Le bonheur des wahhabites est dans le malheur du Yémen
Par Mohamed Benallal – «C’est avec les pauvres que les riches se font la guerre.» Louis Blanc.
Les hyènes de l’industrie de l’armement, les loups de l’empire de la haute finance, les monstres de la politique de la loi de la force, les requins de l’intox et de la désinformation, les affreux faiseurs d’opinions et les larbins des pétrodollars s’affolent face àla situation désastreuse que subit actuellement la Syrie, et ce, depuis 2011. Toutes les guerres ont été amorcées sur la base de mensonges. Le Yémen prend la relève dans une nouvelle compétition lugubre et inquiétante à la fois, allant toujours dans le sens tracé par ceux qui ont fabriqué «la politique du printemps arabe». Au Yémen, une opposition, des divisions religieuses entre sunnites et chiites pour mieux incriminer l’Iran, le conflit entre les nordistes et les sudistes, entre les tribus et les nouveaux citadins, toute une macédoine politique pour semer la zizanie dans le pays. Il y a encore cette ingérence que les Ibn Saoud parrainent, il y a aussi le terrorisme, la guerre civile… La condition humaine ne représente point d’intérêt pour un pays de misère, la géographie y est pour beaucoup, le pétrole certainement, le transport maritime international est aussi important que stratégique, etc. La situation sociopolitique est représentée ainsi par les forces tribales chiites «houthies» (zaydites) appariées aux soutiens de l’ancien «dictateur» Saleh, au nord du pays, et les sunnites plutôt «pro-Hadi» (président déchu) au sud.
Le Yémen est la seule république au milieu des monarchies du golfe riches et puissantes. Le Yémen, qui était l’«Arabie heureuse», est aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres de la planète. Le Yémen, c’est aussi le détroit de Bab al-Mandeb (porte des lamentations en arabe) qui surveille l’entrée de la mer Rouge et surtout le golfe d’Aden qui sépare le continent africain du continent asiatique et constitue de ce fait une voie maritime importante pour les échanges mondiaux. Le Yémen représente un intérêt stratégique évident pour l’Arabie Saoudite et bien sûr pour les Etats-Unis très présents dans la région (bases militaires). La position géostratégique et ses nombreuses potentialités ont toujours fait du Yémen un pays convoité par les puissances étrangères et déchiré par des conflits internes entre conservateurs et progressistes qui l’ont rendu instable et difficilement gouvernable. Devant cet état de fait, le Yémen constitue une source d’inquiétude et une menace non seulement pour l’Arabie Saoudite, mais aussi pour les autres royaumes du Golfe qui redoutent que d’éventuelles révoltes politiques et des revendications démocratiques ne s’étendent à toute la région.
La force externe est représentée par la coalition des pays du Golfe menée par l’Arabie Saoudite appuyée fortement par les Américains et donc par l’ONU afin de permettre les excès en matière d’infractions à la loi pour qu’elle soit couverte par la loi de la force. Tout ce beau monde gère malheureusement ce mauvais monde, et tente par tous les moyens de remettre le «pouvoir» yéménite au président Hadi en exil. La Russie a depuis toujours prôné le maintien d’un monde multipolaire et équitable selon les règles contenues dans la charte onusienne. Par ailleurs, il ne faut pas confondre l’ordre mondial tel avancé par les Etats-Unis. Le maintien de l’ordre mondial est une nécessité pour l’ensemble des Etats et non uniquement pour les Etats-Unis, lesquels, en collaboration avec les Occidentaux et leurs vassaux du Golfe, ont détruit progressivement les assises de l’ordre mondial existant, à commencer par la Bosnie et le Kosovo pour passer par l’Irak, la Somalie, le Soudan et la Libye. Il est grand temps que les Etats-Unis changent de stratégie.
Obama sait pertinemment que pour Poutine, le principe de la non-intervention dans les affaires intérieures d’un autre pays est sacré. Obama sait également que ce principe sacré doit s’appliquer tout autant en Syrie qu’ailleurs. Obama s’accorde ce droit «d’intervention» en tant que gendarme du monde. C’est dans cet esprit qu’Obama exige le départ de Bachar Al-Assad.
