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Le pseudo-intellectuel Boualem Sansal et le pari perdu de l’extrême-droite française

Par Sid-Ahmed Ghoul – L’arrestation en Algérie de l’écrivain Boualem Sansal, figure polémique de la littérature francophone et critique de longue date de l’islam et de l’Algérie, a suscité de nombreuses réactions en France. Mais c’est surtout dans les milieux d’extrême-droite que l’affaire a pris une dimension politique singulière. Le cas Sansal dépasse largement l’enjeu de la liberté d’expression : il devient l’illustration d’un rapport de forces avec l’Algérie et d’une vision politique axée sur un discours identitaire.

Ce phénomène n’est pas nouveau. Des voix, à travers les médias de désinformation, ont toujours existé pour valider des thèses préexistantes sur l’islam, l’immigration ou le monde postcolonial. Mais l’affaire Sansal en offre une belle opportunité à l’extrême-droite qui voit en lui le porte-parole idéal.

Depuis de nombreuses années, l’extrême-droite française, tente, en vain, de récupérer chaque évènement anti-algérien et anti-islam en accordant une place particulière à des pseudo-intellectuels issus de pays musulmans qui critiquent l’islamisme (islam politique) ou les Etats (dits régimes autoritaires). Mettre en avant ces «témoins légitimes», pour reprendre l’expression des politologues, est plus que nécessaire pour renforcer l’argumentaire identitaire cher à l’extrême-droite.

Boualem Sansal, comme son ami Kamel Daoud, entre parfaitement dans cette grille de lecture. Ancien haut fonctionnaire algérien, écrivain primé, pseudo-intellectuel laïc impitoyable envers son pays d’origine avec toutes ses composantes politiques, religieuses et culturelles, Sansal réunit tous les attributs de la figure que l’extrême-droite peut aisément ériger en icône.

Dans les discours médiatiques, son arrestation est perçue comme un acte répressif ponctuel d’un régime autoritaire. Elle est même interprétée comme un «système islamiste» qui mène une guerre contre l’Occident, et particulièrement la France.

Si la récupération de l’affaire Sansal a trouvé un écho chez les partisans de l’extrême-droite, c’est aussi parce qu’elle se déploie sur un terrain sous haute tension : celui des relations franco-algériennes et des mémoires postcoloniales.

Depuis plusieurs décennies, l’Algérie occupe une place stratégique dans la rhétorique identitaire. Elle nourrit les anxiétés postcoloniales, se focalise sur les tensions autour de l’immigration et sert de référence constante pour dénoncer la supposée inaction et passivité de la diplomatie française. Dans ce contexte, toute affaire impliquant un intellectuel algérien dissident devient immédiatement surchargée de sens.

L’arrestation de Sansal est l’occasion de faire ressurgir un imaginaire ancien : celui d’un «régime algérien» (et non Etat) décrit comme intrinsèquement oppressif, hostile aux valeurs de la République.

L’affaire Sansal est, pour l’extrême-droite, une nouvelle opportunité pour critiquer la diplomatie française décrite comme incapable de défendre ses valeurs avec fermeté. Ainsi, le cas Sansal devient un prétexte pour entrer en conflit avec l’Algérie. C’est une stratégie de précampagne électorale afin d’arriver au pourvoir.

Dans la sphère médiatique gravitant autour de l’extrême-droite, Sansal a rapidement été intégré dans un récit civilisationnel structuré. Chroniques, podcasts, chaînes vidéo et tribunes reprennent les mêmes éléments de langage : un écrivain laïc opprimé, menacé et censuré par le «régime» algérien pour ses critiques. Mais cet événement isolé est présenté comme un affrontement plus vaste entre un héritage occidental attaché aux libertés et un héritage arabo-musulman supposé incompatible avec ces valeurs. C’est un pattern culturel profond qui étouffe les voix dites éclairées. Par conséquent, le portrait de sansal correspond parfaitement à la mission qu’on va lui imposer. L’écrivain devient un personnage, une fonction dans un récit fabriqué par l’extrême-droite.

Cette extrême-droite française qui mène depuis plusieurs années une «bataille culturelle» visant à imposer une vision du monde fondée sur l’opposition civilisationnelle, la critique de l’islam et du pouvoir algérien. Notre écrivain sélectionné mène cette bataille par procuration. L’affaire Sansal s’inscrit dans ce cadre.

Boualem Sansal croyait que ses mots suffiraient à fissurer le mur algérien. Et pourtant, même libéré il reste vaincu. Quant à l’extrême-droite, qui l’avait porté comme étendard, elle a été humiliée. Tandis que la diplomatie algérienne n’a rien eu d’autre à faire que d’attendre. Pas un mot, pas un scandale. Juste la sagesse qui parle. Et la vérité éclate : quand vous touchez au noyau culturel de l’Algérie, on ne vous entend même pas.

S.-A. G.

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