Crimes coloniaux français : ces témoignages qui donnent raison à Jean-Michel Apathie
Une contribution d’Aziz Ghedia – Sachant que, depuis plusieurs mois maintenant, il se passe véritablement une guerre médiatique menée par l’extrême-droite et une partie de la droite française contre l’Algérie, il serait utile de présenter les témoignages de certains Algériens qui ont vécu ces «années de braise» pour apporter de l’eau au moulin du chroniqueur français Jean-Michel Apathie, qui a fait l’objet de lynchage par la bien-pensance parisienne.
Ces témoignages sont repris d’un livre biographique titré Arkassen (*) que j’ai édité à compte d’auteur, en Algérie, dernièrement.
Voilà.
Pour mater la population, qui apportait son soutien aux maquisards disséminés dans la région, et donc le soutien à la Guerre d’Algérie, les militaires français utilisèrent tous les moyens possibles et imaginables. Toutes les ruses avaient été utilisées. Mais rien à faire. Aucun retour en arrière n’était envisagé aussi bien par les moudjahidine et leurs chefs militaires et politiques que par la population qui s’était fixé pour objectif la décolonisation, la délivrance du pays du joug colonial, en un mot l’indépendance. On alla même jusqu’à interdire aux villageois d’aller travailler dans leurs champs dans l’objectif évident de provoquer une famine, à l’échelle locale, et, conséquemment, engendrer l’impossibilité matérielle de présenter tout soutien aux maquisards. Mais, au bout de quelques jours, la population se montra plus déterminée à accepter le sacrifice et, bravant tous les dangers, rejoignit, en masse, bêtes et hommes, hommes et femmes, les champs.
Refusant l’ordre d’interdiction de la cueillette des olives instauré par l’armée française, le village de Bouhamza fit l’objet de représailles et fut bombardé en 1958 pendant deux jours de suite. Il y eut plus de 179 personnes tuées. Le deuil régna dans le village pendant plusieurs jours.
Par la force donc, les militaires français réussirent à imposer leur ordre, leur loi inique et impitoyable. Mais, encore une fois, pour une courte période. Le temps que le village enterre ses morts et fasse son deuil. Progressivement et malgré la férocité des militaires français qui continuaient à surveiller les moindre faits et gestes des villageois, la vie reprit, progressivement, son cours naturel.
La sortie de la population dans les champs et la reprise de l’activité agricole constitua sans aucun doute une bouffée d’oxygène pour les moudjahidine en permettant leur ravitaillement en denrées alimentaires et en leur donnant des informations sur les mouvements des soldats français. Tout cela dans un secret absolu. Après ce terrible épisode qui, par certains de ses aspects, s’apparentait à la politique de la terre brûlée, mais qui ne donna pas de résultats concrets, les militaires français passèrent à autre chose : l’arrestation arbitraire de villageois suspects de «collaboration» avec les maquisards. Les guillemets sur le mot collaboration se justifient, de mon point de vue, par deux choses. Primo, il ne s’agissait pas, à vrai dire, pour les Algériens, d’une collaboration puisque les maquisards n’étaient pas l’ennemi. Il était plutôt du devoir de chaque Algérien d’apporter son soutien inconditionnel, totalement désintéressé, à ces moudjahidine qui se battaient pour libérer le pays du joug colonial. D’autre part, avec ce mot «collaboration», l’allusion est parfaitement claire. Elle se rapporte à la période sombre de la France et de son régime de Vichy lors de la Seconde Guerre mondiale.
Les gaz toxiques, qui étaient pourtant interdits pas les conventions internationales, auraient été utilisés par l’armée française contre 19 combattants du village Mahfouda, qui s’étaient réfugiés dans une grotte appelée Cheffa Thamellalet (Ravin Blanc). Ils refusèrent de se rendre. Par hélicoptère, on leur largua ces gaz mortels. Les corps furent ensuite jetés dans la rivière du haut d’une falaise.
Jusqu’à nos jours d’ailleurs, dans le village, lors de réunions familiales par exemple, on évoque parfois avec force détails les souvenirs tragiques de cette guerre. On a beau dire qu’avec le temps les souvenirs s’estompent et finissent, à la fin, par être oubliés, mais, s’agissant de faits liés à la guerre de Libération nationale, qui avaient touché les gens dans leur dignité et parfois leur chair, ils restent vivaces et transmis de génération en génération.
Force est de reconnaître, aujourd’hui, que notre région a payé un lourd tribut pour la libération de notre pays. Le cimetière des martyrs, sis à Touddart, en est témoin. On y dénombre 193 tombes de martyrs, dont 13 de notre propre famille. De ce fait, le village Touddart a été surnommé «L’Aurès de la petite Kabylie». En effet, c’est à partir des Aurès que les premières balles de la Guerre d’Algérie furent tirées, lors de la nuit de la Toussaint, en 1954. La dynamique révolutionnaire s’était étendue ensuite à tout le pays et en particulier dans sa partie nord, et notamment en Kabylie.
Par ailleurs, je ne peux passer sous silence le cas d’un de mes cousins qui fut brûlé au napalm au point d’être réduit en cendres. Selon des témoignages, de son arme calcinée, il ne restait que certaines pièces métalliques sur le lieu de la bataille. Il faut dire que la sauvagerie du colonialisme français n’avait pas d’équivalence. Ce sont là des faits établis historiquement. Ils sont, de mon point de vue, irréfutables.
A. G.
(*) Arkassen : souliers rafistolés à partir de peau de bête.
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