Pour les électeurs sénégalais, Diomaye n’est pas Sonko
Candidat de substitution assumé à Ousmane Sonko, dont la candidature a été invalidée par le Conseil constitutionnel, Bassirou Diomaye Faye fait campagne en surfant sur la popularité de son mentor. Avec « Diomaye Mooy Sonko » (Diomaye c’est Sonko) comme slogan, il espère rameuter les électeurs de 2019 du tribun de Ziguinchor. Pourtant, les différences sont nombreuses entre les deux hommes.
L’élection présidentielle au Sénégal aura lieu le dimanche 24 mars prochain. Elle verra s’affronter une vingtaine de candidats, dont Aliou Mamadou Dia (Bloc démocratique sénégalais), Anta Babacar Ngom (Alternance pour la relève citoyenne – ARC) et Amadou Ba (Benno Bokk Yakaar, majorité présidentielle).
Bassirou Diomaye Faye n’a ni le charisme, ni le talent d’Ousmane Sonko
Il n’est qu’à comparer les talents oratoires des deux hommes pour réaliser à quel point Diomaye n’est pas Ousmane. Comme Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye est certes inspecteur des impôts… mais la comparaison s’arrête là. Une fois lancé dans l’arène politique Bassirou Diomaye Faye n’a pas mis longtemps pour montrer ses limites oratoires.
Loin des discours enflammés et électriques d’Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye est une personnalité effacée, qui ne fait campagne que du bout des doigts en se cachant derrière l’ombre protectrice d’Ousmane Sonko. C’est d’ailleurs Ousmane Sonko qui fait activement campagne depuis sa sortie de prison.
Bassirou Diomaye Faye, qui a la réputation d’être en privé plus radical et moins tacticien que son mentor est incapable d’incarner son projet et apparait pour l’heure comme un simple décalque de son mentor. Loin d’être idéal pour convaincre les électeurs de lui faire confiance et de lui confier les rênes de la démocratie sénégalaise pour les cinq ans à venir.
Une lutte fratricide et un divorce annoncé entre Diomaye Faye et Sonko,
Mais que se cache-t-il derrière l’apparente docilité de Bassirou Diomaye Faye ? Son ambition et la haute estime qu’il a de lui-même sont de notoriété publique à Dakar. Peut-on imaginer qu’il remporte l’élection présidentielle et s’efface derrière Ousmane Sonko ? C’est peu probable et les Sénégalais s’attendent plutôt à une guerre fratricide entre les deux Patriotes.
Bassirou Diomaye Faye a besoin d’Ousmane Sonko pour se faire connaitre des électeurs et gagner la légitimité qui lui manque. Mais s’il vient à être élu à la fonction suprême, la dynamique changerait instantanément et Ousmane Sonko deviendrait pour lui l’ennemi numéro un. A travers l’histoire et partout dans le monde, ce genre de petits arrangements entre amis politiques a toujours accouché du même résultat : un divorce violent.
Si les deux hommes partagent des estrades et se donnent l’accolade comme des frères, ils se préparent l’un et l’autre à un duel qui est inévitable, quel que soit le résultat de l’élection. Si Bassirou Diomaye Faye se rapproche du score d’Ousmane Sonko en 2019 (19% des voix), et même s’il ne se qualifie pas pour le second tour, il voudra s’approprier ses voix et devenir le leader naturel du mouvement Patriotes. Ce qu’Ousmane Sonko, à juste titre, n’acceptera jamais.
Et si Bassirou Diomaye Faye venait à s’imposer lors du scrutin du 24 mars ? Les choses seraient encore pire, et tout semble en place pour un blocage institutionnel généralisé. Diomaye propose en effet la création d’un poste de vice-président, évidemment dévolu à Ousmane Sonko. La guerre larvée deviendrait guerre ouverte et les institutions du pays seraient en mort cérébrale pour les 5 années à venir.
L’affaire des montres de luxe crée le malaise au sein de la campagne des Patriotes
Une anecdote résume l’ambiance délétère et le niveau d’amateurisme au sein de la campagne de Bassirou Diomaye Faye. De nombreuses questions se posent depuis plusieurs semaines sur une supposée collection de montres de luxe que possèderait l’ancien inspecteur des impôts. Et les questions d’affluer sur le prix d’une telle collection, qui semble inabordable avec un traitement de fonctionnaire.
Une polémique à laquelle le candidat des Patriotes ne parvient pas à s’extirper, démontrant que Bassirou Diomaye Faye n’était peut-être pas prêt pour être sous le feu des projecteurs, et que le niveau d’exposition d’une campagne présidentielle est à nulle autre pareille. Longtemps conseiller de l’ombre, Diomaye n’est pas Ousmane. Il n’a pas encore le cuir assez épais pour faire face à une presse sénégalaise qui ne fait pas de cadeaux.
Une impression d’amateurisme qui concerne également son programme et les personnes qui pourraient être appelés à gouverner la plus grande démocratie d’Afrique de l’Ouest en cas de victoire électorale. Le mouvement des Patriotes bénéficie d’une base électorale élargie, mais demeure un parti de contestation qui préfère dénoncer les errements de ceux qui gouvernent plutôt que de se pencher sur des solutions concrètes et réalistes pour faire changer les choses. D’ailleurs, 80% des électeurs Patriotes estiment que leur parti ne sera pas en mesure de gouverner efficacement avant 5 ans.
R. I.