
Dès le 22 février 2019, des mois durant, l’Algérie était devenue La Mecque de la contestation. Le point de mire des fulgurances revendicatives, des revendications fulgurantes. Tous les humbles regards prolétaires du monde entier se tournaient vers l’Algérie, secouée par l’irruption inattendue des forces telluriques populaires, pour prier en chœur à la victoire du peuple algérien en lutte contre le système, l’injustice sociale, le despotisme politique, la dictature de l’argent, l’omnipotence de l’oligarchie prédatrice des deniers publics. Chaque mardi et vendredi, sur leur écran, ils dirigeaient leurs espoirs sur cette Algérie revigorée, rénovée, portée par une jeunesse avide de liberté et d’égalité sociale.
Chaque vendredi, les Algériens troquaient le tapis contre l’asphalte pour faire vibrer la rue de leurs cris de révolte entonnés en chœur contre le système. Les Algériens troquaient la prosternation religieuse contre la protestation politique. La soumission au Ciel contre le soulèvement contre les cimes du pouvoir du pharaon Bouteflika qui avait momifié l’Algérie par la dévitalisation des forces sociales et intellectuelles du pays, réduit à l’état de cadavre économique à force d’éviscérations financières opérées sur les richesses de la nation par les équarisseurs de la République, ces scélérats bouteflikiens qui avaient mis le pays en coupes réglées, mis à sac l’Etat.
Les Algériens troquaient le silence étouffant des salles de prière contre le grondement expressif de la révolte joyeuse piétonnière. Le paradis céleste hypothétique impalpable contre l’Eden terrestre, réellement authentique à portée de main. La discrimination sexuelle des lieux de prière contre la mixité égalitaire humaine dans les espaces publics de liberté en lutte.
Les Algériens troquaient la peur individuelle des autorités divine et étatique contre l’assurance téméraire collective du peuple, désormais confiant en sa force combative inébranlable et invincible. Troquaient la résignation religieuse au sort de l’homme contre l’indignation politique pour révolutionner la vie de l’Algérien.
Troquaient la controverse stérile religieuse, vectrice de division, contre le débat politique fécond, ferment d’union nationale. Les discussions irrationnelles sur la taille de la barbe et la longueur du hijab contre le débat rigoureux portant sur la forme de gouvernement démocratique à établir collectivement et sur le projet de société égalitaire à instaurer en Algérie.
Troquaient la tristesse déprimante d’une vie studieuse écrasée par la misère contre l’enchantement galvanisant de la nouvelle existence séditieuse, animée d’une intrépide volonté de transformer la société algérienne pour une vie sociale meilleure, une scène politique assainie, une économie purifiée mise au service des besoins sociaux et non du profit, encore moins d’une caste gouvernementale kleptomane.
Troquaient les dommageables dissensions ethniques et religieuses préjudiciables au pays contre l’union du peuple laborieux algérien, édifiée au-delà de ses artificiels clivages archaïques et crispations identitaires souvent actionnés par un clan du pouvoir aux fins de cultiver et de fomenter la pernicieuse division, profitable qu’aux oligarques maffieux du régime pharaonique de Bouteflika.
Les Algériens troquaient l’illusoire croyance en tous les partis d’opposition affidés contre l’affirmation du peuple laborieux algérien d’être l’unique véridique et probe représentant collectif oppositionnel, apte à apporter le changement, agent de la transformation socioéconomique et politique authentiquement révolutionnaire.
Troquaient la focalisation du regard vers l’Orient féodal contre l’orientation de la vision sur des optiques culturelles et cultuelles nationales, conformes aux valeurs algériennes contemporaines et à la modernité universelle progressiste. Troquaient la propension renégate de la fuite vers l’Occident décadent, notamment la France raciste et belliciste, contre la proclamation patriotique de bâtir leur destin hic et nunc dans leur propre pays révolutionné.
Troquaient la mentalité de colonisé instillée et entretenue par les pouvoirs dominants locaux, vassalisés, contre l’esprit révolutionnaire déterminé à rendre gorge aux exploiteurs autochtones, et résolu à combattre les impérialistes de tous bords convoitant les richesses de l’Algérie ou animés par des velléités de déstabilisation du pays.
Troquaient la posture de pions sur l’échiquier national manœuvré par des imposteurs révolutionnaires des frontières contre la fonction de maîtres des enjeux politiques de la nation, résolus à se réapproprier les règles du jeu du sort du pays depuis 1962 écrasé par la loi du plus fort, parasité par l’esprit gouvernemental retors. Troquaient les mœurs patriarcales discriminatoires perpétuées perversement par les islamistes contre l’esprit d’égalité des sexes, catalyseur d’une nouvelle société algérienne fondée sur des rapports égalitaires authentiquement humains entre hommes et femmes.
Troquaient la mentalité archaïque fossilisée prisonnière de traditions tribales, sous couleur berbériste kabyle, contre l’esprit rationnel enfin mûr pour se mettre en phase avec notre époque scientifique, servant de tremplin au développement de la critique radicale, à l’épanouissement de controverses philosophiques et politiques fructueuses, vectrices de projets d’émancipation et d’égalisation sociale, de programmes économiques aptes à opérer hic et nunc l’industrialisation et la modernisation de l’Algérie. Aptes à impulser l’embellissement de l’âme algérienne altérée par des années de sévices islamistes terroristes et de maltraitances gouvernementales mafieuses, à réamorcer le raffinement intellectuel de l’Algérien depuis longtemps livré à l’obscurantisme religieux et à l’ignorance scientifique.
K. M.
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