Par Karim B. – L’annonce, par le journal espagnol The Objective, d’une possible visite du président Abdelmadjid Tebboune à Madrid a relancé les spéculations autour des relations entre Alger et la capitale espagnole, qui ont connu une nette amélioration ces derniers mois. A ce stade, la présidence de la République n’a émis aucun commentaire, laissant planer le doute sur une éventuelle réponse positive du chef de l’Etat à l’invitation du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez.
Cette invitation n’est pas anodine. Elle intervient au lendemain d’une profonde brouille diplomatique entre les deux pays, déclenchée lorsque Pedro Sanchez avait apporté son soutien personnel au plan d’autonomie marocain pour le Sahara Occidental. Cette prise de position avait provoqué une onde de choc au sein même de la classe politique espagnole où plusieurs voix s’étaient élevées pour dénoncer une décision unilatérale et contraire à la tradition diplomatique espagnole sur ce dossier sensible.
La question d’une éventuelle visite de Tebboune à Madrid se pose d’autant plus que le chef du gouvernement espagnol s’apprête à recevoir le Premier ministre marocain, Aziz Akhannouch. Un geste perçu à Alger comme un renforcement supplémentaire du rapprochement entre Madrid et Rabat, au détriment d’un équilibre dans les relations régionales. Cet agenda diplomatique serré complique davantage la perspective d’un déplacement du président Tebboune sur le sol espagnol.
A cela s’ajoute un autre élément symbolique, la décoration par l’Espagne du tortionnaire Abdellatif Hammouchi, le patron des services de renseignement et de la police marocains. Une distinction qui a surpris nombre d’observateurs et qui, côté algérien, a pu être interprétée comme un signal supplémentaire du parti pris de Madrid dans les équilibres régionaux. Alors que l’Algérie demeure extrêmement sensible à toute évolution perçue comme un soutien au Maroc dans le dossier du Sahara Occidental, cette décoration paraît peu propice à l’apaisement.
Dans ce contexte, l’Espagne semble jouer une partition délicate, multipliant les gestes envers Rabat tout en cherchant à renouer les fils du dialogue avec Alger, partenaire stratégique sur les plans énergétique et sécuritaire. Un exercice d’équilibrisme diplomatique qui, jusqu’ici, produit davantage d’incertitudes que de résultats tangibles, malgré un dégel progressif.
Reste la question essentielle : l’Algérie acceptera-t-elle d’entrer dans ce jeu ? Pour l’heure, le silence de la présidence de la République peut être interprété de plusieurs manières. Prudence, attente de signaux plus clairs de Madrid ou volonté de maintenir la pression diplomatique. Une éventuelle visite de Tebboune serait, sans aucun doute, un geste fort, susceptible de relancer un dialogue rompu. Mais elle pourrait aussi être perçue comme une concession dans un contexte où l’Espagne semble multiplier les marques d’amitié envers le Maroc.
Alors que la diplomatie espagnole tente de rééquilibrer ses relations dans la région, c’est désormais à l’Algérie de décider si les conditions d’un rapprochement sont réunies.
K. B.


