Une comédie française
R. Mahmoudi – La confession est lourde de sens et inédite dans les annales de la diplomatie occidentale, même si elle est quelque peu passée inaperçue. Le ministre français des Affaires étrangère, Jean-Marc Ayrault, accuse ouvertement les Etats-Unis d’avoir provoqué la création de cette hydre à mille têtes nommée Daech. «Nous ne devons pas reproduire l’erreur des Etats-Unis en 2003, intervenus en Irak, de surcroît sans anticiper les suites. L’émergence de Daech est une conséquence de leur intervention», a lâché le ministre socialiste dans une interview au journal parisien La Croix.
Cette sortie annonce-t-elle une nouvelle stratégie de la France dans cette région du Moyen-Orient, après son échec cuisant en Syrie, où elle porte une aussi lourde responsabilité dans la prolifération des groupes terroristes liés à Al-Qaïda ou à son ersatz ? Rien n’est moins sûr. Paris reste trop dépendante de ses marchés d’armement avec les monarchies du Golfe. D’ailleurs, le gouvernement Valls fait actuellement des pieds et des mains pour reprendre l’approvisionnement de l’armée libanaise financée indirectement – du moins, jusque-là – par l’Arabie Saoudite. Les Al-Saoud jugent les positions de cette armée trop proche du Hezbollah. Cette course enfiévrée pour entretenir ses marchés d’armements fait oublier aux Français ce qu’ils ont enduré ces deux dernières années à cause des attentats terroristes. Ils ne sont pas près de lâcher la proie pour l’ombre.
Cela dit, au-delà des professions de foi, leur diplomatie ne s’encombre d’aucun scrupule pour continuer à couvrir la violence armée en Syrie, et leurs médias s’obstinent à qualifier les terroristes ayant pris en otage la ville d’Alep de «rebelles» ou d’«opposition modérée», alors que c’est exactement le même schéma qui se présente dans la deuxième ville irakienne, Mossoul. C’est pourquoi la déclaration de Jean-Marc Ayrault s’apparente davantage, dans la tragédie actuelle, à un jeu de comédie.
R. M.
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