Lors du G-20 opéré en Chine, Obama et Poutine se sont rencontrés pour trouver un terrain d’entente en vue de mettre fin au conflit en Syrie. Obama a sollicité Poutine pour faire pression sur Al-Assad afin que ce dernier cesse d’attaquer l’opposition syrienne soutenue par les Etats-Unis et l’Otan, il se pourrait également que Poutine ait demandé à Obama de cesser toutes les interventions en Syrie sans l’accord préalable de Bachar Al-Assad et, par la même occasion, lui rappeler fortement qu’il appartenait seul au peuple syrien de décider de ses dirigeants. Cette confrontation entre la Russie de Poutine et les Etats-Unis d’Obama a ceci de particulier : Obama veut être le premier gendarme du monde. Vladimir Poutine, un nouveau leader qui a la force de caractère, mais aussi les puissances des armes pour résister aux pressions des Etats-Unis. Toutes les menaces, les sanctions, et même les ultimatums n’arrivent pas à ébranler Poutine. Au Yémen, des crimes horribles sont commis et un blocus injuste est imposé et ce, dans un mutisme international et une complicité onusienne au détriment de la dignité des Yéménites.
Le bombardement des hôpitaux et des écoles est permis, plus de morts d’enfants et de civils. La destruction quasi générale de l’ensemble des infrastructures d’un des pays les plus pauvres du monde ne semble poser de problème à quiconque dans ce monde, ni même à des ONG. Au Yémen, ils ont mis aussi en jeu Daech et même Al-Qaïda pour mieux s’occuper du terrorisme, un jeu bien connu des Yankees. D’ailleurs, les Américains font tout et surtout avec l’argent des Ibn Saoud pour s’appuyer sur les populations «Hadhramis» pour sécuriser le sud du pays et laisser Daech s’installer pour mieux gérer le chaos à leur profit. Par ailleurs, une immense manifestation non médiatisée, mais bien méprisée par la «presstituée» et les «merdias» TV – Al-Jazeera, Al-Arabia, France 24 – eu lieu dernièrement dans la capitale du Yémen, Sanaa, en soutien au récent conseil formé par les soi-disant «rebelles houthis» pour régenter le pays. Cette manifestation, la plus importante au Yémen depuis le début de la guerre civile, s’est tenue malgré l’intensification des bombardements aériens de la coalition.
Elle a regroupé des dizaines de milliers de Yéménites qui se sont rassemblés, le samedi 20 août 2016, sur une place du centre de la capitale Sanaa pour apporter et affirmer leur soutien aux «Houthis», au moment où le président du conseil politique du mouvement chiite promettait la formation d’un gouvernement dans les prochains jours. Devant ce fait accompli, les représentants de plusieurs pays, dont les puissances occidentales, qui suivent les négociations de paix, ont appelé, dans un communiqué publié récemment, les «belligérants» à cesser les combats, tout en dénonçant «l’initiative unilatérale» des Houthis et de leurs alliés de former un conseil pour gouverner le Yémen. Une annonce qui intervient tardivement, alors que l’ONU, sous tutelle américaine, a tiré enfin et bien en retard la sonnette d’alarme sur les destructions subies par un Yémen pauvre, quelque temps après la décision de «l’ONG Médecins sans frontières» d’évacuer son personnel de plusieurs hôpitaux du nord du pays après un raid de la coalition arabe qui a fait plusieurs morts. Il y a sans doute un embarras croissant des Yankees devant l’incapacité de la coalition à limiter les dégâts en nombre de victimes civiles, surtout femmes et enfants. Les contraintes sont d’autant plus importantes qu’une partie des bombes non conventionnelles utilisées par l’Arabie Saoudite sont fournies par les Yankees.
