Aung San Suu Kyi déchue du prix de l’Holocauste pour son silence sur les Rohingyas
Le Musée de l’Holocauste de Washington a retiré à la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi un prix décerné pour son combat en faveur des libertés, en raison de son inaction dans la crise des Rohingyas. Près de 700 000 musulmans rohingyas vivant dans l’ouest de la Birmanie se sont réfugiés au Bangladesh voisin depuis fin août 2017 pour fuir une opération de l’armée qualifiée de campagne d’«épuration ethnique» par les Nations unies. «Nous avions espéré que vous – en tant que personne saluée pour votre engagement en faveur de la dignité humaine et des droits de l’Homme universels – fassiez quelque chose pour condamner et stopper la brutale campagne militaire, et exprimiez votre solidarité avec la population rohingya», a expliqué le Musée dans un communiqué.
Mais «la Ligue nationale pour la démocratie, sous votre direction, a au contraire refusé de coopérer avec le enquêteurs des Nations unies (et) propagé une rhétorique de haine à l’encontre de la communauté rohingya», a ajouté le Musée en allusion au parti politique de Aung San Suu Kyi. Il appelle, en outre, la dirigeante à user de son «autorité morale pour répondre à cette situation».
Cantonnée à la dissidence pendant près de trente ans, dont quinze en résidence surveillée, Aung San Suu Kyi avait reçu le premier prix Elie-Wiesel décerné en 2012 par le Musée de l’Holocauste pour son «action courageuse et son grand sacrifice personnel» contre la junte birmane et sa lutte pour «la liberté et la dignité du peuple birman». Mais la prix Nobel de la paix 1991, à la tête du gouvernement civil depuis 2016, a été pointée du doigt pour son manque de compassion à l’égard des Rohingyas et pour son silence sur le rôle de l’armée, avec laquelle elle doit composer sur le plan politique.
Ce qui a fait ressurgir une pétition, signée par des centaines de milliers de personnes depuis 2016, afin de réclamer le retrait du prix Nobel à la cheffe du gouvernement birman. Aung San Suu Kyi pourra garder le prix attribué en 1991 pour son combat contre la junte militaire. L’institut Nobel norvégien, qui définit les conditions d’attribution de cette distinction, est catégorique. «Il est impossible de révoquer un prix Nobel de la paix», affirme le directeur de l’institut, Olav Njølstad. Une telle possibilité n’est ni mentionnée dans le testament de l’éminent chimiste et fondateur du prix, Alfred Nobel, ni dans la charte d’attribution du prix. «Aucun recours ne peut être formé contre la décision d’un organisme d’attribution d’un prix.» Influencés par un fort nationalisme bouddhiste, une majorité des Birmans considèrent les Rohingyas comme des étrangers et les voient comme une menace à la prédominance bouddhiste du pays.
R. I.
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