Un ex-ministre marocain : «Le Maroc risque de s’installer dans l’instabilité sociopolitique»
Le Maroc risque de s’installer dans «une instabilité sociopolitique» dont les conséquences seront «dommageables» pour l’avenir, selon un ancien ministre marocain, l’économiste Saïd Saâdi, qui souligne que la persistance du mouvement Hirak en dit long sur les faiblesses structurelles dont souffre le royaume et qui provoquent régulièrement des protestations dans différentes villes et localités du pays.
«La persistance de ce mouvement social en dit long sur les faiblesses structurelles dont souffre le Maroc et qui provoquent régulièrement des protestations dans différentes villes et localités du pays», a soutenu l’ex-Secrétaire d’Etat chargé de la Protection sociale, de la Famille et de l’Enfance, dans une tribune publiée mercredi par l’hebdomadaire Jeune Afrique, expliquant dans ce sens que «celles-ci (protestations) sont générées par le sentiment d’injustice sociale, d’humiliation et d’arbitraire éprouvé quotidiennement par les couches modestes de la population. Sentiment renforcé par la corruption et les situations de rente, le manque de perspectives pour les jeunes et les défaillances des services sociaux».
Depuis plus de huit mois, le Maroc vit au rythme du Hirak du Rif, le mouvement de contestation populaire et sociale enclenché à la suite du décès tragique de Mohcine Fikri, marchand de poisson broyé par un camion-benne en octobre 2016 à Al-Hoceima en essayant de récupérer sa marchandise saisie par la police.
L’ancien cadre du Parti du progrès et du socialisme (PPS), duquel il a démissionné en 2014, a expliqué également que «la reprise des contestations populaires qu’illustre le Hirak du Rif révèle également une crise de l’intermédiation politique traditionnelle et trahit la forte concentration des pouvoirs autour du palais», relevant à ce sujet que «l’ancien chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, a confié dernièrement au quotidien Akhbar Al-Yaoum ne pas avoir été associé à la conception du projet ‘‘Al-Hoceima, phare de la Méditerranée’’ (lancé en octobre 2015), dont la non-réalisation a attisé les tensions sociales dans le Rif».
«D’où une forte défiance des citoyens à l’égard des institutions (Parlement, partis politiques, syndicats, organisations de la société civile) qu’illustre, par exemple, la participation de seulement 25% des Marocains inscrits sur les listes électorales aux dernières législatives», a affirmé M. Saâdi, prévenant que «sans changement de cap, le pays risque de s’installer dans une instabilité sociopolitique dont les conséquences seront dommageables pour l’avenir». «Il s’agit notamment de changer de modèle de développement en faveur d’une alternative visant à édifier un Etat démocratique, développeur et social», a-t-il soutenu.
A propos des inégalités sociales et spatiales au Maroc, l’ex-haut responsable a indiqué que ces dernières «révèlent l’incapacité des choix économiques et sociaux des responsables à répondre aux attentes de la population». «Ainsi, sans remonter très loin dans le temps, les années 2000 ont vu prospérer une petite minorité proche du pouvoir politique, qui a engrangé les bénéfices de la libéralisation et de la privatisation de l’économie marocaine sans que cela se traduise par des gains de productivité, par la création d’emplois décents ou par un meilleur développement humain», a-t-il détaillé.
«Il en a résulté une forte concentration des richesses et une polarisation sociale qui ont fortement contribué au déclenchement du mouvement du 20 février 2011», a-t-il noté, précisant à l’occasion qu’«à partir de 2012, à la suite de la crise de la zone euro et de la dégradation des équilibres macroéconomiques, des mesures draconiennes d’austérité budgétaire (décompensation des produits pétroliers, compression de la masse salariale dans la fonction publique, ‘‘réforme’’ partielle des retraites, baisse des investissements publics) ont impacté le niveau de vie et le moral de larges couches de la population». «D’où une recrudescence des mouvements sociaux et des manifestations, dont 11 000 ont été recensés pour la seule année 2016, selon une récente déclaration du porte-parole du gouvernement», a conclu M. Saâdi.
R. I.
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