Une contribution de l’Anaaf – Ces électeurs algériens qui ont fait barrage au Front national(*)

Après les récentes élections régionales en France, l'extrême droite est en pleine forme et nous rappelle son ascension politique fulgurante à partir de 1930. Elle se distingue aujourd'hui par une propagande haineuse dont il faut savoir décoder les messages multiples que ses dirigeants actuels ont su maquiller pour les jeunes d'aujourd'hui. Certains éléments de langage et les «problèmes» pointés par le Front national sont, de nos jours, repris par la plupart des mouvements politiques français, que ce soit à gauche ou à droite. Et l'opinion semble, pour une grande majorité, adhérer avec beaucoup de conviction à certaines idées du parti extrémiste. Ainsi, 72% des sondés pensent que l'on ne défend pas assez les valeurs traditionnelles de la France, soit une augmentation de 9% par rapport à 2012.
Encore plus éloquent, 54% des Français interrogés jugent que l'on accorde trop de droits à l'islam et aux musulmans en France. On retrouve le même pourcentage en ce qui concerne l'immigration, considérée comme trop importante. Par ailleurs, 47% des personnes interrogées pensent que le Front national ne représente aucun danger. C'est le taux le plus fort depuis 30 ans, qui indique une véritable banalisation des idées de ce parti dont la présidente – Marine Le Pen – a su habilement redorer l'image auprès de l'opinion en mettant en avant de nouvelles têtes d'affiche lors des élections.
Dans cette stratégie, la présidente du Front national tente de camoufler au maximum ses partisans les plus extrémistes, en n'hésitant pas à condamner leurs propos. L'épine dans le pied de Marine Le Pen reste, cependant, son père qui, avec des déclarations très condamnables et pour beaucoup infamantes, n'arrange pas ses affaires, même si les idées qu'elle défend restent les mêmes que les siennes. Mais la politique de «dédiabolisation» du Front national menée par sa présidente n'explique pas à elle seule sa fulgurante progression électorale lors des récentes élections départementales et régionales.
En effet, ce n'est pas nouveau : lorsqu'un pays est confronté à des difficultés économiques et qu'une majorité de son peuple estime son avenir «identitaire» menacé ou incertain, il se radicalise et cherche des solutions dans les extrêmes. L'exemple le plus marquant reste, bien entendu, celui de l'Allemagne. Après la crise de 1929-1930, la crise économique frappe le pays qui aura jusqu'à 30% de chômeurs. La peur, la colère font qu'Adolph Hitler arriva au pouvoir… Et on connaît la suite.
La seule différence entre aujourd'hui et l'époque hitlérienne, évoquée auparavant, réside dans la stratégie de l'extrême droite face à la prise du pouvoir qui a beaucoup évolué. Plus de chemise brune. Place au costume cravate pour faire «bon chic bon genre».
Par ailleurs, l'extrême droite a également changé de position sur Israël. Pour que «l'Arabe», le «musulman», remplace le «juif» des années 30, tout au long de ce XXIe siècle, et faire oublier son passé trouble sur la question juive, le parti de Marine Le Pen, tout comme ses homologues européens, intègre «la terre de l'Alya» comme territoire faisant partie de l'Occident en guerre contre «l'islam radical». Ce changement important au niveau du discours vise à exploiter la stratégie de la «victimisation». La culture «judéo-chrétienne», en France et en Europe, serait victime d'un islam conquérant dont il faut restreindre les droits et l'exercice de son culte et expulser, si besoin s'en faisait sentir, ceux qui s'en réclament pour préserver les «valeurs» de la civilisation occidentale, considérée comme supérieure, même si elle a été à l'origine de régimes et de systèmes colonialistes et d'apartheid.
Mais, force est de constater que la majorité du peuple français reste encore politiquement consciente. Les électeurs français se sont, en effet, mobilisés de façon exceptionnelle, dimanche 13 décembre, pour faire échec au Front national à l'occasion du second tour des élections régionales. Ils ont, ainsi, voulu exprimer leur rejet de la propagande de parti, et la prolifération de niaiseries, qui ne seraient d'ailleurs pas tolérées dans d'autres secteurs de l'activité sociale, pour mieux affirmer que leur comportement citoyen et électoral ne devait plus être scruté ou analysé politiquement, comme relevant du sentimentalisme ou d'impulsions irrationnelles, mais qu'il est bien fondé sur des décisions émanant de la raison et de la clairvoyance, contrairement à ce qui se passe dans certains pays.
Ils signifient, ainsi, aux candidats et aux partis qui se présenteront à l'avenir à des élections, qu'être prestidigitateur utopique, «soucieux» de leur dignité et de leur bien-être, ne fera plus recette électoralement, car ils n'ont plus envie d'être pris pour des ânes. Ou des veaux… selon la formule prêtée au général Charles de Gaulle. Ils veulent désormais que ceux qui ambitionnent de les gouverner donnent la primauté à la rationalité politique, en se souciant davantage de s'adresser à leur intelligence plutôt que de les fasciner avec des images séductrices et réductrices, comme celles offertes par le Front national.
En se mobilisant le 13 décembre dernier pour faire barrage aux candidats du Front national, les électeurs français ont voulu aussi rappeler, avec force, à leurs élites politiques que le progrès dans la conquête de la liberté entre les hommes n'a été possible que grâce à l'effort de ceux qui ont lutté depuis l'ère de la clarification rationnelle du monde, pour harmoniser les décisions humaines avec des considérations réfléchies sur les options possibles.
La dénonciation de la superstition, de la tromperie, de la manipulation des messages fait partie de la lutte pour une société plus avancée. Une politique dotée de grandeur devrait s'affirmer au travers de ses efforts pour définir les objectifs et dire, de façon honnête, quelles sont les mesures qui permettraient aux citoyens libres d'organiser leur manière de vivre ensemble comme ils l'entendent.
Et c'est grâce à cette saine réaction des électeurs, et de leurs votes au second tour des élections régionales, que le parti de Marine Le Pen n'a conquis aucune région, alors qu'il était arrivé en tête dans six régions sur treize au premier tour et qu'il était en position d'en conquérir au moins trois.
Une fois de plus, certains journalistes et commentateurs politiques des télévisions françaises ont, simplement et volontairement, omis de reconnaître objectivement que les jeunes des banlieues, particulièrement ceux d'origine algérienne, se sont fortement déplacés pour voter au second tour, notamment à Marseille, Lyon , en Île-de-France et dans le Nord pour faire barrage aux candidats du Front national. Que leur participation électorale a été décisive pour l'élection de certains candidats le 13 décembre 2015, alors même qu'ils étaient largement devancés par ceux qui défendaient les idées xénophobes et racistes du parti d'extrême droite.
Pour autant, le danger d'une hypothèque politique sur la démocratie française est-il définitivement écarté pour 2017 ? Au sein de l'Anaaf, nous restons vigilants et continuons le combat pour la dignité, la démocratie et le respect des droits de tous les membres de notre diaspora algérienne.
Alliance des associations des Algériens de France
(*)
Le titre est de la rédaction

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