La police française transformée en une milice au service de la bourgeoisie
Une contribution de Khider Mesloub – La police française est, à double titre, suicidaire. D’une part, au plan sociologique et politique, du fait de sa transformation en milice privée assignée à la protection de la bourgeoisie, par son sacrifie à la défense exclusive des intérêts de la classe dominante. D’autre part, au plan médical, du fait de sa fragilisation psychologique induite par la surcharge de travail, par son passage à l’acte suicidaire.
Le policier français contemporain, ce prolétaire en uniforme, la mort dans l’arme, se voue ainsi corps et âme à la protection des puissants. En tout cas, ces dernières décennies, par sa fonction suicidaire il a payé un lourd tribut à la défense de la tribu des riches. Ce représentant de l’État est en mauvais état psychologique.
En France, depuis vingt ans plus de 1 100 policiers se sont suicidés. Chaque année 44 suicides sont recensés en moyenne dans la police. Un taux de suicide supérieur de près de 50% à celui de la population française. Et selon les organisations syndicales de la police, rien ne semble pouvoir assurer une décrue de ces passages à l’acte. De surcroît, les suicides sont favorisés par un accès immédiat aux armes à feu, impliquées dans une majorité de cas. C’est ce qui s’appelle, au sens propre, se tuer à la tâche, à force d’épuisement professionnel et abattement psychologique.
Pour l’association SOS Police en détresse (association d’entraide entre policiers), sur les plus de 6 000 appels reçus chaque année depuis 2021, «le diagnostic» est «un syndrome de stress post-traumatique par accumulation» qui «conduit à la dépression». Plusieurs études ont démontré que 24% des policiers se disent confrontés à des pensées suicidaires.
Selon les organisations syndicales, l’augmentation des suicides au sein des effectifs de la police est imputable à la détérioration de leurs conditions de travail. Ces deux dernières décennies, l’état psychologique des policiers ne cesse de se dégrader, incitant certains à recourir au suicide.
Pour parer à ce fléau, en 1996, la Direction générale de la police nationale (Direction des ressources et des compétences de la police nationale) s’est dotée d’un service de soutien psychologique opérationnel (SSPO) à visée psychothérapeutique et préventive, qui compte aujourd’hui 122 psychologues. Pour porter ce programme de lutte contre le suicide, une «cellule alerte prévention suicide» a notamment été créée en avril 2019. Le phénomène du suicide des policiers est alarmant. En tout cas, il sévit dans de nombreux pays occidentaux dits «démocratiques».
Contrairement à une idée répandue, la police œuvre et sévit plus massivement dans une démocratie que dans une dictature. Il y a moins de voyous à écrouer et de manifestations permanentes à réprimer. Etre policier dans une dictature est une sinécure. En France, pays «démocratique», comme nous l’avons souligné plus haut, les policiers se suicident plus que toutes les autres catégories socioprofessionnelles. Et pour cause.
Ils passent leur temps à réprimer la délinquance chronique et les manifestations sociales et politiques. La dictature est fondée sur l’interdiction, donc nul besoin de répression. La démocratie, sur la répression permanente, faute d’interdiction. Avec la dictature, l’interdit est fixé en amont, donc la répression virtuelle dissuasive agit à plein régime. Avec la démocratie, la répression réelle sévit en aval, faute d’interdit.
De manière générale, la flambée des suicides des policiers s’inscrit dans un contexte de déclin de la France. Depuis deux décennies, avec l’aggravation de la crise économique et la prolifération des révoltes populaires, condamnées à se pérenniser, la tranquillité de la vie de la bourgeoisie n’est assurée qu’au prix de la mort des policiers, et de l’agonie physique et psychique des ouvriers surexploités sur leurs lieux de travail.
C’est la cruelle réalité. De nos jours, en France la police ne remplit plus sa mission de lutte contre la délinquance et le crime (inhérents par ailleurs à la société de classe). Elle est désormais réduite à assurer l’unique mission de sauvegarde des intérêts de la bourgeoisie en butte à la fronde sociale récurrente.
Le comble de l’absurdité, c’est que la police française, cette force censée «sécuriser» la population, n’aura jamais autant vécu dans un état d’insécurité physique et de détresse psychologique ; et parallèlement, jamais elle n’aura fait planer autant la terreur de l’Etat sur tous les «citoyens».
Aujourd’hui, en France, la police travaille dans et par la terreur. La vie du policier est émaillée d’agressions verbales et physiques, parfois létales. Il ne se sent nulle part en sécurité, lui dont la fonction est d’imposer la sécurité… des possédants.
Le policier français n’est aucunement respecté, y compris par la classe privilégiée qu’il protège. Ni par son employeur (cet Etat «terroriste social» appliqué actuellement à exploser la vie des travailleurs par ses mesures meurtrières antisociales) qui, de plus en plus, ne le recrute que pour assurer les basses besognes répressives contre la majorité de la population française et immigrée précarisée et paupérisée, acculée à la délinquance ou contrainte de se révolter par un système inique. Ni par une majorité de la population victime de violences forcenées policières.
