Abdallah Zekri : «Les faits démentent les élucubrations ineptes de Kamel Daoud»
Algeriepatriotique : Kamel Daoud vient de signer un article dans Le Point, où il affirme que l’islamophobie en France n’existe pas et que c’est une invention des islamistes. Cette allégation ne contredit-elle pas vos chiffres ?
Abdallah Zekri : Kamel Daoud peut dire ce qu’il voudra, les faits sont têtus. Les chiffres qui me parviennent confirment que l’islamophobie prend bel et bien des proportions alarmantes en France. L’observatoire que j’ai l’honneur de présider et le Conseil français du culte musulman (CFCM) s’inquiètent fortement de l’effrayante montée de la haine des musulmans, du racisme et de la xénophobie. Ce prosateur à la commande a beau faire de la propagande pour ceux qui l’ont fait «écrivain» et qui, ainsi, accusent toutes ces instances de mentir sur la véritable situation des musulmans en France, cette sortie participe justement de cette machination médiatique qui pousse la communauté musulmane à vouloir quitter la France où elle se sent de plus en plus fustigée dans les médias et par une certaine classe politique qui se sert de ces mercenaires de la plume pour la jeter en pâture.
Comment expliquez-vous cette recrudescence de l’islamophobie en France ?
Il n’y a malheureusement pas qu’en France que ce phénomène est observé. Les terribles événements qui se déroulent au Proche-Orient allaient forcément être importés en France. On le voit aujourd’hui avec les blocus des universités par des étudiants qui militent pour que cesse la guerre meurtrière à Gaza. Cette action estudiantine, qui a commencé aux Etats-Unis et qui s’est étendue à de nombreux autres pays sur tous les continents, est venue apporter une sorte d’équilibre dans le traitement de ce conflit, après que les gouvernements et les médias occidentaux ont clairement apporté leur soutien inconditionnel à Israël. On constate, depuis ce soulèvement pacifique de la jeunesse intellectuelle, qu’il y a une dichotomie entre les gouvernants et leurs puissants leviers de communication, d’un côté, et, de l’autre, une société qui refuse le bellicisme de ses dirigeants politiques.
Ces cercles que vous citez, pour le compte desquels roulent Kamel Daoud et Boualem Sansal, entre autres, sont prolixes lorsqu’il s’agit de dénoncer l’antisémitisme. Pourquoi ces deux poids et deux mesures, selon vous ?
J’ai souvent dénoncé cette ambivalence dans la dénonciation de l’antisémitisme et de l’islamophobie. C’est quand même outrageant d’entendre ce Kamel Daoud s’offusquer de ce que nous prévenions sur un état de fait avéré. Je me demande d’ailleurs pourquoi il a signé ce texte ridicule maintenant, au moment où le monde entier est vent debout contre les crimes abjects commis en Palestine. Qui cherche à détourner l’attention des Français par le truchement d’un écrivain-alibi, dont les écrits redondants sont façonnés dans un moule préfabriqué reconnaissable dès les premiers mots rédigés dans quelque officine raciste à la manœuvre pour semer l’effroi chez les musulmans de France et les pousser à chercher la tranquillité sous d’autres cieux moins hostiles ? La réponse à cette question est, à vrai dire, connue.
Comment voyez-vous la suite de cette situation malheureuse pour les musulmans en France ?
Il y a une tendance à la radicalisation des positions de part et d’autre. De nombreuses sources ont fait état du dangereux comportement de certaines personnalités qui bénéficient d’une grande médiatisation et qui appellent à créer des milices armées en France pour s’en prendre aux musulmans. Parmi ces nervis, un certain Frank Tapiro, qui n’est pourtant nullement inquiété par les services de sécurité, bien qu’un collectif d’avocats français ait attiré l’attention du ministre de l’Intérieur sur ses agissements, dans un récent courrier. L’Etat est pleinement responsable de la sécurité et du bien-être des Français de culte musulman et son intervention ferme et rigoureuse contre ces énergumènes qui activent librement et dangereusement est plus que nécessaire. Sinon, la France risque d’atteindre un point de non-retour. Alors, il sera trop tard. Ces responsables, qui dissimulent la vérité sous le voile transparent des plaidoyers intéressés de Kamel Daoud, ne pourront pas dire que nous n’avons pas averti, lorsque tout retour en arrière sera impossible.
Propos recueillis par Nabil D.
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