D’autre part, plusieurs centres de santé, gérés par Médecins sans frontières (MSF) ont été touchés par des raids de la coalition arabe. MSF a ainsi décidé de plier bagage et laisser les Yéménites mourir en paix dans cette sale guerre. Selon MSF, c’est la quatrième fois qu’une structure qu’elle soutient est bombardée au Yémen. Face au tollé international provoqué par cette attaque, une enquête timide dite «indépendante» a été ouverte pour la forme par la coalition. Entre la destruction de centaines de structures sanitaires, économiques, sociales et même sportives, la pénurie d’électricité, d’eau potable et de médicaments, le système de santé est en passe de s’effondrer au Yémen, les routes, les ponts font aussi partie de la destruction. Les Ibn Saoud ont acheté auprès des Etats-Unis et de l’Occident plus d’une dizaine de milliards de dollars d’armement pour punir le Yémen et la Syrie et pour faire face à l’hégémonie iranienne (pays républicain et musulman), alors qu’Israël, ennemi n°1 des Arabes, mène la danse au Moyen-Orient en semant les conflits et la sédition. Tous les pétrodollars de la monarchie du Golfe sont destinés pour enrichir et surtout soudoyer l’Occident et les Etats-Unis, et appauvrir les Arabes et les musulmans.
Avant de terminer cette petite contribution, il est utile d’annoncer que l’armée yéménite a utilisé pour la première fois sa force balistique après plus d’une année de guerre. Elle a tiré un missile baptisé «Bourkane-1» (volcan-1) tiré en direction du cœur du royaume saoudien wahhabite (Taef-base militaire). Les médias vassaux ont qualifié le désastre à Taef comme étant la chute d’une météorite. «Bourkane-1» (longueur 12m) est un projectile balistique de type «Scud», modifié et perfectionné par l’armée yéménite, sa portée est de 800 km. Ce tir a des visées dissuasives, sans pour autant changer l’équilibre des forces en vigueur. L’armée et les comités populaires défendent le Yémen et tirent parfois des missiles, des roquettes légères sur des cibles militaires et même pétrolières dans les régions frontalières yéménites (Najrane, Assir), avec une progression des opérations de commandos dans un mouvement de va-et-vient.
Il s’agit là d’une nouvelle stratégie qui a pour but d’envoyer des messages selon lesquels la dissuasion est à la tête des priorités yéménites et pour faire comprendre aux forces envahissantes que l’armée yéménite détient encore des forces et des quantités d’armements suffisantes qui peuvent frapper au cœur même de l’Arabie Saoudite. La coalition arabe dirigée par l’Arabie Saoudite recourt constamment aux représailles par air contre les cibles civiles et les infrastructures, chaque fois qu’elle essuie un échec militaire.
Entre-temps, le représentant permanent de l’Arabie auprès de l’ONU, Abdallah Moallemi, a sommé dernièrement le Conseil de sécurité de l’ONU de stopper «l’agression yéménite à l’encontre de son pays», il a avancé aussi que «le royaume est victime des tirs irresponsables et des attaques aux missiles balistiques en provenance du Yémen». Selon l’ONU, plus de 6 000 Yéménites, en majorité des civils, ont été tués depuis le début de la guerre saoudienne contre le Yémen, en mars 2015. L’Arabie Saoudite utilise au Yémen des armes américaines interdites par des traités internationaux. Le riche patrimoine culturel du Yémen est lui aussi pris pour cible. Des sites inscrits au patrimoine mondial de l’humanité sont détruits par des bombardements de la coalition. Les vieux quartiers de Sanaa n’ont pas échappé à la destruction.
Ces destructions de l’héritage culturel du peuple yéménite et patrimoine mondial de l’humanité ressemblent étrangement aux crimes perpétrés par l’armée américaine contre l’histoire et la mémoire d’un autre pays qui a vu naître sur son sol de brillantes et splendides civilisations, il s’agit de la Mésopotamie, c’est-à-dire l’Irak aujourd’hui ou tout du moins ce qu’il en reste : c’est sur cette terre que l’écriture et le calcul, entre autres, furent inventés.
M. B.
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