Au reste, les villes populaires gangrenées par la misère et l’insécurité, du fait des restrictions budgétaires, sont livrées aux multiples mafias, transformant la vie des résidents en cauchemar. Tandis que les quartiers bourgeois, devenus des ghettos bunkérisés, sont surprotégés non seulement par une police publique pléthorique mais également par des agences de sécurité privées.
De manière générale, en France la plupart des fonctionnaires de police, ces ouvriers en uniforme, subissent ainsi une double pression, une double punition, matérialisée par l’augmentation exponentielle de la consommation de psychotropes.
Le policier français contemporain est autant perclus de maladies pathologiques que la population victime de sa violence hystérique incontrôlée commandée par la conjoncture actuelle de crise économique systémique régulée chaotiquement par la répression étatique.
En effet, en France une proportion importante de policiers est atteinte de maladies psychiatriques. La profession est en proie à une véritable hécatombe existentielle. En son sein, on observe une multiplication des arrêts maladie de longue durée. Une dislocation alarmante des familles. Une flambée des divorces. Une amplification des démissions. Et bien sûr une explosion du nombre de suicides, provoqués par la politique d’affrontement instituée par tous les gouvernements successifs pour gérer violemment les mouvements sociaux fréquemment en révolte contre la dégradation des conditions sociales engendrée par les mesures antisociales décrétées par tous les pouvoirs de gauche comme de droite (mais aussi par l’augmentation exponentielle de l’insécurité dans toutes les villes rongées par le trafic des stupéfiants et la délinquance).
En France, la gestion de la crise par la violence est devenue l’unique moyen de gouvernement de la bourgeoisie décadente. Sa ligne politique de négociation se résume en l’alignement de troupes de forces policières postées sur les lieux névralgiques afin d’étouffer dans le sang toute contestation sociale.
La police est devenue l’unique feuille de route des dirigeants politiques français, leur seul programme «politique». Cette police qu’ils dressent vainement comme une forteresse pour se protéger de l’assaut du prolétariat paupérisé exaspéré et furibond, en vue de perpétuer leur système capitaliste en décomposition. La police est le dernier rempart de l’Etat capitaliste français en déclin, incapable d’assurer «sa mission providentielle» de sécurité sociale et économique provisoirement accordée à la population laborieuse au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, le Léviathan, incarné par la Macronie, dévoile sa vraie nature répressive, totalitaire, fasciste.
Pourtant, notamment au travers du discours des syndicats officiels, aucune voix ne s’élève pour dénoncer les responsables de la dégradation des conditions de travail de ces policiers transformés en véritable milices privées chargées de la protection exclusive des classes possédantes, des groupes privilégiés. Bien au contraire. Une chape de plomb s’est abattue sur les récriminations des policiers réduits au silence. Ne sont-ils pas contraints au droit de réserve. Cette loi du silence résumée par cette sentencieuse devise étatique : «travaillez à réprimer et taisez-vous. Ne discutez pas les ordres. Ne provoquez pas de désordre. Car notre ordre établi capitaliste repose sur votre obéissante besogne répressive aveugle, aveuglante, et surtout paralysante, mais aussi meurtrière.»
En tout état de cause, la police française, ces prolétaires en uniformes, doit comprendre de quel côté de la barricade se situe ses véritables alliés. Elle ne devrait pas continuer à adopter ce comportement suicidaire en se sacrifiant pour la défense de la classe dominante décadente. A réprimer ses frères de classe pour sauver un système capitaliste sénile pourvoyeur de violences sociales infligées à toute la population laborieuse et de guerres imposées aux peuples de nombreux pays.
Au demeurant, avec l’aggravation de la crise économique, les révoltes sociales vont se multiplier et se radicaliser. Or, la bourgeoisie française dégénérée est dans l’incapacité d’accorder la moindre concession aux revendications sociales des travailleurs en lutte, pour ne pas déplaire aux patrons et financiers, mais aussi pour éviter d’intensifier le déficit budgétaire.
Aussi, l’Etat des riches va continuer à s’abriter derrière le bouclier policier pour tenter vainement d’éteindre les inévitables incendies sociaux provoqués par sa politique antisociale.
Au final, pour éviter l’accentuation de l’hécatombe suicidaire policière, il ne reste à la majorité des fonctionnaires policiers français enrôlés dans cette guerre sociale contre le peuple, la désobéissance, la démission, ou encore mieux, leur ralliement au combat du peuple des travailleurs en lutte contre l’Etat bourgeois et son système pathogène capitaliste. L’histoire foisonne de ces moments de fraternisation entre la police et le peuple, entre l’armée et le peuple, pour abattre l’ennemi de classe commun.
Aujourd’hui, le peuple laborieux de France, de toutes origines et religions, lance ce cri d’alerte aux policiers : ne vous suicidez pas pour cet Etat capitaliste déliquescent incarné la Macronie ! Rejoignez-nous sur la barricade sociale ! Comme le scandaient certains Gilets jaunes à de multiples occasions lors des manifestations de 2019 : «Vous êtes des pauvres en bleu, nous sommes des pauvres en jaune», nous avons besoin de votre force pour neutraliser les criminels sociaux capitalistes installés aux commandes de l’Etat des riches, ces responsables de la dégradation généralisée des conditions sociales des classes laborieuses, des violences, de la répression, des suicides des policiers comme des autres travailleurs.
K. M.
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