Des islamistes exacerbent les tensions à Ghardaïa et traitent les ibadites d’«ennemis de Dieu»
Les islamistes ne veulent pas rater cette aubaine qui leur est offerte par les événements qui secouent la vallée du M’zab pour tenter d’appliquer leur funeste dessein qui consiste à aggraver les dissensions entre les deux parties en conflit : les Chaâmba, qui sont de confession malékite, et les Mozabites de rite ibadite, profitant de l’absence des forces politiques saines dans cette région, livrée à elle-même depuis plusieurs mois. Une vidéo qui circule depuis deux jours sur les réseaux sociaux montre bien des militants intégristes à l’avant-garde d’une marche de protestation organisée par la population malékite à Ghardaïa, suite à la mort de trois jeunes dans les derniers affrontements à Ghardaïa, et scandant des slogans anti-ibadites du genre : «La Ilah illa Allah, el-ibadhi ‘aduw Allah ! » (les ibadites ennemis de Dieu). D’un point de vue religieux, c’est un appel clair à la haine et à l’excommunication de toute une communauté dont les pratiques religieuses n’ont pourtant jamais posé problème, depuis leur installation dans cette vallée du M’zab au Xe siècle, suite à la chute de la dynastie des Rostémides dont ils étaient issus. Ces images confortent, en tous cas, la thèse selon laquelle l’acharnement constaté contre la communauté mozabite trouve, en partie, son explication dans l’embrigadement de ces groupes de jeunes désœuvrés par des gourous fanatiques qui leur décrivent les ibadites comme des impies, voire comme des kharidjites ou des apostats, que la religion ordonne de combattre. Ces thèses takfiristes sont aujourd’hui crânement brandies par des prédicateurs algériens sous influence wahhabite, à l’image d’un certain Belaïd Abdellaoui qui sillonne le pays pour donner des conférences sous couvert de «colloques scientifiques» pour dispenser en toute impunité cette pensée rigoriste et dangereuse de l’islam, qui appelle à la discorde dans sa perception la plus primitive. Ce cheikh autoproclamé a été invité en novembre dernier à un «séminaire» organisé au sultanat d’Oman, sous le thème «Les kharidjites et leur survie jusqu’à l’avènement de l’Antéchrist», et diffusé par la chaîne de télévision intégriste à capitaux saoudiens Iqraa. Dans son intervention lue par un de ses disciples, Mohamed Hamen (photo), qu’il a délégué, Belaïd Abdellaoui explique que la secte des kharidjites, dans son acception des temps modernes, n’existe plus que sous la forme de la Jama’a al-ibadhiya, disséminée à travers cinq pays : le Bahreïn, la Libye, la Tunisie, l’Algérie et le Yémen. En s’appuyant sur des hadiths jamais authentifiés et des interprétations farfelues de quelques «oulémas» connus pour être des références de tous les mouvements intégristes, tels qu’Ibn Taimiya, le prédicateur algérien avance sans sourciller que les kharidjites – et, par extension, les ibadites – sont «substantiellement destructeurs et semeurs de fitna», au motif, selon lui, qu’ils véhiculent «une fausse interprétation du Coran et de tous les préceptes de l’islam». «Ils sont aussi dévoyés que les gens de Takfir wa-hijra», dira-t-il encore. Mais à aucun moment, il n’a cité des exemples pour étayer ses propos, ni fourni la moindre preuve irréfutable de cette condamnation.
R. Mahmoudi